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9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 17:32

 

 

https://www.change.org/p/s-excel-monsieur-ramon-de-miguel-egea-ambassadeur-d-espagne-en-france-pour-la-libération-des-prisonniers-politiques-catalans

 

Dix mille catalans a Strasbourg

Mardi 2 juillet 2019, plus de dix mille catalans, rejoints par des citoyens européens solidaires, se sont rassemblés devant le parlement  européen pour exiger la libération des prisonniers politiques catalans et le respect du droit des trois députés européens catalans récemment élus, Carles Puigdemont, Toni Comin et Oriol Junqueras de siéger, malgré le veto imposé par le gouvernement espagnol. La manifestation la plus nombreuse jamais vue en ce lieu. Strasbourg ce jour là est devenue capitale catalane. L'aspiration du peuple catalan à décider lui même de son sort s'exprimait  à nouveau avec force et énergie.

Pourtant, Lundi Premier Juillet 2019, le Tribunal de Justice de l’Union Européenne (TJUE) rejetait le recours de Carles Puigdemont et de Toni Comin, demandant que des mesures conservatoires soient prises par le TJUE pour leur permettre de siéger. Le TJUE précisait certes que cela ne préjugeait pas de la sentence définitive sur le fond du dossier, mais il donnait là un mauvais coup aux défenseurs européens des droits démocratiques. En effet, plus de deux millions de citoyens catalans restaient ainsi non représentés parce que les députés élus ne convenaient pas au gouvernement espagnol. Comme le disait un député européen au site Vila Web, « si nous permettons au gouvernement espagnol de faire cela, qui empêchera que le gouvernement d'un autre pays impose d’autres normes, pour empêcher d'autres députés européens qui ne plaisent pas d’occuper leur siège ? Qui doit décider qui siège et qui ne siège pas au parlement européen ? Ce sont les électeurs qui ont voté et par là donc ce sont eux, c'est le peuple de Catalogne à qui on interdit ce droit ».

Pendant que les milliers de catalans, venus par les moyens les plus divers, étaient rassemblés sur le parvis, à l’intérieur, dans le parlement où les trois sièges restaient vides, le député européen irlandais Matt Carthy du Sinn Fein protestait, tenant le portrait des exclus et exigeant une déclaration du président sortant, « faites une déclaration aujourd'hui au nom de ces députés élus et renforcez de cette manière la démocratie et les droits humains en Europe. Cette chambre doit lutter pour la démocratie et pour les droits humains, sinon sa crédibilité démocratique sera minée ». Ces paroles, applaudies par plus de quatre vingt députés,  recevaient cependant comme réponse d’Antonio Tajani, le président sortant et d'une bonne partie des députés présents, une esquive et un silence embarrassés.

Lors de l’immense meeting organisé par un grand nombre d' organisations et entités catalanes, qui suivit cette brève séance d' installation du parlement européen, accompagné d'une vingtaine de députés européens, Matt Carthy prenait à nouveau la parole, « le ciel brille sur Strasbourg, mais un nuage obscur plane sur le parlement européen. Le peuple de Catalogne demande la liberté et l’autodétermination et si vous vous maintenez unis et fermes, ils ne pourront pas vous vaincre et la Catalogne sera libre ».

Cependant, à deux pas de là, à Khel, de l’autre côté du Rhin, en territoire allemand, se tenaient les députés européens Carles Puigdemont et Toni Comin, empêchés de rejoindre leurs compatriotes rassemblés, car en vertu de lois autorisant la police espagnole à procéder à des arrestations sur le sol français sans avoir à rendre aucun compte à personne, l' ancien président du gouvernement catalan et son compagnon couraient le risque purement et simplement d'être kidnappés et expédiés en Espagne pour rejoindre leur collègue député européen élu, Oriol Junqueras, lui aussi interdit de présence car depuis six cent jours en prison préventive dans une prison espagnole, menacé d' une peine de vingt cinq ans de prison après un procès inique. Certes Carles Puigdemont et Toni Comin ont pu s'adresser aux manifestants par la voie d'une transmission video et Oriol Junqueras a pu le faire par la voie d'une lettre lue, mais qui ne comprend, comme l’a bien exprimé à cette occasion, après la députée européenne portugaise du Bloc de Gauche Marisa Matias, le député européen d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), Gérard Onesta, qu’à travers ce cas un grave problème démocratique pèse aujourd'hui non seulement sur l' Espagne mais sur toute l'Europe. A nouveau, le Comité des Droits de l’Homme (CDH) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à travers son Groupe de Travail contre les Détentions Arbitraires (GTDA), vient d’exiger la libération immédiate des prisonniers politiques catalans, une indemnisation et d’autres réparations selon le droit international. 

Comme l' a écrit  dans sa tribune, dont le titre est « mobilisons-nous pour faire libérer les prisonniers politiques catalans », l’ancienne députée européenne, Marie Pierre Vieu, « l’exigence de la libération des prisonniers politiques catalans doit s'imposer comme un enjeu politique bien au delà des frontières espagnoles. C'est pourquoi il nous faut agir. La victoire de la démocratie y sera une victoire pour tous ».

