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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 14:17


http://yves.ducourneau.club.fr/2pub/strasbourg_cr.html

Compte-rendu de la manifestation du samedi 4 avril 2009 à Strasbourg (Contre-sommet de l’OTAN)

Strasbourg : l’incroyable impunité des casseurs

Samedi soir, après la manifestation monstre anti-OTAN qui a eu lieu à Strasbourg, la victoire est totale pour Sarkozy et ses alliés de circonstance, les casseurs, présents en masse. La manifestation prévue n’avait aucune chance de pouvoir se dérouler.

Il faut reconnaître ses défaites et c’en était une samedi pour le Mouvement pacifiste, inaudible tant la journée s’est déroulée dans un désordre indescriptible. Pas une seule fois le cortège n’a pu se former. Pas une seule fois le programme prévu par les organisateurs n’a pu se dérouler. Pas une seule fois au cours de la journée le cortège n’a eu l’occasion de se constituer, chaque débandade devant une charge policière en suivant une autre... Une heure avant le départ du cortège, celui-ci était déjà coupé en deux et les casseurs affrontaient déjà (durement) les policiers. Un peu plus tard, le concert s’interrompait à cause d’un envoi de gaz lacrymogènes particulièrement vigoureux à proximité ; mais les casseurs, présents partout, attaquèrent pendant l’échappée des camions de CRS progressant en sens inverse, provoquant une nouvelle riposte policière et une débandade dans la débandade... À 13 heure, eure de départ théorique, le cortège n’existait pas, une partie des gens cherchant les leurs, l’autre partie observant la mise à sac et parfois à feu du mobilier urbain et de bâtiments (hôtel, pharmacie, poste de douane, câbles du tramway, etc.). Parfois, une banderole suivie d’une poignée de militants marchait en suivant l’itinéraire prévu, dans le bon sens, mais c’était somme toute rare et très insolite. Devant un décor de guerre, je vois un couple de militants assis : la femme pleure. L’après-midi ne fut qu’une succession d’échappées devant les charges policières, le cortège déplaçant avec lui les casseurs qui n’arrêtaient une action que pour en démarrer une autre et qui n’ont pas laissé une minute de répit aux policiers et aux manifestants de toute la journée. Des casseurs visiblement préparés, organisés et déterminés, quasiment professionnels.

À 16 heure, dégoûté, je quitte le cortège en me demandant ce que je fais là, « quitter » étant un bien grand mot car la souricière était hermétiquement close. Je désapprouve la violence ; je n’ai pas le pouvoir d’y mettre fin mais j’ai par contre celui de ne pas m’en infliger le spectacle. De mon petit refuge qui se révélera plus tard bien fragile, je vois l’hôtel Ibis brûler jusqu’au toit et le cortège passer dans un sens ou dans l’autre, parfois dans la précipitation, tandis que le canon à gaz lacrymogène tonne.

L’action des casseurs servant les intérêts du pouvoir, il était compréhensible que la police n’essaye pas de l’arrêter, ou si peu, mais les forces « de l’ordre » n’en ont dès lors plus que le nom... La police s’appliqua par contre à réprimer indistinctement les manifestants : selon des témoignages directs et indirects recueillis sur place, canon à eau, flash-ball et tazer furent utilisés contre des manifestants non-violents, parfois les mains en l’air (sic). Il est vrai que les casseurs étant vêtus de noir et ayant leur visage dissimulé, il n’était pas facile de les reconnaître...

Je m’attendais à des casseurs avant, après ou à côté du défilé mais certainement pas dedans. Le concept est formidable car d’une part cela justifie de brimer les manifestants dans leur ensemble, et d’autre part parce que les militants n’ont aucune parade. Lorsque la personne à côté de vous tombe d’un coup de tazer, vous courrez ! Toute discipline vole en éclat. Les militants n’ont pas la vocation ni les moyens de se substituer à la police dans sa mission de maintien de l’ordre, surtout face à des casseurs aussi nombreux. L’absence de tentative pour arrêter les casseurs suggère qu’il y avait un ordre de laisser dégénérer, et non une mauvaise organisation policière. D’ailleurs, les forces « de l’ordre » étaient invisibles, sauf les barrages de CRS bien sûr. Si Sarkozy estime qu’un manifestant est un sous-citoyen qui ne mérite pas d’être protégé (ni la banlieue défavorisée de Strasbourg), une nouvelle ère de brutalité s’ouvre pour les opposants politiques et le Mouvement pacifiste doit s’y adapter, par exemple en privilégiant d’autres formes d’action comme les forums et les conférences. Sa participation à une journée comme celle de samedi a peu de chances d’éclairer le public sur les enjeux liés à l’OTAN et de gagner son soutien. Il y avait peu de place à Strasbourg pour la rencontre, le débat et l’échange, les manifestants n’étant que du bétail promené ici et là à coups de gaz lacrymogènes.

