Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 avril 2017 5 07 /04 /avril /2017 17:37

 

http://www.alencontre.org/laune/trente-ans-apres-la-revolution-russe-i.html

 

Trente ans après la révolution russe

 

Par Charles André Udry

 

Lundi 27 Mars 2017

 

Alors que se multiplient les écrits consacrés au centenaire de la révolution russe, l’utilité de publier, à nouveau, cette contribution de Victor Serge relève de l’évidence. Victor Serge disparut le 17 novembre 1947 à Mexico. Ce texte fut publié, au mois de novembre 1947, dans la Révolution Prolétarienne, « revue syndicaliste révolutionnaire » comme qualifiée depuis 1930. Elle avait été et fondée en 1925 par Pierre Monatte avec la dénomination « revue syndicaliste communiste ». La Révolution Prolétarienne a été interrompue en 1939 et relancée en 1947. Selon Jean Rière, il s’agit du dernier texte de Victor Serge publié par cette revue qui « par la suite fit pratiquement silence sur l’homme et l’œuvre ».

Jean Rière et Jil Silberstein ont réuni, en 2001, dans la collection Bouquins, aux éditions Robert Laffont, les mémoires d’un révolutionnaire et d’autres écrits politiques de Victor Serge. La version établie par Jean Rière des mémoires d’un révolutionnaire diffère de la première édition de 1951. Elle traduit au plus près les étapes et les versions depuis 1938 de l’élaboration de cet ouvrage d’importance.

Pour situer l’étape de la réflexion politique de Victor Serge en 1947, il est utile de rappeler le contexte dans lequel il publie ce bilan intitulé « trente ans après la révolution russe ». Ce texte a été, à tort, présenté comme « une postface inédite » à la première année de la révolution russe parue en français en 1930. Un ouvrage rédigé à Leningrad entre 1925 et 1928, alors que Victor Serge s’affrontait à la montée et consolidation du stalinisme.

En 1941, Victor Kibaltchitch, dit Victor Serge, avec son fils Vlady Kibaltchitch, suite à une chasse désespérée pour l’obtention d’un visa et surveillé par les services du Federal Bureau of Investigation (FBI), arrive en Martinique où il est incarcéré. De là, il se rend en République Dominicaine, puis à Haïti dont il est refoulé. A Cuba, il est aussi emprisonné. Six mois lui ont été nécessaires pour arriver à Mexico.

Durant toute cette période de gigantesques chambardements internationaux, il n’a cessé d’écrire et de suivre les développements politiques et militaires. En République Dominicaine, il rédige un ouvrage en espagnol, « Adolf Hitler contre Joseph Staline, la phase décisive de la guerre mondiale ». Il est resté inédit en français.

Durant ces années, au sein du groupe Socialismo y Libertad, il aborde « la question fondamentale pour lui des perspectives de la lutte pour un socialisme véritable », pour citer l’excellente contribution de Susan Weissman, « dissident dans la révolution, Victor Serge, une biographie politique », aux éditions Syllepse en 2006, traduit de l’anglais, aux éditions Verso en 2001. Susan Weissman ajoute « qu’au cours de cette période charnière, la pensée de Victor Serge est intimement liée à son analyse de la nature du stalinisme. Victor Serge étudie l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) à la lumière de la nouvelle configuration mondiale ». Il teste les différentes analyses critiques radicales de l’URSS stalinienne et il s’accroche à élucider la structure sociale soviétique. « Il estime que l’URSS et son régime totalitaire poursuivra son cours contre le socialisme sans concéder la moindre réforme démocratique ».

Il faut rappeler que, dans le neuvième chapitre des mémoires d’un révolutionnaire, Victor Serge, dès 1936, exprime clairement son désaccord avec Léon Trotsky, entre autres « sur d’importantes questions de l’histoire de la révolution. Léon Trotsky refusait d’admettre que, dans le terrible épisode de Cronstadt de 1921, les responsabilités du comité central bolchevik eussent été énormes, que la répression qui s’ensuivit fut inutilement barbare et que l’établissement de la Tchéka, devenue plus tard le Guépéou, avec ses méthodes d’inquisition secrète, fut de la part des dirigeants une lourde erreur incompatible avec la mentalité socialiste. Sur les problèmes de l’actualité russe, je reconnaissais à Léon Trotski une clairvoyance et des intuitions étonnantes. J’avais obtenu de lui, au moment où il écrivait la Révolution Trahie », texte traduit par Victor Serge, sur demande de Léon Trotsky, et publié en français chez Grasset en 1936, « qu’il inscrivit au programme de l’opposition la liberté des partis soviétiques, autrement dit la liberté des partis représentés dans les soviets. Je le voyais mêler aux éclairs d’une haute intelligence les schématismes systématiques du bolchevisme d’autrefois dont il croyait la résurrection inévitable dans tous les pays. Je comprenais son raidissement de dernier survivant d’une génération de géants mais, convaincu que les grandes traditions historiques ne continuent que par des renouvellements, je pensais que le socialisme doit aussi se renouveler dans le monde présent et que ce doit être par l’abandon de la tradition autoritaire et intolérante du marxisme russe du début de ce siècle ». Victor Serge a ajouté, sous forme manuscrite, en vue d’une nouvelle version, le passage transcrit par Jean Rière, « le seul problème que la Russie rouge entre 1917 et 1927 n’ait jamais su poser est celui de la liberté, la seule déclaration indispensable que le gouvernement soviétique n’ait pas faite est celle des droits de l’homme. J’exposais ces idées dans des articles publiés à Paris et à New York ».

Léon Trotsky, « déplorablement informé par des adeptes plus bornés que compréhensifs », attaqua à ce propos Victor Serge. Ce dernier concluait « qu’il y a une logique naturelle de la contagion par le combat. La révolution russe continua ainsi, malgré elle, certaines traditions néfastes du despotisme qu’elle venait d’abattre ».

Ces quelques notes introductives devraient permettre de mieux situer le bilan, daté par définition, établi par Victor Serge, il y a soixante dix ans.

Partager cet article
Repost0

commentaires