Continuer à diffuser et à faire signer la pétition pour la libération des prisonniers politiques catalans, coordonner et préparer le rassemblement des énergies pour une mobilisation unitaire, voilà ce à quoi nous appelons aussi.

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9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 17:05

 

 

https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1U40T8-OFRTP

 

Relaxe générale dans le dossier de l'arbitrage de Bernard Tapie

Bernard Tapie et le Président Directeur Général (PDG) d’Orange, Stéphane Richard, ont bénéficié Mardi 9 Juillet 2019 d’une relaxe générale dans l’affaire de l’arbitrage contesté en faveur de l’homme d’affaire dans son contentieux contre Le Crédit Lyonnais (LCL).

Bernard Tapie et sa femme restent cependant condamnés à rembourser quatre cent trois millions d’euros, comme l’a confirmé le 18 mai 2017 la cour de cassation dans le volet civil de cette affaire.

Le procureur Nicolas Baietto avait requis le premier avril cinq ans de prison ferme contre Bernard Tapie et trois ans de prison dont dix huit mois de prison ferme contre Stéphane Richard.

La relaxe du patron du numéro un français des télécommunications, qui blanchit également a posteriori l’ancienne ministre de l'économie et des finances Christine Lagarde, a été accueillie avec soulagement et quelques larmes par le PDG d’Orange, dont le poste était menacé en cas de condamnation.

Les six prévenus étaient initialement jugés pour escroquerie, détournement de fonds publics et complicité de ces deux infractions. Mais le tribunal n’a retenu finalement que la qualification d’escroquerie et de complicité d’escroquerie, pour décider en fin de compte que l’accusation n’avait pas apporté la preuve de la culpabilité de l’ensemble des prévenus.

Il a aussi jugé que le recours à la procédure arbitrale choisie en 2008 était tout à fait légal, qu’il procédait d’un choix politique affirmé et assumé par les pouvoirs publics et qu'il n’était pas par principe contraire aux intérêts de l'état.

Stéphane Richard était à l’époque directeur de cabinet de Christine Lagarde, jugée coupable de négligence le 19 décembre 2016 par la Cour de Justice de la République (CJR) pour avoir renoncé à un recours contre cet arbitrage mais dispensée de peine.

Pour le tribunal, la preuve n’a pas été apportée qu’il ait utilisé ses fonctions de directeur de cabinet ou manoeuvré pour favoriser les intérêts de Bernard Tapie.

Le patron de l’opérateur historique avait prévenu qu’il remettrait son mandat au conseil d’administration du groupe en cas de condamnation et l’actuel ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, avait averti qu’une condamnation, même légère, ne lui permettait pas de rester en fonctions.

« J’ai vécu pendant des années avec cette accusation contre moi », a déclaré à la presse un Stéphane Richard ému, « c’est un immense soulagement de voir mon innocence totalement reconnue par ce tribunal ».

Immédiatement après l’annonce de sa relaxe, des salariés d’Orange et des cadres de l’entreprise, certains en larmes, l’avaient entouré dans la salle d’audience pour le féliciter.

« Cela va nous permettre de gérer l’avenir et les nouveaux défis du numérique avec plus de tranquillité et avec un président qui n’aura pas d’épée de Damoclès au-dessus de lui », a dit à Reuters Sébastien Crozier, responsable de la Confédération Française de l’Encadrement Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC).

La Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT) s’est aussi félicitée de cette continuité dans un contexte concurrentiel et sectoriel bousculé et dans l’attente de l’annonce d’un nouveau plan stratégique à cinq ans à la fin de l’année 2019.

Dans un message interne, Stéphane Richard, reconduit l’an dernier pour un troisième mandat, a remercié les femmes et les hommes d’Orange qui l’ont soutenu sans faille.

Bernard Tapie, soixante dix sept ans, figure centrale de cette saga de vingt six ans, souffre d’un cancer et il n’était pas à l’audience pour entendre la décision du tribunal de le relaxer.

S’estimant floué par LCL lors de la vente du fabricant d’équipements de sports Adidas en 1993, il avait obtenu quinze ans plus tard quatre cent trois millions d’euros. Mais il était accusé, avec son avocat Maurice Lantourne, d’avoir obtenu frauduleusement cet arbitrage en collusion avec un des arbitres, Pierre Estoup, quatre vingt douze ans, et avec l’aide de Stéphane Richard.

« Aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que la décision du tribunal arbitral a été surprise par la fraude ou par des manoeuvres frauduleuses qui auraient été commises par Bernard Tapie », a finalement jugé le tribunal correctionnel.

Bernard Tapie a immédiatement fait connaître son soulagement à la Provence, quotidien dont il est l’actionnaire majoritaire.

« Je n’ai qu’une seule réflexion, mon cancer vient d’en prendre un sale coup dans la gueule », a-t-il déclaré, « c’est bien la preuve qu’il faut toujours se battre jusqu’au bout. Dans un pays qui ne se résout décidément pas à être la Corée du Nord, on finit toujours par tomber sur des magistrats qui pensent à faire le droit plutôt qu’à faire leur carrière ».

