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16 novembre 2020 1 16 /11 /novembre /2020 16:27

 

 

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/proposition-de-loi-sur-la-securite-globale-neuf-affaires-impliquant-les-forces-de-l-ordre-qui-auraient-pu-ne-pas-voir-le-jour-sans-videos_4181181.html

 

Proposition de loi relative à la sécurité globale, neuf affaires impliquant les forces de l'ordre dans lesquelles la vidéo a joué un rôle clé

Le texte, examiné à partir du Mardi 17 Novembre 2020 à l'assemblée nationale, projette d'interdire la diffusion, dans certaines circonstances, d'images permettant d'identifier les forces de l'ordre. Les syndicats de journalistes et des Organisations Non Gouvernementales (ONG) craignent que cela n'entraîne l'impossibilité de filmer les policiers et les gendarmes.

La proposition de loi relative à la sécurité globale sera-t-elle synonyme d'impunité pour les forces de l'ordre ? Le texte, qui doit être débattu à partir du Mardi 17 Novembre 2020 à l'assemblée nationale, prévoit de punir d'un an de prison et de quarante cinq mille euros d'amende le fait de diffuser l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un policier ou d'un gendarme en intervention, dans le but de porter atteinte à son intégrité physique ou psychique.

Pour les syndicats de journalistes et plusieurs ONG défendant les droits de l'homme, cette définition vague pourrait rendre impossible le fait de filmer en direct des forces de l'ordre en action. Une crainte particulièrement importante, alors que le débat autour des violences policières rencontre un très fort écho depuis la mort de George Floyd, à la fin du mois de mai 2020 aux Etats-Unis.

« Il est faux de dire qu'on ne pourra plus filmer les policiers », se défend auprès de l'Agence France Presse (AFP) Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat des officiers de police Synergie, « les nouvelles dispositions n'empêcheront pas les policiers d'être identifiables administrativement et judiciairement, mais ils ne seront pas livrés à la vindicte ».

« Si vous voyez un problème qui relève du code pénal, vous aurez le droit de le filmer et de le transmettre au procureur de la république et, si vous voulez le diffuser sur internet de façon sauvage, vous devrez faire flouter les visages des policiers et des gendarmes », a de son côté indiqué Vendredi 13 Novembre 2020 sur France Info le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, alors que cette dernière obligation ne figure pas, pour l'instant, dans le texte de loi. Dans une lettre envoyée aux syndicats de policiers, et publiée sur son compte Twitter, le ministre évoque même l'interdiction de l'exploitation de votre image sur les réseaux sociaux, sans mention d'une volonté d'atteinte à l'intégrité de la part de celui qui la diffuse.

Dans ce contexte, France Info a sélectionné neuf affaires emblématiques qui témoignent de l'importance des vidéos, tournées par des amateurs ou des journalistes, dans le lancement et l'aboutissement de poursuites judiciaires en matière de violences policières. Vous les trouverez ci dessous, par ordre chronologique.

La première est l'interpellation d'Abdoulaye Fofana, qui a inspiré le film des Misérables. Dans la nuit du 14 octobre 2008, Abdoulaye Fofana, vingt ans, reçoit plusieurs coups de matraque et un coup de crosse de pistolet, alors qu'il est interpellé pour des violences contre des policiers, cité des Bosquets, à Montfermeil, dans le département de la Seine-Saint-Denis, où il habite. La scène est filmée par un voisin, le réalisateur Ladj Ly, qui s'inspirera de l'événement pour réaliser en 2019 le film des Misérables.

La vidéo est versée à l'enquête ouverte par le parquet de Bobigny pour des violences par dépositaire de l'autorité publique avec arme, confiée à l'Inspection Générale des Services (IGS), ancêtre de l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). Deux policiers ont finalement été condamnés en 2011 à quatre mois de prison avec sursis et à trois mille six cent euros de réparation et de frais de procédure.

« C'est entièrement grâce à Ladj Ly que je suis là où je suis, je lui suis très reconnaissant. Sans vidéo, j'allais à Fleury ou à Villepinte », disait Abdoulaye Fofana en 2019 au Parisien. Il s'agit de la première affaire de violences policières où la vidéo a joué un rôle primordial, assure aussi dans Mediapart son ancien avocat, Yassine Bouzrou.

