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30 mars 2018 5 30 /03 /mars /2018 18:54

 

 

http://www.liberation.fr/planete/2018/03/30/gaza-douze-palestiniens-tues-lors-du-premier-jour-de-la-marche-du-retour_1640119

 

Douze palestiniens tués lors du premier jour de la marche du retour

 

Par Guillaume Gendron, correspondant de Libération à Tel Aviv

 

Conformément à ses avertissements, l'armée israélienne a tiré à balles réelles contre des manifestants, Vendredi 30 Mars 2018, à l'occasion d'un grand rassemblement le long de la frontière entre l'enclave palestinienne sous blocus et le sud d'Israël.

 

Si prévisible, la mécanique du pire s’est à nouveau enclenchée à Gaza. Vendredi 30 Mars 2018, dix palestiniens de l’enclave côtière ont péri sous le feu des snipers israéliens postés de l’autre côté de la frontière, à l’occasion du premier jour de la marche du retour, mobilisation de masse qui doit durer jusqu'au mois de mai 2018, de la journée de la terre, Vendredi 30 Mars 2018, à la journée de la nakba, point d’orgue du mouvement au lendemain de l’anniversaire des soixante dix ans de la création de l'état hébreu.

En début de soirée, les tanks israéliens ont détruit trois postes de contrôle du Hamas, causant la mort de deux hommes et portant le morbide bilan de la journée à au moins douze victimes et plus d'un millier de blessés selon les chiffres communiqués par le ministère de la santé de Gaza.

Après la traditionnelle prière de la mi-journée, environ trente mille gazaouis s’étaient rendus aux abords voire, pour certains, à l’intérieur de la zone tampon, ces quelques centaines de mètres de no man’s land farouchement imposés par l’armée israélienne et théâtre régulier d’affrontements asymétriques le long de la clôture entre le territoire palestinien sous blocus et le sud d’Israël.

Lancée à l’initiative de personnalités de la société civile après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne par Donald Trump, puis récupérée par le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle l’enclave depuis une décennie, la marche du retour entend remettre au cœur du débat le droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs terres d’avant 1948.

En amont de l’événement, l’état-major de l'armée israélienne avait justifié les tirs à balles réelles pour réprimer le rassemblement, refusant de croire dans la non violence revendiquée des organisateurs et évoquant divers précédents d’enfouissements d’engins explosifs sous couvert de manifestations. Dès l’aube, un fermier a été tué par un obus tiré depuis un tank à la frontière, sous prétexte de comportement suspect.

La journée s’est déroulée exactement comme chaque camp l’attendait, rejouant une tragédie sans fin connue de tous les acteurs. Du côté palestinien, parmi les masses pacifiques rassemblées autour de cinq campements de tentes, des grappes de jeunes hommes sont venus lancer des pierres, des pneus brûlés et des cocktails Molotov en direction de la clôture.

De l’autre côté, des drones ont largué des bombes lacrymogènes contre la foule et les soldats israéliens ont appliqué leurs consignes létales. Les Israéliens ont aussi largement publicisé l’envoi d’une fillette de sept ans en direction de la barrière, épargnée par les tirs et ensuite rendue à sa famille, nourrissant ainsi les habituelles accusations d’instrumentalisation d’enfants par les activistes palestiniens. Dans ses comptes rendus, l’armée israélienne considère tous les participants sans exception comme des émeutiers, suivant sa ligne de communication depuis le début de la semaine, après avoir déclaré que la mobilisation était un mouvement hostile.

Le bilan humain est très lourd. Il dépasse en un jour le nombre de gazaouis tués durant tout le mois de protestations qui avait suivi la déclaration de Donald Trump au mois de décembre 2017. Selon les médias locaux, les victimes avaient entre dix huit et trente quatre ans, l’armée israélienne revendiquant avoir abattu parmi eux une figure centrale de l’organisation du Hamas. Le ministère de la santé de Gaza dénombre des centaines de blessés, dont au moins deux cent blessés par balles selon le Croissant Rouge Palestinien, alors que l'armée israélienne assure n’avoir visé que les meneurs.

« La journée de la terre a toujours été une journée sanglante », note le politologue gazaoui Mkaimar Abusada, « dès ses origines, il s’agit d’honorer la mémoire des six arabes israéliens tués dans les manifestations contre l’expropriation de terres en Galilée en 1976. Mais dans le contexte actuel, cette répression israélienne disproportionnée, si elle n’a absolument rien d’étonnant, c’est de l’huile sur le feu. Chaque corps touchant le sol va motiver les gazaouis à participer aux prochaines manifestations. Le mouvement pourrait donc s’amplifier ».

Pour le Hamas, c’est une victoire. Ses troupes, qui ont battu le rappel toute la semaine dans leur administration comme leurs mosquées, ont réussi à mobiliser une foule importante et la réaction israélienne ne fait qu’ajouter à la martyrologie chère au mouvement. Ismaïl Haniyeh, le leader de la branche politique du mouvement islamiste, s’en est réjoui et a déclaré que la marche sonnait « le retour des palestiniens dans l’ensemble de la Palestine », soit la totalité du territoire précédant la création d’Israël. « Sans cela, il n’y a pas d’autre solution au conflit », a-t-il ajouté.

Pour Mkaimar Abusada, ce qui se joue, c’est aussi la question du leadership palestinien, face à un Mahmoud Abbas rejeté par soixante dix pour cent des habitants des territoires selon un récent sondage et face à un Hamas ostracisé par la communauté internationale. Le président de l’Autorité Palestinienne tente depuis un an de reprendre le contrôle de la bande de Gaza en y imposant des sanctions drastiques, qui ont aggravé la crise humanitaire perpétuelle de l’enclave. « Le Fatah a soutenu timidement ce mouvement », remarque le chercheur, « car pour le Hamas, cette mobilisation est un moyen de changer la conversation autour de l’échec de la réconciliation avec le Fatah et des conditions de vie à Gaza et de remettre le focus sur l’occupation israélienne comme source principale des souffrances palestiniennes avec, bien sûr, le Hamas à la pointe de la lutte et principal interlocuteur ».

En Cisjordanie, où l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas contrôle les zones urbaines, les manifestations sont restées limitées avec seulement neuf cent participants, mais néanmoins vingt sept blessés à Naplouse. Dans la soirée, Mahmoud Abbas a décrété une journée de deuil national, Samedi 31 Mars 2018.

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