Le tribunal a également ordonné que soient levée la saisie sur les biens de l’ancien homme d’affaire. Il a enfin estimé que le délit d’escroquerie ou de complicité n’était pas constitué concernant les quatre autres prévenus, Maurice Lantourne, Pierre Estoup et les anciens présidents des structures chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama.

L’avocat de Bernard Tapie, Hervé Témime, a rendu hommage au tribunal, « il y a une sorte de vérité officielle qui a été propagée et qui vient d’être infirmée. Je voudrais saluer cette décision qui honore grandement la magistrature ».

Il a cependant estimé qu’il n’y avait aucune cohérence entre cette décision et le maintien de la condamnation civile à rembourser les quatre cent trois millions d’euros. Et il a souligné que le volet pénal n’était pas encore définitivement terminé, compte tenu des recours possibles, dont un appel du parquet désavoué par le jugement, « nous ne sommes pas encore à la fin de cette histoire absolument insensée », a-t-il dit à la presse.

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 19:15

 

 

https://ddt21.noblogs.org/?page_id=2410

 

Sur les Gilets Jaunes, du trop de réalité, conclusion du feuilleton

Par Tristan Leoni

« La difficulté la plus immédiate pour nous, mais pas la plus insurmontable, est le fait que ces mouvements sont à l’image de la société dans laquelle ils ont éclos. En l’occurrence, des Gilets Jaunes peuvent se montrer racistes, antisémites, homophobes, misogynes, être de gauche comme de droite, ce qui fait que participer à un mouvement avec eux peut impliquer des concessions difficiles, voire insupportables. Et puis les aspects interclassistes de ce type de mouvement peuvent conduire certains d’entre nous à s’en défier totalement ou à renoncer à y participer de quelque façon que ce soit. Plus profondément, cela vient interroger notre vision et notre espoir de la révolution », écrivait Lola Miesseroff au mois de juin 2019.

Le mouvement des Gilets Jaunes est trop étrange pour que nous puissions y voir un verre à moitié plein ou à moitié vide. Ne ressemblant à rien de déjà vu, il ne suffit pas de lister ce qui lui aurait manqué pour qu’il cadre avec des schémas préétablis. Nous peinons même, a posteriori, à l’intégrer aux théories prédictives qui, d’ailleurs, ne l’avaient pas vu venir. Le phénomène est pourtant connu, mais il surprend toujours. Il arrive, parfois, que les prolétaires ne fassent rien comme prévu, et c’est très bien, mais cela n’est pas sans générer quelques inquiétudes.

En milieu militant, nous étions plus habitués à côtoyer des prolétaires quelque peu politisés, fréquemment cégétistes, et à analyser leurs actions sans en être jamais satisfaits, mais le mouvement des Gilets Jaunes a secoué bien des certitudes et bien des habitudes. Nous nous rappelons alors que les mouvements sociaux, les grèves généralisées ou les révolutions ne sont pas seulement menés par des personnes de gauche, pas uniquement par des personnes avec lesquels nous aurions pris plaisir, quelques jours plus tôt, à boire un demi en terrasse. Les Gilets Jaunes peuvent être de ces piqûres-là, ils ne respectent rien, ils n’ont aucune référence culturelle de gauche et ils sont enthousiasmants, imprévisibles, confus, perdus et parfois désespérants. Sans doute est-ce ce qui fait leur charme.

Le soulèvement des Gilets Jaunes est pourtant une authentique révolte de prolétaires, une expression de la lutte des classes, avec toute sa complexité, ses contradictions et son cours incertain. Beaucoup de militants ont regretté son impureté, mais qu’est-ce qu’une pure expression de la lutte des classes ? Une expression qui, comme hors-sol, serait insensible au monde qui la produit et débarrassée de toute la pourriture du vieux système qui lui colle après ? Les luttes du passé, même les plus rudes et les plus emblématiques, ne sont pas exemptes d’influences néfastes ou de dérives, ni des croyances de leur temps. Nous pourrions, entre autres, évoquer la guerre des paysans allemands ou la Commune de Paris. Arrêtons-nous par exemple un instant sur la grève générale du mois de juin 1936. Léo Lagrange, député de la Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO) et membre du gouvernement de Front Populaire, raconte à André Malraux que « j'ai vu Arthur Ramette, député du Parti Communiste Français (PCF), très inquiet de certaines des revendications des grévistes, nettement hitlériennes, interdiction du travail des femmes mariées et interdiction du travail des ouvriers étrangers. La tâche ne sera pas facile ». Elle ne l’a pas été pour ceux qui voulaient que les ouvriers reprennent le travail. Faut-il considérer que, dans la seconde moitié du vingtième siècle, le mouvement ouvrier est pollué par diverses croyances irrationnelles comme le syndicalisme, le parti ouvrier, le socialisme d'état et l'autogestion, ou bien qu’il s’agit du reflet de la période ?