La deuxième affaire est celle du coup de poing à un lycéen en marge d'un blocus. En marge d'un blocus contre la loi travail organisé devant le lycée Henri Bergson, le 24 mars 2016 à Paris, un policier en civil est filmé par des manifestants en train d'asséner un violent coup de poing au visage d'un adolescent, maintenu par un autre policier, le faisant basculer et chuter. La victime a le nez cassé et elle se voit prescrire une incapacité totale de travail de six jours.

La vidéo de la scène, qui tourne largement sur les réseaux sociaux et dans les médias fait réagir le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, qui se dit choqué. Devant la justice, le gardien de la paix invoque un malheureux concours de circonstances, mais il est condamné au mois de novembre 2016 à huit mois de prison avec sursis, sans inscription au casier judiciaire, ce qui lui permet de rester fonctionnaire de police.

La troisième affaire est celle des violences reprochées à Alexandre Benalla. Alexandre Benalla, ancien adjoint au chef du cabinet de la présidence de la république, et Vincent Crase, ancien employé de la République En Marche (REM), sont mis en examen depuis le 22 juillet 2018, notamment accusés d'avoir molesté des manifestants, place de la Contrescarpe, à Paris, le premier mai 2018.

Les images de la scène, filmées par Taha Bouhafs, militant depuis devenu journaliste, sont à l'origine de la retentissante affaire d'Alexandre Benalla, aux multiples branches. L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron est actuellement visé par six procédures judiciaires distinctes. En ce qui concerne les violences du premier mai 2018, l'instruction s'est achevée au mois d'octobre 2020 et la justice doit désormais déterminer la tenue ou non d'un procès.

Si elle avait été en vigueur à l'époque, la loi relative à la sécurité globale n'aurait pas protégé Alexandre Benalla, qui n'est pas policier. Mais Taha Bouhafs, qui le filme, pensait avoir affaire à un policier, comme il l'explique à Mediapart, « je ne savais pas qu'il s'agissait d'Alexandre e Benalla, un collaborateur d'Emmanuel Macron, mais je voulais alerter sur les violences de ce policier en civil. Si j'avais flouté, l'affaire d'Alexandre Benalla n'existerait pas ».

La quatrième affaire est celle du passage à tabac de manifestants dans un Burger King. Nous sommes le troisième samedi de mobilisation des Gilets Jaunes, le premier décembre 2018, lorsqu'une trentaine de manifestants et quelques journalistes trouvent refuge dans un restaurant Burger King situé près de l'Arc de Triomphe, à Paris, au terme d'une journée de mobilisation marquée par de nombreuses violences.

Quelques minutes après, une douzaine de policiers d'une Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) entrent dans le Burger King et ils matraquent violemment plusieurs manifestants, certains allongés au sol. La scène est filmée par plusieurs journalistes.

Une enquête préliminaire est confiée à l'IGPN, qui reconnaît des violences qui ne semblaient pas justifiées, mais qui affirme ne pas réussir à identifier la totalité des fonctionnaires impliqués. L'affaire, confiée à un juge d'instruction, donne finalement lieu au mois de juin 2020 à la mise en examen de quatre policiers de la CRS, notamment pour des violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique.

La cinquième affaire est celle de Jérôme Rodrigues grièvement blessé à l'œil. Jérôme Rodrigues, l'une des figures du mouvement des Gilets Jaunes, est gravement blessé à l'œil lors de la onzième journée de mobilisation, le 26 janvier 2019, place de la Bastille, à Paris. Le militant, qui perd l'usage de son œil droit, assure à plusieurs reprises avoir été touché par un projectile tiré par un Lanceur de Balles de Défense (LBD).

Alors que les autorités contestent l'usage d'une telle arme, deux vidéos tournées par des amateurs et diffusées dans l'émission Quotidien, sur Télévision Monte Carlo (TMC), et un rapport ultérieur d'un policier d'une compagnie de sécurisation et d'intervention, confirment l'existence d'un tir au moment où Jérôme Rodrigues est blessé, sans toutefois établir formellement un lien avec la blessure.

