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10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 18:27

http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/07/08/treve-generale-a-nuit-debout_4965985_823448.html

Trêve générale à Nuit Debout

Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Violaine Morin

Que reste-t-il du mouvement des Nuits Debout ? Place de la République, à Paris, plus grand-chose, à part quelques dizaines de personnes quand le temps le permet. L’assemblée générale a levé le camp, les curieux aussi. Envolés les slogans « un joyeux bordel est possible » et « à la fin, c’est nous qu’on va gagner ».

Lancé Jeudi 31 Mars 2016, au soir de l’une des plus grosses manifestations contre la loi travail, le mouvement des Nuits Debout fêtait ses cent jours, Vendredi 8 Juillet 2016. Trois mois plus tard, rares sont les commissions thématiques, qui pullulaient au plus fort du mouvement, à subsister.

Idem pour toutes les déclinaisons qui avaient pu voir le jour, de Radio Debout à Banlieues Debout.

Tout sauf spontané, ce mouvement a été planifié par une poignée de militants autour de François Ruffin, réalisateur du film Merci Patron. L’idée était de « ne pas rentrer chez soi » et de se réapproprier une place comme espace citoyen.

Jusqu'à la moitié du mois de mai 2016, le mouvement des Nuits Debout a attiré de petites foules, sympathisants de gauche, syndicalistes, déçus de François Hollande, jeunes, riverains et simples passants. Les politiques n’y sont pas les bienvenus, les chefs non plus.

La parole est libre et les assemblées générales n’en finissent plus de ne pas décider. « L’un des acquis du mouvement des Nuits Debout, c’est d’avoir fait émerger plusieurs questions dans le débat public, celles de la démocratie, du capitalisme financier, du rapport au pouvoir politique, des nouvelles formes de solidarité ou de la contestation du productivisme », explique le politologue Gaël Brustier. « C’est gros de promesses ».

Même si le mouvement s’est essoufflé place de la République, nombreux sont ceux qui considèrent que « son esprit » lui survit. Pour Killian, de l’équipe de la communication en ligne, le rassemblement au cœur de la capitale a servi de catalyseur. « Mais nous n’avons jamais rien fait avec une occupation », ajoute-t-il. Karine Monségu n’a aucun regret non plus, « la place de la République, ce n’était pas une fin en soi », indique cette syndicaliste de la Confédération Générale du Travail (CGT) d’Air France, membre du Parti de Gauche. « Ce qui compte, c’est l’occupation des esprits plus que de la place ».

Bureaucratie démocratique

Des Nuits Debout ont essaimé dans des villes de province, mais le mouvement a eu du mal à franchir le périphérique et à sortir de l’entre-soi, comme le voulait François Ruffin. Le rédacteur en chef du journal Fakir l’a d’ailleurs regretté dans une interview à Libération, Dimanche 5 Juin 2016.

« Dès le premier soir, j’en ai senti les limites, notamment en raison de la sociologie parisienne, une masse de diplômés, peu de classes populaires, pas d’usine aux alentours et une méfiance envers les syndicats, qui a très vite débouché sur une bureaucratie démocratique sans volonté de s’organiser », a-t-il critiqué.

Trois mois d’occupation ont cependant permis à chacun de se connaître. Si la convergence des luttes n’a pas eu lieu, le mouvement des Nuits Debout a permis de réveiller des réseaux militants en sommeil ou d’en créer de nouveaux.

« Certains avaient l’habitude de se croiser mais pas de travailler ensemble », souligne Leïla Chaïbi, figure de Jeudi Noir et ancienne dirigeante du Parti de Gauche. Même sentiment pour Dominique, un des fondateurs d’Avocats Debout qui, comme la plupart, ne souhaite pas donner son nom. « Ce qui m’a frappé, c’est qu’un tas de jeunes élèves avocats qui ne se sentaient à l’aise dans aucun parti politique trouvaient là un lieu de mobilisation ouvert sans arrière-pensée idéologique », relate-t-il. « C’est un réseau fort et riche qui s’est constitué ».

Les participants sont toujours connectés à Telegram, cette application de messagerie cryptée, et des dizaines de messages arrivent encore pour informer et mobiliser. Mardi 5 Juillet 2016, jour de l’annonce de l’utilisation du quarante neuvième article de la constitution pour adopter en deuxième lecture la loi travail à l’assemblée nationale, le mot d’ordre avait été donné de se retrouver devant le Palais-Bourbon. Ils seront deux cent à s’y rendre.

Espace d’expression

Le mouvement des Nuits Debout a aussi été une école de l’action militante.

Des jeunes ont appris à manifester, à s’organiser et à lutter. Les réseaux sociaux les y ont aidés.

Marie, une membre de la commission coordination, n’avait ainsi jamais trouvé un espace d’expression qui lui corresponde.

« Les gens comme moi ont évolué et mûri avec le mouvement », relève-t-elle.

La suite reste maintenant à inventer. Julien Bayou, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), invite à se projeter sur le temps long. Il rappelle que Podemos, en Espagne, est né trois ans après l’émergence des indignés madrilènes. « Quant à Occupy Wall Street, c’est très confortable de se dire qu’ils sont tombés amoureux d’eux-mêmes », note-t-il. « Mais ils ont percé un triple mur, la dérégulation sous Bill Clinton, la fin des libertés sous Georges Bush et la déception sous Barack Obama. Et ils ont trouvé un écho avec Bernie Sanders ».

D’autres regardent à plus court terme. Que faire, en 2017, pour les élections présidentielles ?

Prôner l’abstention, prôner le vote blanc ou soutenir un candidat ? Membre du service d’ordre quand il existait, Romain souhaite que le mouvement des Nuits Debout devienne « un élément perturbateur et un grain de sable en s’incrustant, par exemple, dans les meetings du Parti Socialiste. C’est dans ce rapport de force que le mouvement des Nuits Debout peut jouer », veut-il croire.

Certains ont déjà commencé à s’organiser avec la volonté de « pirater 2017 ». C’est le cas d’Arthur, étudiant à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP), plus motivé que jamais, « tous ces candidats qui ne vivent pas comme nous et qui veulent nous imposer leur loi travail, on va leur pourrir leur campagne ».

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