Avec les Gilets Jaunes, nous avons certes assisté à une prise de conscience collective, liée à une condition sociale commune, mais qui ne s’exprime que d’une manière très partielle et confuse. Leur mouvement n’a, au bout du compte, vécu pleinement que durant quelques semaines, au mois de novembre et au mois de décembre 2018, avant de s’enrayer puis de s’engager dans un interminable dépérissement. L’absence d’un approfondissement de la lutte, c’est reculer que d’être stationnaire, aura été un frein à l’apparition d’une véritable conscience de classe et à des clarifications politiques et théoriques, par exemple, par rapport au discours interclassiste. Ne trouvant aucune issue ni dépassement, et alors que la plupart des Gilets Jaunes ont abandonné depuis longtemps, le dernier carré entame une lente et stérile involution, ballotté entre rituel insurrectionnaliste, citoyennisme populaire et assembléisme d’extrême gauche.

La révolte des Gilets Jaunes, de par son caractère spontané, charrie d’inévitables défauts, mais il serait illusoire d’y voir un diamant brut à tailler à notre goût, ou bien encore une lutte qu’il s’agirait de libérer d’une gangue pour lui restaurer sa vraie nature, forcément plus conforme à nos vues et donc victorieuse. Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire ? Être conscient de ses limites est déjà fort avantageux et si agir en tant que prolétaire, avec les prolétaires tels qu’ils sont, réclame déjà beaucoup d’énergie, cela offre aussi bien des possibles.

Quel avenir nous promettent les Gilets Jaunes ? Avons-nous affaire à un feu de paille sans lendemain ou à un premier coup de semonce annonçant des lendemains de lutte ? Tout le monde semble s’accorder sur la seconde proposition. Pourtant, personne ne sait comment les Gilets Jaunes vont réagir. Une partie d’entre eux pensent avoir obtenu gain de cause avec le retrait de la taxe carbone sur le diesel le 4 décembre 2018, mais tous ceux qui voulaient davantage et qui ont continué à se battre après cette date, restent sur un échec qui pourrait entraîner une profonde résignation et une abstention sociale.

En réalité, et bien que les conditions de l’embrasement soient en France toujours présentes, rien ne permet de savoir si la prochaine explosion sociale d’ampleur s’y produira dans six ou douze mois, dans deux, cinq ou dix ans. Personne n’a vu venir cette explosion, mais elle ne nous a pas rendus plus clairvoyants.

La majorité des analystes et militants d’extrême gauche sont pourtant convaincus que plus rien ne sera comme avant et que le soulèvement des ronds-points annonce des révoltes d’une tout autre ampleur. Les prolétaires qui se sont mobilisés ont beaucoup appris, ils ont découvert leur puissance, ils ont tissé des liens et, la prochaine fois, forts et fiers de leur expérience, ils commettront moins d’erreurs et ils seront plus efficaces et plus rapidement. C’est en partie vrai, mais ce type de commentaire est fait après chaque mouvement exceptionnel, 1995, 2005 ou 2006. Or l’histoire du mouvement ouvrier montre que la lutte des classes n’a rien d’automatique et que l’expérience acquise dans les luttes n’accroît pas forcément la combativité, le plus souvent cette expérience se perd. Il ne faut pas non plus oublier que l'état tire, lui aussi, des leçons des événements et qu'il adapte en conséquence ses dispositifs afin d’endormir et de désarmer les prolétaires.

Les livres, tout comme nos expériences respectives, en témoignent. Après une lutte d’importance ayant permis la constitution de noyaux de prolétaires radicaux, la volonté est grande de chercher à continuer la lutte, de s’organiser et de créer des collectifs et des coordinations. Les mêmes sources nous montrent pourtant que ces structures ne résistent pas au temps, sinon en s’institutionnalisant, en se sclérosant. Il est donc probable que la plupart des collectifs locaux et associations de Gilets Jaunes créés au fil, et surtout vers la fin, du mouvement, qui sont fréquemment l’expression de ce qu’il y a de plus interclassiste, s’ils existent encore, seront des obstacles para syndicaux pour les futures mobilisations des prolétaires, pour leur auto-organisation spontanée et radicale. Ces quelques Gilets Jaunes institutionnalisés se comporteront comme des militants, ils prétendront détenir expérience ou légitimité et ils voudront prendre en main le mouvement, mais ils seront tout autant en décalage et qu’en retard vis-à-vis de celui-ci. Il y a d’ailleurs fort à parier et il faut l’espérer que le prochain mouvement social d’ampleur prendra des formes différentes de celles des Gilets Jaunes et qui nous surprendront à nouveau.

La période de luttes initiée au mois de décembre 1995 est-elle désormais révolue et une autre, caractérisée par des luttes ressemblant davantage à celles des Gilets Jaunes, s’ouvre-t-elle ? Pour le vérifier, il faudrait que les méthodes de la nouvelle, marginalisant syndicats et autres organisations traditionnelles du prolétariat, fassent aussi irruption sur le terrain du travail et de l’exploitation. Nous n’en sommes pas là. La question des lieux de production est pourtant capitale, car c’est là que se trouve le cœur du capitalisme. C'est le point de bascule.