Le nombre des interpellations samedi, 25 selon le chiffre qui circulait samedi soir, est dérisoire et conforme à la quasi absence d’initiative policière observée sur le terrain. La déclaration de Nicolas Sarkozy selon laquelle il souhaite que « les casseurs soient punis avec la plus extrême sévérité » est rien moins que l’exact opposé de ses actes.

Yves Ducourneau, le dimanche 5 avril 2009

PS : C’est devenu un jeu : sur toutes mes photos il y a des cagoules noires, y compris lorsque je ne cherchais pas à les photographier. Vous aussi, jouez à les compter dans l’image ci-dessus !

La journée en images

Tout avait pourtant bien commencé... Le rendez-vous était place de la Nation (à Paris) à 23 heure, où 4 cars nous attendaient. Nous voilà partis.

C’est l’aube ; nous approchons de Strasbourg.

Premier barrage, où nous attendons notre escorte policière.

Précédés et suivis de l’escorte, nous contournons Strasbourg en traversant des villages typiques très jolis mais au nom impossible à retenir...

Nous arrivons (à pied) dans la deuxième partie du cortège, coupé en deux, une heure avant le “départ”. Les casseurs envoient divers projectiles sur la police, qui riposte avec les gaz lacrymogènes. Comme il y a un autre barrage policier derrière nous, des gens cherchent à s’échapper et surtout à rejoindre leur groupe dans le premier cortège.

Plus tard, de l’autre côté du barrage policier. Un barrage et un feu ont été installés sur le pont. Le premier cortège cherche à rejoindre le second et vice versa, ce qui explique pourquoi les gens marchent dans les deux sens.

Où est le cortège ? Les gens qui ne cherchent pas leur groupe observent les casseurs... Ici, les casseurs échoueront à faire tomber le lampadaire mais réussiront à casser le support de la caméra de surveillance.

Petit moment de repos pour les cagoules noires : la journée sera longue.

Cet endroit est destiné à recevoir le public du concert mais le paysage de guerre, derrière, capte toutes les attentions. À droite, ce sont les douanes qui flambent. À gauche, le mobilier de l’hôtel Ibis, l’hôtel lui-même ne brûlera que plus tard. Peu de temps après, un envoi massif de gaz lacrymogènes sur ces zones aura lieu, atteignant le concert et chassant la foule rassemblée ici, qui pour l’instant continue à arriver.

Personne n’écoute l’oratrice ! Les caméras filment la fumée de plus en plus noire et importante, sillonnée des traits blancs laissés par les gaz lacrymogènes tirés au canon.

Une foule dense s’échappe du concert. Mais les casseurs sont partout et attaqueront dans un instant le convoi policier dont on aperçoit un camion (les autres étant masqués par la banderole jaune), créant une nouvelle débandade dans la débandade.

À quoi pense ce militant pacifiste fort sympathique, entouré de cagoules noires ?

En fin d’après-midi, l’incendie de l’hôtel Ibis est monté jusqu’au toit. J’ai utilisé ces voies ferrées et le petit bois de droite pour m’éloigner des zones chaudes, dans la mesure où mon “refuge” précédent s’était soudain transformé en zone de “combat”. En effet, alors qu’à 16 heure je m’étais mis à l’écart dans un petit cul-de-sac à peu près désert, une pluie de bombes de gaz lacrymogènes me sont soudainement tombées dessus, la plus proche à 2 mètres. Erreur de tir ? Peut-être pas. Sur la route, des casseurs et des manifestants sont pris en étau entre des camions anti-émeutes et une charge de CRS, et sont poussés vers le cul-de-sac. Que la police tente aussi de fermer ? Mystère... Et le vent poussait les gaz vers le fond du cul-de-sac... J’ai couru en fermant les yeux jusqu’au fond, en prenant à gauche par les voies ferrées tandis que les autres prenaient à droite et rejoignaient le gros du cortège en dévalant un talus et en passant une clôture, plus loin.

Votre serviteur ! Derrière moi, la pharmacie a commencé à brûler. Même le (provocant) t-shirt “Made by Bush” n’a intéressé personne – ou presque, tant le désordre était grand, et je n’ai pas distribué mes tracts ReOpen911. Néanmoins, le t-shirt a plu à plusieurs personnes, dont une qui l’a pris en photo.

Conclusion

L’OTAN... Hum, il faut reconnaître que nous nous attaquions à un sacré morceau. Ce sont quand même les gens qui vont chercher, au canon, les ressources dont l’Occident a besoin.

Yves D.






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