Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 août 2022 4 18 /08 /août /2022 16:30

 

 

ACTUALITE DE LA BIOGRAPHIE DE CHRISTIAN NENNY

Jeudi 18 Août 2022

Jacques Kirsner écrivait récemment un long message relatif à l’histoire de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) et à l’actuelle situation politique française. Vous trouverez ci-dessous le paragraphe de son message relatif à l’histoire de l’OCI. Son message est disponible en totalité si vous consultez le site internet du Club Politique Bastille (CPB) à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

 

http://clubpolitiquebastille.org/spip.php?article324

ACTUALITE DE LA BIOGRAPHIE DE CHRISTIAN NENNY

Par Jacques Kirsner

Jeudi 18 Août 2022

À l’occasion de la mort de Christian Nenny et de l’hommage honteux d’Informations Ouvrières, de nombreux camarades se sont exprimés. C’est salutaire. Ils se sont exprimés souvent pour faire le procès des méthodes de Christian Nenny censées reproduire les méthodes de Pierre Lambert, de Claude Chisserey, de Charles Berg et de Marc Lacaze. C’est sain et ces échanges doivent se poursuivre, mais en évitant, autant que possible, nul n’est parfait, les attaques ad hominem. Globalement, je partage ce que Pierre Salvaing et Robert Duguet ont écrit. Évidemment, les dirigeants portent la principale responsabilité de ce qui a été, mais n’oublions pas qu’ils ont été élus et pas seulement sur liste bloquée comme c’est dorénavant la règle. Ils ont été élus par les suffrages des militants. Je parle pour le comité central qui ensuite nommait les responsables à tous les niveaux, centralisme démocratique oblige.

Je ne me souviens d’aucune protestation politique. Dans les années 1970, c’était possible. La discussion se menait encore à peu près librement. Les permanents ne cadenassaient pas l’organisation.

Les textes étaient votés à l’unanimité. Répétons-le, les dirigeants sont plus responsables que les autres militants, mais nous étions tous dans la même organisation et nous appliquions tous la même orientation.

Au sein de la direction, souvent au niveau du bureau politique, parfois au niveau du comité central, il y avait débat et des divergences s’exprimaient. Chacun était libre. J’ai voté l’objectif du parti des dix mille militants en appliquant sa mise en œuvre et en traînant des pieds pour la prise de l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), mais j’ai dirigé la bataille tout en craignant les conséquences de la victoire et puis l’activisme pour atteindre les objectifs m’a conduit à des réserves écrites qui sont restées confinées au niveau de la direction. Au total, comme les autres, j’ai accepté.

Pierre Lambert n’a alors rien empêché. L’essentiel était que la discussion reste au niveau de la direction sans que les militants soient informés. C’est à partir de ces faits que les méthodes peuvent être analysées et évidemment critiquées.

Toute l’organisation partageait l’analyse selon laquelle la cinquième république était à l’agonie. La crise finale de la cinquième république allait déboucher sur une crise révolutionnaire. Les appareils préparent donc un front populaire pour faire barrage aux masses. L’OCI en construisant un parti de dix mille militants pouvait forger l’outil qui permettrait de faire triompher une politique anticapitaliste, pour un gouvernement du Parti Communiste Français (PCF) et du Parti Socialiste sans ministres bourgeois. Il fallait se hâter et nous mettre en ordre de bataille.

Pour aboutir, il fallait atteindre des objectifs toujours en hausse dans de nombreuses campagnes. La méthode des objectifs et des résultats, enseignée dans toutes les écoles de commerce, est devenue la règle. Nous recrutions moins que prévu, mais nous recrutions. Pierre Lambert a alors permanentisé à tour de bras.

Chaque lundi matin, il réunissait au 87 Rue du Faubourg Saint Denis ceux qu’il désignait comme les chefs de service pour faire le point sur les résultats.

La pression est devenue insoutenable. Il fallait continuer et mobiliser les militants. La crise de la cinquième république s’aggravait, le parti des dix mille militants était d’autant plus nécessaire que nous étions à l’époque de l’imminence de la révolution. La révolution portugaise, la montée des oppositions en Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), en Pologne et en Tchécoslovaquie, illustraient la validité de notre analyse, sans oublier la campagne victorieuse pour la libération de Léonid Plioutch. Donc, nous cravachions tous, du sommet jusqu’à la cellule. Personne ne protestait. Personne ne s’opposait.