Le fait que l'état et le gouvernement soient associés, de manière assez confuse, et perçus comme un adversaire étend potentiellement le conflit de classe à toute la société, mais il serait regrettable, comme c’est le cas avec les Gilets Jaunes, que les lieux de production et d’extraction de la plus-value demeurent des îlots de stabilité. Sans cette extension, le soulèvement se cantonnerait, et se condamnerait, à l’émeute, ce qui, en définitive, revient à affronter un boxeur professionnel en utilisant des gants de boxe. Dans l’optique d’un post mouvement ouvrier organisé, un mouvement sauvage et autonome, confus mais sur une ligne de classe, coordonnant des luttes sur les lieux de travail sans pour autant s’y enfermer, les Gilets Jaunes ajoutent aussi quelques traits à l’esquisse de ce que serait un embrasement à portée révolutionnaire. Les prolétaires ne manqueraient pas d’abolir les séparations et de provoquer un gigantesque arrêt de travail durant lequel ils ne respecteraient pas les codes connus de la grève, encore moins ceux de la grève générale et, en même temps, ils s’en prendraient à l'état.

La révolte des ronds-points fait là aussi resurgir de sempiternelles questions. Faut-il que renaisse l’espoir de perspectives révolutionnaires pour que la révolution redevienne une possibilité crédible ? L’espoir de mettre un coup d’arrêt aux offensives capitalistes est-il suffisant ? Nous savons, bien évidemment, que ce sont les conditions économiques et sociales et les rapports de production qui permettent que de telles idées émergent, mais comment repèrent-on ce qui serait des conditions subjectives ? Doivent-elles d’ailleurs correspondre, dans le discours des révoltés, aux idées que s’en font d’ores et déjà les amis de la révolution sociale ? Ou bien ces derniers peuvent-ils être désarçonnés ? Il faut l’espérer.

Si un soulèvement comme celui des Gilets Jaunes devait se reproduire, avec davantage de force, qu’en serait-il par exemple du discours interclassiste, de la question nationale, ou bien encore du souverainisme ? Comme nous l’avons déjà écrit, ce n’est pas tant la présence des références patriotiques qui est inquiétante que leur persistance et donc leur acceptation tout au long du mouvement. Il est probable que le prochain mouvement social d’ampleur résoudra cette question, dans un sens ou dans un autre. Même si cela nous semble peu probable, nous ne pouvons par exemple pas évacuer la possibilité d’un mouvement qui, sur la forme, serait très proche de celui des Gilets Jaunes, mais qui prendrait une tonalité anti-immigration, comme nous avons pu le voir en Guyane ou à Mayotte, voire anti-immigrés, et/ou qui serait véritablement nationaliste.

Pour l’heure, nous l’avons déjà expliqué, le mouvement des Gilets Jaunes représente une cuisante défaite pour l’extrême droite et, comme c’était prévisible, il n’a pas eu d’impact sur les élections européennes du mois de mai 2019, si ce n’est une modification de l’électorat macroniste. Ce courant pourrait-il malgré tout, à terme, en tirer profit, et en particulier le Rassemblement National ? Une telle question suppose de croire possible une victoire électorale de ce parti. Or, nous pouvons nous demander si la mobilisation d’une partie des Gilets Jaunes n’est pas justement due, entre autres, à la prise de conscience, à la suite des élections de 2017, du fait que le Rassemblement National n’arrivera jamais au pouvoir puisque tout, hormis une minorité d’électeurs, s’y oppose. Est-ce que, dès lors, le mouvement des Gilets Jaunes pourrait être annonciateur d’autre chose ? Par exemple d’une restructuration de l’extrême droite française voyant l’émergence d’un mouvement hors normes, forcément qualifié de populiste, à l’image de l’hybride Mouvement Cinq Etoiles (MCE), et en mesure d’arriver au pouvoir ?

C’est l’existence d'un Rassemblement National puissant qui, jusqu’ici, nous préserve d’une telle hypothèse. Qu’en serait-il en cas d’implosion de ce parti ? Au lendemain des élections européennes, des restructurations politiques semblent s’esquisser à gauche et, surtout, à droite, mais rien ne semble pour l’instant prendre une allure populiste. L'avenir des principaux cadres souverainistes qui ont quitté ou ont été expulsés du Mouvement de la France Insoumise (MFI) est néanmoins à suivre avec attention. Que se passera-t-il demain, en cas de crise majeure telle qu’un désastre financier mondial ou une dislocation de l’Union Européenne ?

