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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 17:20

 

 

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Réponse de Michel Panthou à Jacques Kirsner

Mardi 27 Septembre 2022

Après la mort de Christian Neny, j’approuve la réponse de Pierre Salvaing à François Chaintron. Jacques Kirsner a raison dans sa réponse de condamner le fait d’être mis en cause sans avoir été consulté. Sur ce point Eric reconnaît son erreur. Il s’en est tenu au témoignage d’un autre ancien militant.

Je voudrais maintenant répondre à deux questions qui n’en font qu’une. Dans sa réponse, Jacques Kirsner se demande pourquoi je n’ai pas abordé avec lui, il était à l’époque responsable d’une région de province, ma critique sur l’esprit de bande qui caractérisait la politique de direction de Christian Neny. Dans son texte public, Jacques Kirsner s’interroge plus généralement sur qui protestait.

Jacques Kirsner fait la distinction entre la période des années 1970 et la période des années 1980.

Je vais tenter de reconstituer comment j’ai vécu cette période. La mémoire est trompeuse mais j’ai quelques points de repères précis.

Mon impression générale est plutôt celle d’une lente dégradation, à mon avis liée à l’éloignement de l’imminence de la révolution et à la résistance de la cinquième république prétendument agonisante, dégradation accélérée à la fin des années 1970 par les difficultés à recruter, par l ’épuisement militant et par l’essoufflement du travail jeune. L’effort militant exigé pour assurer la direction de l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) absorbe toutes les énergies de l’Alliance des Etudiants Révolutionnaires (AER), un travail de gestion syndicale auquel personne n’est préparé, d’où une dépolitisation. Puis c’est le trou noir après le vote pour François Mitterrand aux deux tours des élections présidentielles de 1981 et l’absence de ligne politique claire et indépendante dans les mois qui ont suivi l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république, le 10 mai 1981.

Pour insister encore sur cet aspect, au début des années 1970, l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme (AJS) existe et pas seulement l’AER. A Orléans nous avons dans les cars pour le Bourget plusieurs jeunes caissières d’un supermarché en grève, idem pour le rassemblement d’ Essen. A Clermont il y a des jeunes ouvriers de Michelin. Puis toute l’activité se concentre sur l’UNEF, Martine qui travaille déjà à la Direction Départementale de l’Equipement (DDE) participe au placement des cartes de l’UNEF et de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France (MNEF) à la rentrée universitaire, Moi-même et des militants de Moulins nous déplaçons pour mener la campagne des élections au Conseil Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires (CROUS) sur plusieurs jours.

La question capitale derrière celle de savoir qui protestait est de savoir pourquoi personne ne protestait, pourquoi des militants courageux contre les staliniens, courageux contre les patrons dans les entreprises et dans les administrations, courageux dans l’accomplissement des tâches militantes et dévoués dans les efforts financiers, ce qu’aucune autre organisation n’était capable de demander à ses militants, pourquoi ces militants étaient-ils timorés au sein de leur propre organisation ? Je m’inclus complètement dans cette attitude.

Pour ne prendre que mon exemple personnel, juste avant l’ouverture du congrès de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) qui vit exploser l’affaire de Charles Berg, je sortais du congrès de la Confédération Générale du Travail (CGT) de Grenoble dans lequel, à deux militants, nous avions affronté l’appareil stalinien dans son parlement, comme Charles Berg l’avait écrit dans une note interne. Je suis allé voir Pierre Lambert pour lui dire que c’était Charles Berg qui m’avait proposé d’entrer au comité central et que je pouvais retirer ma candidature. Évidemment Pierre Lambert grand seigneur m’a répondu qu’il n’en était pas question.

Jacques Kirsner écrit que la discussion se menait en particulier au bureau politique. Je n’en doute pas, mais ce qui était servi aux militants et aux cadres du parti était un produit fini homogène défendu par tous y compris par ceux qui désapprouvaient.

La défense de la ligne était accompagnée de la nécessité de défendre l’esprit de parti, d’un parti attaqué par la bourgeoisie, les staliniens, la sociale démocratie et les pablistes.

Christian Neny était le représentant de la ligne et Charles Berg était le représentant de la même ligne, celle qui conduisait aux succès, celle qui avait conduit du petit groupe à l’organisation.

Certes à qui participait aux réunions nationales et aux conférences, il apparaissait des nuances et des personnalités fortes, mais demeurait la ligne avec son corollaire le centralisme démocratique dans une organisation attaquée de toutes parts, une ligne et un programme défendus par un petit groupe.

Plus tard, après notre exclusion je lirai l’histoire du trotskisme en France de 1945 à 1952 marquée par des tendances, des discussions et des scissions.

