Le Rwanda accuse une nouvelle fois la France de participation au génocide
KIGALI (AFP)
Le Rwanda a une nouvelle fois accusé la France d'avoir activement "participé" à l'exécution du génocide de 1994, laissant entendre pour la première fois la possibilité de poursuites
judiciaires contre d'anciens dirigeants politiques et responsables militaires français.
Le ministre de la Justice rwandais, Tharcisse Karugarama, a présenté à la presse mardi les conclusions du rapport de 500 pages de la commission d'enquête rwandaise sur le rôle supposé de la
France dans le génocide, qui avait entamé ses travaux en avril 2006 et dont la France a depuis rejeté toute légitimité.
Selon ce rapport rédigé en français, la France était "au courant des préparatifs" du génocide, a "participé aux principales initiatives" de sa mise en place et "à sa mise en exécution".
Environ 800.000 personnes, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, ont été tuées pendant le génocide d'avril à juillet 1994 au Rwanda, planifié et mis à
exécution par les extrémistes hutus.
"La persistance, la détermination, le caractère massif du soutien français à la politique rwandaise des massacres (...) montrent la complicité des responsables politiques et militaires français
dans la préparation et l'exécution du génocide des Tutsis de 1994", indique le communiqué du ministère de la Justice reprenant les principales conclusions du rapport.
Au rang des 13 dirigeants français incriminés par le rapport, figurent notamment le président de la République à l'époque des faits François Mitterrand (mort en janvier 1996), le Premier ministre
Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, son directeur de cabinet Dominique de Villepin ou encore le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine.
La commission d'enquête porte également des accusations très lourdes contre des soldats français de l'opération militaro-humanitaire Turquoise (fin juin-fin août 1994).
"Des militaires français ont commis eux-mêmes directement des assassinats de Tutsis et de Hutus accusés de cacher des Tutsis (...) Des militaires français ont commis de nombreux viols sur des
rescapées tutsies", accuse le communiqué du ministère de la Justice diffusé à la presse.
Les militaires français "ont laissé en place les infrastructures du génocide, à savoir les barrières tenues par les Interahamwe (extrémistes hutus). Ils ont demandé de façon expresse que les
Interahamwe continuent à contrôler ces barrières et à tuer les Tutsis qui tenteraient de circuler", poursuit le communiqué.
"Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais a enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d'amener les responsables politiques et militaires français
incriminés à répondre de leurs actes devant la justice", ajoute le communiqué.
En France, le ministère des Affaires étrangères a indiqué mardi attendre d'avoir le texte des conclusions pour y réagir.
"Nous n'avons pas encore pris connaissance de ce rapport qui ne nous a pas été communiqué par le gouvernement rwandais, et nous ne sommes donc pas en mesure d'y réagir", a déclaré à l'AFP un
porte-parole du Quai d'Orsay.
Lors de la présentation de ce rapport, diffusée en direct par la télévision rwandaise, le ministre de la Justice a laissé entendre la possibilité de poursuites judiciaires: "Ce rapport n'est pas
un dossier criminel (...) C'est une bonne base pour d'éventuelles procédures légales".
Le 18 juin, le Rwanda avait fait savoir qu'il souhaitait recourir à la compétence universelle prévue dans ses textes de loi en vue de poursuivre devant ses juridictions des non-Rwandais accusés
d'être impliqués dans le génocide.
Début juillet, le président rwandais Paul Kagame a menacé de faire inculper des ressortissants français pour le génocide de 1994 si les tribunaux européens n'annulaient pas les mandats d'arrêt
émis contre des responsables rwandais.
Kigali a rompu fin novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris après que le juge français Jean-Louis Bruguière eut réclamé des poursuites contre M. Kagame pour sa "participation
présumée" à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, un des éléments déclencheurs du génocide.