En attendant, la démocratie libérale a survécu aux Gilets jaunes. Alors qu’ils semblaient accumuler gaffes et erreurs de communication, Emmanuel Macron et les membres du gouvernement ont en définitive fort bien géré le conflit, distribuant quelques miettes, empêchant toute contagion et attendant le pourrissement. Malgré quelques reculades, le pouvoir d'état a su garder son cap et, par exemple, aggraver au mois de janvier 2019 le sort des demandeurs d’emploi. Il n’y a pas eu de crise de régime. Au mois de décembre 2018, quelle que soit la réalité de la menace des Gilets Jaunes ou de sa perception, l’idée d’une démission du président ou ne serait-ce que d’une dissolution de l'assemblée nationale est impensable. Aucune alternative politique n’est d’ailleurs disponible pour rétablir le calme, encore moins une alternative économique, l'état et le capital ne pouvant accroître le coût du travail en France. Avec les Gilets Jaunes, et contrairement à un mouvement social classique, l’espoir de l’arrivée au pouvoir de la gauche n’aurait d’ailleurs pas suffi à éteindre la mobilisation. Les différents secteurs du capital se devaient donc de soutenir Emmanuel Macron, celui-ci devait rester en place et, si nécessaire, répondre par la force. Cela ne laisse rien présager de bon quant aux prochaines réformes antisociales prévues par le gouvernement, notamment celles concernant les retraites ou le chômage qui, en partie, ont prudemment été reportées.

Mais pour l’heure, alors que les Gilets Jaunes sont dénoncés comme une menace fasciste, la république française poursuit sa dérive autoritaire, ce qui était prévisible dès le soir du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, gouvernement par ordonnances, inscription de certaines mesures de l’état d’urgence dans le droit commun, répression d’une ampleur inédite, justice exceptionnelle sinon d’exception, loi anticasseurs et contrôle accru d’internet. L’autoritarisme croissant des partisans de la liberté est tel que nous ne voyons pas l’intérêt que trouverait le capital dans l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National. Réprimer les prolétaires ? Le parti de l'ordre est déjà au pouvoir et le fait très efficacement. Mais, avec de telles manières, on ne peut pas assurer durablement la cohésion de la société et reformer une communauté nationale, des éléments nécessaires au bon fonctionnement du capitalisme.

Les Gilets Jaunes ne demandaient finalement pas autre chose, pas grand-chose. Ils ne cherchaient pas à bouleverser la société, mais à lui redonner un fonctionnement normal, juste et équilibré, celui qu’elle avait avant, pas forcément celui des Trente Glorieuses, mais ne serait-ce que celui d’il y a vingt ou trente ans. La nostalgie de l’âge d’or n’est vraiment plus ce qu’elle était. C’était donc, au sens littéral, un mouvement « réactionnaire » tant il est vrai que, pour paraphraser Gustave Flaubert, les luttes conservatrices, sur les retraites, les services publics ou le statut des cheminots, ne conservent plus rien. Cela suffit-il à perturber la bonne marche du capitalisme en France ? Nous avons vu qu’il n’est pas techniquement impacté. Mais les manifestations hebdomadaires ont toutefois provoqué une réelle inquiétude dans les rangs des bourgeois, qui ont entrevu ce qu’il adviendrait de leurs biens et peut-être de leurs personnes si la situation dégénérait. Et, face au danger qu’a semblé représenter l’irruption de hordes de pauvres dans les beaux quartiers, ils ont fait corps et ils ont su faire preuve d’une unanimité, d’un point de vue intellectuel et moral, dans leur condamnation des Gilets Jaunes.

Pour assurer leur défense, ils ne disposent pas que de fonctionnaires de police. Ils rémunèrent aussi toute une panoplie de lanceurs d’alerte, oiseaux universitaires et sociologues censés annoncer les tempêtes qui approchent. Christophe Guilluy est de ceux-là, lui qui a été reçu par trois présidents successifs pour les avertir que le pire est désormais possible. Il met les bourgeois en garde contre l’approfondissement des inégalités, l’écart grandissant des modes de vie et des perceptions, que résume l’opposition entre, d’un côté, le clan d'Emmanuel Macron et, de l’autre, les Gilets Jaunes, et enfin une révolte des gueux contre ces élites qui désormais font sécession, c'est une expression de Christopher Lasch qui fait florès. Dans un tout autre style, on rencontre aussi le docteur Laurent Alexandre, apologiste de l’intelligence artificielle, dont les propos font le buzz sur internet au mois de janvier 2019, nous devons créer une société inclusive et trouver le moyen d’éviter qu’il y ait un gigantesque gap entre ce qu’Harari dans Homo Deus appelle des dieux et des inutiles et les Gilets Jaunes sont la première manifestation de ce gap intellectuel insupportable que nous sommes en train de créer entre les winners, les dieux d’Harari et les losers, les inutiles d’Harari. Et je reprends les termes d’Harari non pas pour m’en féliciter, mais pour alerter tout le monde sur le fait que la crise des Gilets Jaunes n’est pas un épiphénomène, elle est là pour cent ans. Et la crise des Gilets jaunes est salutaire, elle nous montre à quelle vitesse nous entrons dans le cauchemar d’Harari. Nous devons créer une société de solidarité intellectuelle, c’est la première urgence. L’urgence n’est pas de devenir immortels, c’est d’éviter de multiplier des Gilets jaunes.