Plus tard encore je découvrirai dans le texte de Jacques Kirsner d’hommage à Claude Chisserey qu’il y avait une étape intermédiaire, fructueuse en particulier chez les jeunes, entre ce petit groupe de 1952 à 1958 et la génération des événements du mois de mai 1968, en gros la mienne, mais de ce travail en particulier dans la jeunesse étudiante il était peu question dans « les enseignements de notre histoire ».

Notre formation théorique et historique qui était solide escamotait cette période. En même temps, il faut bien dire que l’exemple de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) impuissantée par les tendances poussait dans nos rangs à privilégier notre cohésion.

Quand Ulysse puis André Langevin ont repris la région, j’ai constaté que la pratique de Christian Neny était calquée sur celle de Pierre Lambert. Quand un responsable posait problème il l’emmenait avec lui dans ses voyages et au retour c’était réglé sans que le reste de la direction sache comment ni pourquoi. Quand j’avais un congrès syndical national je voyais Pierre Lambert, il définissait la tactique, il prévoyait les réactions de l’appareil et cela se passait généralement comme il l’avait prévu, mais les prémisses de cette tactique n’étaient jamais enseignées, il restait l’admiration.

J’ai toujours été frappé par la différence entre le fonctionnement du parti bolchevik, en particulier Grigori Zinoviev et Léon Kamenev étaient opposés à la prise du pouvoir, mais ils conservaient leurs responsabilités, et notre fonctionnement, mais sans jamais traduire par des actes cette interrogation.

Pierre Lambert avait une réponse, « il nous faut un Lénine collectif », sauf qu’il nous apparaissait qu’un Lénine et qui n’était pas Lénine.

Quand des questions de fonctionnement démocratique interne étaient posées prudemment, la réponse était toujours que toutes les places pour une bureaucratie étaient occupées par le stalinisme, par la sociale démocratie et par le pablisme, et qu’il n’y avait aucun risque.

Personnellement, j’ai connu trois moments de vrai doute envisageant la remise en cause de mon appartenance à l’OCI.

La première fois je n’étais pas formellement membre de l’OCI c’était le soir du 10 mai 1968 suivi à la radio au local de l’UNEF. Je sortais de neuf mois d’un Groupe d’Etudes Révolutionnaires (GER) de grande qualité, conduit par Charpentier de Tours et des camarades de Paris et je ne serai coopté formellement qu’au mois d’août 1968 après la dissolution. Des camarades de l’université des Lettres de la Sorbonne, militants de la Fédération des Etudiants Révolutionnaires (FER) et dont les parents habitaient Orléans ont discuté longuement avec moi et ils ont apaisé mes doutes.

La deuxième fois fut l’affaire de Michel Varga. Dans mon souvenir, c’est Gérard Bloch et Marc Lacaze qui exposent l’affaire à Clermont. Elle tombe comme un coup de massue, nous n’avons rien vécu, nous devons accepter les faits et les militants qui ne votaient pas pour la résolution d’exclusion de Michel Varga étaient eux-mêmes exclus. C’était un non choix, affirmer la confiance à la direction, confiance que nous lui accordions sur tous les autres points de notre politique et puis c’était Gérard Bloch à Clermont, ou partir, donc renoncer au combat qui était une très large partie de notre vie. J’ai hésité une seconde, j’ai voté.

La troisième et dernière fois, c’était au mois de juin 1989 à l’issue d’un plenum quand deux militants, André Langevin et moi, nous avons annoncé que nous appelions à la constitution d’une tendance. Mais à ce moment-là, la situation est totalement différente. C’est le résultat d’une longue période de doute et de perte d’illusions. Nous savons que, au bout il y a l’exclusion et cela ne nous perturbe pas. Nous avons l’objectif de tenir le plus longtemps possible. Nous avons tenu dix-huit mois, nous avons eu deux membres au comité central au prorata de nos voix et nous avons été exclus sur une provocation, le vol d’un texte interne à la tendance non communiqué au parti, comme bien d’autres.

L’affaire de Michel Varga se passe au début des années 1970, le vote imposé ou l’exclusion est déjà une réponse à la question de Jacques Kirsner pourquoi personne ne proteste.

Plus tard l’intégration de plusieurs centaines de militants venant de la LCR ne modifiera pas le régime interne de l’OCI. Ce sont pourtant des militants qui ont connu les combats de tendance dans la Fraction Léniniste Trotskyste (FLT) et qui ont séjourné aux Etats Unis avec le Socialist Workers Party (SWP). J’ai côtoyé plusieurs d’entre eux. Cet afflux redonna un certain espoir dans l’organisation bien vite éteint. Je me souviens du rapport international de Nemo. C’était totalement inédit. Quelque mois plus tard lui aussi partira sur la pointe des pieds.

Dans son texte « ce que je sais de l’OCI », Pierre Salvaing n’accorde que peu de place à cet épisode de la vie de l’OCI. C’est un moment capital. Des militants formés dans une autre organisation, cadres de cette organisation et habitués aux luttes de tendances, vont eux aussi accepter le fonctionnement du parti, s’y fondre en devenant permanent ou partir discrètement.