Au terme de l'enquête préliminaire confiée à l'IGPN, le parquet de Paris a ouvert au mois de février 2019 une information judiciaire pour des violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique avec arme.

La sixième affaire est celle des violences contre deux Gilets Jaunes à Paris. Lors de la quinzième journée de mobilisation des Gilets Jaunes, le 23 février 2019 à Paris, des membres de la soixante quinzième Compagnie de Sécurisation et d'Intervention (CSI) interpellent deux manifestants, identifiés comme les auteurs de violences contre des forces de l'ordre, ce qu'ils contestent. Durant l'interpellation, l'un des policiers porte un coup de pied au visage d'un manifestant alors qu'il est déjà au sol, puis il assène un coup de bâton souple de défense dans la figure du second, lui aussi encadré par des policiers.

Des vidéos des faits sont diffusées sur les réseaux sociaux puis signalées par trois internautes, entraînant l'ouverture d'une enquête de l'IGPN. Le policier de vingt neuf ans a finalement été condamné, Jeudi 12 Novembre 2020, à huit mois de prison avec sursis. Les deux manifestants ont de leur côté été condamnés en comparution immédiate à huit mois de prison avec sursis pour les violences commises avant leur interpellation. Un procès en appel est prévu au mois de mars 2021.

La septième affaire est celle du policier qui lance un pavé lors d'une manifestation. La scène se déroule le premier mai 2019, en face de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, lors d'une journée d'action des Gilets Jaunes marquée par de violents heurts dans la capitale. Un policier d'une CRS est filmé par un journaliste en train de saisir puis de lancer un pavé contre des manifestants, qui se trouvent à quelques mètres, sans que les images ne montrent où atterrit le projectile.

Le policier de quarante quatre ans est condamné, au mois de décembre 2019, à deux mois de prison avec sursis pour des violences volontaires de la part d'une personne dépositaire de l'autorité publique. Il s'agit de la première condamnation d'un policier pour violences, depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes.

La huitième affaire est celle de la mort de Cédric Chouviat. Cédric Chouviat, livreur de quarante deux ans, meurt le 5 janvier 2020 après un malaise cardiaque survenu le 3 janvier 2020 lors d'un contrôle policier, à Paris. Trois vidéos du contrôle routier, filmées par le livreur lui-même, une policière et un automobiliste, permettent de reconstituer la scène. Elles mettent notamment en évidence que Cédric Chouviat dit à sept reprises qu'il étouffe avant son malaise. Les policiers assurent ne pas avoir entendu ces mots.

L'un des policiers a pratiqué un étranglement arrière sur le livreur peu avant son asphyxie et l'équipage a mis trois minutes avant de pratiquer un massage cardiaque à Cédric Chouviat, conclut l'IGPN, chargée de l'enquête, au mois de juin 2020. Trois policiers membres de l'équipage sont désormais mis en examen pour homicide involontaire et une autre est placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté.

La neuvième affaire est celle d'injures racistes lors d'une interpellation. Le 26 avril 2020, vers 1 heure 30 du matin, des policiers interpellent à l'Ile-Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis, un homme soupçonné de vol de matériel sur un chantier et qui a tenté de prendre la fuite en se jetant dans la Seine, selon ce que rapportent des sources policières citées par l'Agence France Presse (AFP).

« Un bicot comme cela, cela ne nage pas », entend-on dans une vidéo diffusée sur Twitter, visiblement filmée après que les fonctionnaires aient sorti l'homme du fleuve. L'expression raciste désigne un arabe nord-africain. « Cela coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied », répond un autre membre des forces de l'ordre. Comme dans l'affaire d'Alexandre Benalla, ces images sont diffusées par le journaliste du site engagé Là-bas si j'y Suis, Taha Bouhafs. « Cette vidéo m’a été envoyée par un habitant de l’Ile-Saint-Denis, qui a lui-même filmé la scène », dit-il.

Un policier comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Bobigny le 4 mars 2021 pour injure à caractère raciste. Le préfet de police de Paris avait auparavant demandé la suspension des deux policiers qui ont reconnu être les auteurs des propos.

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