Il est vrai que les prolétaires occidentaux seront les premiers à être confrontés à la révolution transhumaniste qu’on nous annonce. Son coût et ses conséquences seront tels que les contradictions de classe pourraient devenir volcaniques, avec des élites améliorées totalement déconnectées d’une réalité devenue davantage brutale et rugueuse. Laurent Alexandre représente la tendance social-démocrate du transhumanisme. Pour que l'intelligence artificielle profite pleinement aux bourgeois, elle doit aussi bénéficier, ne serait-ce que marginalement, à la masse des prolétaires, sans cela ces derniers seront condamnés à une révolte, forcément féroce, qui pourrait mettre en danger tout le système. Mais, si le docteur en voit les prémisses dans les Gilets Jaunes, c’est que le gap n’est pas seulement intellectuel, ni culturel, mais avant tout social et, qui plus est, de plus en plus perceptible. Les contradictions de classe s’aiguisent et, désormais, plus personne ne peut nier que la question sociale est centrale, elle l’a toujours été.

Si, dans le futur, un soulèvement de prolétaires s’étendant à toute la planète, une révolution, devait advenir, mettre en danger, ou même à bas, le mode de production capitaliste, il y a fort à parier que, au début, il serait encore plus confus et violent que ne l’a, par exemple, été celui des Gilets Jaunes et à une tout autre échelle, au début. Quant à ceux qui se battront au cœur de formidables contradictions, quel vocabulaire utiliseront-ils ? Évoqueront-ils, au début, le pouvoir d’achat, les salaires ou l’exploitation, et ensuite ? Qu’importent en tout cas les mots qu’ils utiliseront pour décrire cet autre monde, celui qu’ils construiront et qui, pourquoi pas, pourrait très bien être exempt de salariat, de propriété, d'état, de valeur, de genre et de religion, qu’importe alors s’ils ne l’appellent pas, comme nous le ferions, communisme.

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 18:22

 

 

https://www.infomigrants.net/fr/post/18007/devant-le-refus-de-l-italie-le-navire-alan-kurdi-debarque-65-rescapes-a-malte

 

Devant le refus de l’Italie, le navire Alan Kurdi débarque soixante cinq rescapés à Malte

Les soixante cinq migrants secourus Vendredi 5 Juillet 2019 par le navire Alan Kurdi de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Sea-Eye ont reçu l’autorisation de débarquer à Malte. Le navire est arrivé au large des côtes de la petite île, Dimanche 7 Juillet 2019, après avoir tenté en vain un débarquement à Lampedusa en Italie.

Après avoir stationné plusieurs heures au large des côtes italiennes de l’île de Lampedusa, le navire Alan Kurdi, de l’ONG allemande Sea-Eye, a fait route vers Malte dans la nuit du Samedi 6 Juillet au Dimanche 7 Juillet 2019. « Nous ne pouvons pas attendre que l’état d’urgence soit déclarée à bord », a expliqué un porte-parole sur Twitter, « maintenant, reste à savoir si les gouvernements européens vont se ranger du côté de l’Italie. Les vies humaines ne peuvent pas être une monnaie d’échange ».

Samedi 6 Juillet 2019, lorsque le navire se trouvait encore au large de Lampedusa, la Guardia di Finanza est montée à bord afin de remettre en personne l’interdiction expresse d'entrer dans les eaux italiennes, invoquant un décret signé par le ministre de l’intérieur Matteo Salvini. « L’Italie continuera de refuser l’entrée du port aux navires humanitaires jusqu'à ce que la situation devienne insupportable pour leurs capitaines et les passagers. Un tel degré de gouvernance irresponsable nous a montré quelles perspectives nous attendaient à Lampedusa », a déclaré Gorden Isler, porte-parole de Sea-Eye, dans un entretien accordé au site d’information allemand Spiegel, justifiant la décision de se rendre à Malte.

Arrivé au large des côtes maltaises, Dimanche 7 Juillet 2019, le navire dit attendre les instructions de la Valette. Sur les soixante cinq rescapés, trois sont dans un état de santé inquiétant nécessitant un transfert à terre en urgence, précise Sea-Eye sur son compte Twitter. « Tous les trois se sont effondrés à cause de la chaleur », indique l’ONG sans donner plus de détails.

Dans un communiqué de presse diffusé Dimanche 7 Juillet 2019 en fin de journée, le gouvernement maltais affirme qu’il accepte le débarquement des soixante cinq migrants se trouvant à bord du navire Alan Kurdi après avoir discuté avec la commission européenne et le gouvernement allemand. Un navire militaire doit venir chercher les rescapés, selon le communiqué. « Toutes les personnes sauvées seront immédiatement transférées vers d'autres états membres de l'Union Européenne. Aucun des migrants susmentionnés ne restera à Malte, car ce n’est pas la responsabilité des autorités maltaises », lit-on encore.

Les forces armées maltaises ont, en outre, annoncé avoir porté secours Dimanche 7 Juillet 2019 à un autre groupe de cinquante huit autres migrants qui se trouvaient sur une embarcation en train de couler en mer. Au moins la moitié d'entre eux seront accueillis par d'autres pays européens, a précisé le premier ministre maltais Joseph Muscat, évoquant « un signe de reconnaissance de la bonne volonté du gouvernement maltais ».