Ulysse, devenu responsable de Clermont, m’accueillait chez lui les soirs des réunions parisiennes. Au cours des années 1980, il a distendu les relations, après notre tendance il ne m’a plus jamais adressé la parole et il est devenu peu à peu cynique et démoralisé. Les discussions sur les objectifs étaient des discussions de marchands de tapis, comme avec Gérard Bauvert dont j’ai dépendu pendant une année.

André Langevin était responsable d’Informations Ouvrières et de la région de Moulins après Ulysse. Il étouffait et quand il a constitué la tendance il voulait combattre notre alignement sur l’appareil de la Confédération Générale du Travail (CGT) Force Ouvrière et l’auto-proclamation du Parti des Travailleurs à la place du Mouvement Pour un Parti des Travailleurs (MPPT). Pour lui il était clair que nous n’organiserions pas une scission de la quatrième internationale pour constituer un énième groupe de la quatrième internationale comme le souhaitait au même moment Pedro Carrasquedo.

Notre tendance éclatera d’ailleurs en deux groupes, le premier groupe constitué des camarades de Clermont autour de Vania rejoignant le groupe de Stéphane Just et le deuxième groupe était constitué essentiellement des camarades de Moulins et des anciens militants de la Ligue Communiste Internationaliste (LCI) de Carcassonne et des chèques.

Isaac était un camarade de la LCI que Charles Berg avait recruté en 1977. Il était à la LCR et il était venu écouter Charles Berg à un meeting à Marseille, ensuite Charles Berg l’avait revu chez Barbe avec Laval puis chez lui à Carcassonne. Ensuite au temps de l’OCI unifiée il s’occupait de la région Midi Pyrénées et des chèques. Il fut aussi un des trois membres de la commission de contrôle avec Camus. Nous nous revoyons régulièrement et nous discutons. Il avait hérité des régions de Christian Neny. Il a travaillé avec Petrequin. Quand je lui demande quel bon souvenir a-t-il de l’OCI, il répond qu’il n’en a aucun et que par contre il a de bons souvenirs de la lutte dans la FLT.

Un mot sur la méthode des objectifs et des résultats, en soi ce n’est pas une mauvaise chose, c’est même sain de contrôler les résultats d’une orientation, mais le caractère strictement numérique du recrutement, des finances et de la vente du journal, nous engageait dans une impasse et dans une course au recrutement pour le recrutement, le parti à côté des autres, un parti extérieur.

Quelques années plus tard, militant du Parti Socialiste, je découvris que le Parti Socialiste de Moulins avait moins d’adhérents que l’OCI de Moulins. Il y avait soixante-et-onze militants de l’OCI en 1978 à Moulins après rectification des chiffres. Mais en terme d’implantation et de liens avec les associations et avec les élus, il n’y avait pas photo.

Si je continue de penser que l’appel au vote pour François Mitterrand en 1981 offrait des perspectives réelles d’implantation, qu’il épousait les illusions positives des masses et qu’il offrait la possibilité de se lier à un plus grand nombre de militants, le caractère limité de notre campagne contre la division et pour l’unité du Parti Socialiste et du Parti Communiste Français (PCF) nous a laissé impuissants et sans voix dans les mois qui ont suivi.

L’absence de bilan de la campagne pour les élections municipales de 1983 n’a pas arrangé les choses alors que sur Moulins nous avions réussi par un combat difficile à constituer deux listes, soit cinquante-quatre militants dont la majorité d’entre eux n’était pas des militants trotskistes.

La cinquième république montre effectivement une redoutable capacité d’adaptation que nous devons pour l ’essentiel aux appareils, le PCF en 1968 et le Parti Socialiste en 1981 et en 1997. L’analyse selon laquelle la cinquième république était à l’agonie pendant vingt ans, j’ai en mémoire l’analyse de 1974 selon laquelle Jacques Chirac en faisant éclater le parti présidentiel portait un coup mortel à la cinquième république, a beaucoup contribué à la lassitude puis à la paresse intellectuelle qui se sont emparées des militants.

Concernant la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES) et Jean Luc Mélenchon, leur politique reste extérieure, elle ne prend pas, elle apparaît comme un jeu d’ombres et elle permet à Emmanuel Macron de faire circuler le ballon et d’aérer le jeu, mais le ballon reste dans le même camp. Il l’était dès le deuxième tour des élections présidentielles de cette année quand Jean Luc Melenchon s’est prononcé pour pas une voix pour Marine Le Pen, mais en se refusant à ajouter qu’Emmanuel Macron n’était en aucun cas un rempart à Marine Le Pen. Ce faisant il apparaissait dans le camp de l’ordre existant que refuse pour l’essentiel le camp des abstentionnistes.

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