LE MONDE | 03.05.08 | 13h40 • Mis à jour le 03.05.08 | 13h40
NEW YORK CORRESPONDANT
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Mais la campagne s'est poursuivie, relayée de manière plus sophistiquée par des intellectuels juifs ultraconservateurs. Elle vise beaucoup l'entourage du candidat, en particulier Zbignew
Brzezinski, ex-conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, qui a pris le parti des auteurs d'un ouvrage critiquant l'influence du "lobby pro-israélien" (dit "Aipac") à
Washington, et Robert Malley, ex-conseiller du président Bill Clinton sur le Proche-Orient, favorable à une négociation avec le Hamas palestinien. De fait, la plupart de ceux qui ont soutenu
les efforts de paix des administrations Carter et Clinton au Proche-Orient se retrouvent du côté de M. Obama, mais aussi d'autres, plus vivement critiques de la politique israélienne.
Barack Obama a le soutien de nombreux intellectuels juifs, de financiers tel George Soros, de célébrités comme Steven Spielberg. Son porte-parole, David Axelrod, est également juif. Mais il a
eu beau expliquer qu'il connaît "à peine" MM. Brzezinski et Malley et que son conseiller sur le Proche-Orient est Dennis Ross, un homme très proche de l'Aipac, jurer de son
"inébranlable engagement pour la sécurité d'Israël", assurer qu'il ne "négociera pas avec le Hamas", désormais, dit M. Goldberg, "pour une partie de la communauté juive
américaine, sa bonne foi est contestée".
L'ère du soupçon s'est ouverte. Chaque fois, un nouveau spectre surgit, comme cette déclaration de 2007 où M. Obama affirmait qu'"aucun peuple n'a récemment autant souffert" que les
Palestiniens. Il explique qu'on "tronque" ses propos, peu importe, on ne retient qu'eux. Pour caractériser l'état d'esprit auquel il se heurte, M. Goldberg cite une plaisanterie juive
: "C'est un télégramme qui dit : "Commencez à vous inquiéter, détails suivent...""
Ses adversaires se chargent d'alimenter cette défiance. Le 25 avril, le candidat républicain John McCain a qualifié M. Obama de "candidat préféré du Hamas". L'équipe d'Hillary Clinton,
sa concurrente démocrate, distribue les pamphlets d'Ed Lasky, un ultra-conservateur qui a consacré 10 de ses 25 dernières chroniques dans American Thinker au seul thème d'Obama et
Israël. Lorsque ce dernier explique qu'il entend "combler le fossé croissant entre les musulmans et l'Occident", Daphna Ziman, conseillère de Mme Clinton, se dit
"horrifiée" : "Il n'affirme pas le droit d'Israël à exister."
Quel peut-être l'impact de ce "buzz" ? "Si l'on agrège les facteurs richesse, éducation, plus un regard sur le monde fondé sur la peur d'un regain d'antisémitisme", explique Allan
Silver, socio-politologue à l'université Columbia, l'électorat juif "devrait être républicain ; or il reste massivement démocrate". Selon la dernière étude annuelle de l'American
Jewish Committee (décembre 2007), 58 % des juifs américains penchent du côté démocrate contre 15 % vers les républicains ; 67 % (contre 27 %) jugent aujourd'hui que leur pays n'aurait pas dû
envahir l'Irak.
Cet électorat est aussi particulièrement âgé et vote massivement. Comparé aux Noirs américains, cinq fois plus nombreux mais plus jeunes et qui votent une fois et demi moins que la moyenne, le
"vote juif" compte presque autant. Or ces électeurs juifs sont concentrés dans neuf Etats. Et le système électoral fait que le vainqueur dans un Etat rafle tous ses "grands électeurs" à
l'élection présidentielle. Electoralement, estime M. Goldberg, 30 % de cet électorat "fluctuant", soit 1,2 million de voix, peuvent faire la différence dans certains Etats.
Ces électeurs sont-ils sensibles au facteur racial ? Question délicate... En 1945 s'était formée la Coalition noire-juive contre le racisme. Elle a commencé de se désagréger à la fin des années
1960, avec l'émergence d'un mouvement identitaire noir incluant des tendances antisémites.
Depuis, avec la référence croissante "Noirs américains-Tiers-mondisme" et l'idée qu'"antisionisme égale antisémitisme", nombre de juifs ont développé vis-à-vis des Noirs des sentiments de
crainte, sinon d'hostilité, expliquent MM. Goldberg et Silver. "Candidat noir", M. Obama en souffre.
Jusqu'ici, lors des primaires démocrates, 54 % des juifs ont voté Hillary Clinton et 44 % Barack Obama. Il a emporté leurs suffrages dans le Massachusetts et le Connecticut, sa rivale à New
York, dans le New Jersey et en Pennsylvanie. Ils ont fait jeu égal en Californie.
La crainte de perdre des voix juives lors de l'élection présidentielle si M. Obama est désigné pourrait amener certains "grands électeurs" démocrates à choisir Mme Clinton lors de la
Convention. Car si le sénateur de l'Illinois était investi, un nombre difficilement quantifiable d'électeurs juifs basculerait en faveur de John McCain.