Au bureau politique, je le répète, les réactions étaient plus nuancées. Pierre Salvaing, seul à avoir produit une étude sérieuse sur cette époque, a exhumé un texte que j’ai écrit. J’y manifestais mon inquiétude sur des objectifs trop élevés qui aboutissaient à une pression énorme sur les militants et un activisme dément.

Mais je n’ai pas persévéré. Stéphane Just s’inquiétait lui aussi et il multipliait oralement ses inquiétudes. De surcroit et de concert, nous avions mis en cause le fonctionnement financier de Pierre Lambert. Notre avenir devenait compliqué. Claude Chisserey, amoureux déçu de Pierre Lambert, brisé mais lucide, nous avait prévenu que Pierre Lambert nous exclurait.

Nous ne l’avons pas cru. C’est secondaire. Ce qui est déterminant, c’est que l’orientation politique s’est avérée totalement fausse. Nous annoncions l’imminence de la révolution, alors que, après le coup d’état d’Augusto Pinochet au Chili contre Salvador Allende en 1973, Ronald Reagan et Margaret Thatcher mettaient en œuvre la stratégie mondiale du néo-libéralisme.

Nous annoncions la mobilisation révolutionnaire des masses. François Mitterrand l’a emporté sans qu’il n’y ait rien de tel. Parallèlement, la direction de l’OCI mettait en œuvre une politique d’infiltration dans le Parti Socialiste dont l’objectif était d’implanter des militants qui, le jour J, lorsque la grève générale affrontera le Front Populaire, organisera un courant massif dans le Parti Socialiste qui renforcerait le parti des dix mille militants. La règle fixée était simple. Aucun trotskyste en fraction ne devait accepter de responsabilité qui l’obligerait à diriger la politique contre-révolutionnaire de l’Union de la Gauche. Je n’étais plus là lorsque le bureau politique à l’unanimité a décidé que Lionel Jospin accepterait de devenir premier secrétaire du Parti Socialiste, c’est-à-dire vice-président de la cinquième république.

À partir de cette époque, l’OCI allait, d’exclusions en exclusions, devenir une secte ultra-centralisée, collaborant avec la bourgeoisie à travers la Confédération Générale du Travail (CGT) Force Ouvrière, l’UNEF, la destruction de la Fédération de l’Education Nationale (FEN) et la construction de la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP).

Je rappelle ces faits non pour justifier mais pour souligner que la plupart des militants de l’OCI ont mis en œuvre cette politique et les méthodes procédaient de l’équation miraculeuse de la méthode folle des objectifs et des résultats.

Mettre en cause Christian Nenny qui a tenté, comme les autres, plus que les autres, de promouvoir cette orientation, c’est injuste. Chaque musicien, avec sa personnalité et son talent, jouait dans l’orchestre. Probablement excessif, Christian Nenny, avec ses ombres et ses lumières, était un constructeur et un militant brisé, comme tant d’autres, par la bataille pour le parti des dix mille militants et par son admiration et son attachement à Pierre Lambert. Christian Nenny était un camarade. Dans mon souvenir, il le reste. Je déteste les règlements de compte.

Il reste un autre problème théorique majeur, la notion de parti révolutionnaire, modèle français du parti bolchevique. Cette phalange unie, section de la quatrième internationale exprimant consciemment le processus inconscient et conduisant à la victoire, mais qui, dans aucun pays depuis la proclamation de la quatrième internationale, n’a vu le jour.

Ce parti rêvé, d’une pureté idéologique révolutionnaire, résistant évidemment à la pression de la société bourgeoise et marchant au feu de la révolution grâce au centralisme démocratique, et qui, dans tous les pays, a échoué, explosant et scissionnant dès que le passage du groupe à l’organisation commençait à se réaliser, semant sur le chemin des centaines de milliers d’anciens militants. Nous en faisons partie.

C’est, me semble-t-il, à ces problèmes que Pierre Salvaing et Robert Duguet ont commencé à réfléchir. Il faut poursuivre, non pour revisiter en soit le passé,  mais pour penser à l’avenir et pour transmettre.

Partager cet article
Repost0

commentaires