Le navire Alan Kurdi est le second navire humanitaire à défier Matteo Salvini cette semaine. Samedi 6 Juillet 2019, le voilier Alex de l’ONG Mediterranea est entré dans les eaux italiennes pour débarquer à Lampedusa ses rescapés, cinquante quatre au total qui avaient été secourus Jeudi 4 Juillet 2019. Malte avait offert de les réceptionner, mais le petit voilier était dans l’incapacité technique de parcourir les cent milles nautiques le séparant des côtes maltaises.

« Les ONG sont de retour devant la Libye. Cela favorise les départs, cela favorise le risque de naufrages et cela rend les passeurs heureux. Nous ne nous laisserons pas intimider, nous ne céderons pas au chantage et nous défendrons l'Italie », a martelé Matteo Salvini sur son compte Twitter.

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 17:58

 

 

https://www.elwatan.com/edition/actualite/les-detenus-dopinion-ce-premier-obstacle-au-dialogue-08-07-2019

 

Alors qu’une quarantaine de citoyens croupissent dans les prisons du régime

Les détenus d’opinion, premier obstacle au dialogue

Par Mustapha Benfodil

Lundi 8 Juillet 2019

« La libération des détenus n’est pas un préalable. C’est une exigence au-dessus des préalables. C’est le préalable des préalables », la formule est de Djamel Zenati qui l’a postée sur sa page Facebook.

En cette phase où l’on vante les vertus du dialogue, surtout après le conclave d’Aïn Benian, la déclaration de Djamel Zenati prend tout son sens et c’est la condition posée, du reste, par plusieurs acteurs de la scène hirakiste pour signifier à Ahmed Gaïd Salah et à Abdelkader Bensalah qu’il est hors de question d’envisager la moindre velléité de négociation sans cet impératif catégorique, ce que d’autres appellent mesure d’apaisement, mesure de détente ou bien gage de bonne volonté. D’aucuns espéraient même que les prisonniers politiques et autres détenus d’opinion raflés ces dernières semaines seraient relâchés Jeudi 4 Juillet 2019.

Non seulement il n’en fut rien, mais Abdelkader Bensalah n’a eu aucun mot pour eux dans son dernier discours. Le pire dans tout cela est que la police a continué à réprimer avec le même acharnement, embarquant des citoyens à l’emporte-pièce, en pleines festivités du Vendredi 5 Juillet 2019, durant le vingtième acte de la silmiya qui tombait en pleine fête de l’indépendance.

Non, le régime n’a pas changé ses habitudes, et c’est le même logiciel qui continue à faire tourner le système. Les images du passage à tabac de deux manifestants pacifiques, sans défense, par des membres des forces anti-émeutes, roués de coups de rangers et de matraque, alors qu’ils sont à terre, ont achevé de nous enlever toute illusion quant aux dispositions de l’ordre autoritaire à se réformer tout seul.

Oui, ils ont réprimé, tabassé et embarqué des algériens en pleine fête du Vendredi 5 Juillet 2019, donnant raison à ce slogan scandé furieusement par un peuple tout entier qui n’en peut plus de ces brutes qui nous gouvernent, « le peuple veut l’indépendance ».

Tout est dit dans cette terrible sentence. Les images ont fait le buzz, mais cela n’a pas empêché la police de récidiver, cette fois à Mascara, embarquant pas moins de douze activistes, Samedi 6 Juillet 2019, dont le seul tort est d’avoir protesté contre la visite de la ministre de la culture, Meriem Merdaci.

Ils ont été fort heureusement relâchés dans la journée du Samedi 6 Juillet 2019, mais il convient de rappeler qu’Hadj Ghermoul est toujours privé de sa liberté. Il avait été arrêté par la police d’Abdelaziz Bouteflika et il continue à purger sa peine dans une maison d’arrêt près de Mascara, alors qu’Abdelaziz Bouteflika n’est plus là.

Une métaphore vivante de la drôle de situation que nous vivons, Abdelaziz Bouteflika est parti et la police d’Abdelaziz Bouteflika est toujours en place, tout comme le reste, justice, télévision, administration, walis, ministres, Noureddine Bedoui, Abdelkader Bensalah et Ahmed Gaïd Salah. Comme dit la formule, « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Force est de le constater, la libération des détenus est en tête des exigences immédiates du mouvement populaire du Vendredi 22 Février 2019, comme nous avons pu le voir ces derniers vendredis et dans les manifestations étudiantes. « Libérez les détenus du hirak », résumait une pancarte brandie par un citoyen, Vendredi 5 Juillet 2019. Nous pouvions lire aussi, sur d’autres écriteaux, « libérez les prisonniers d’opinion, libérez le moudjahid Lakhdar Bouregaâ » et « vous ne nous imposerez pas un autre président ni un autre corrompu, libérez les prisonniers d’opinion ». En ce vingtième vendredi, nous avons vu aussi nombre de citoyens défiler avec des t-shirts à l’effigie de Lakhdar Bouregaâ, ou encore de la jeune militante du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) Samira Messouci, arrêtée le 28 juin 2019.

Réagissant aux violences policières du Vendredi 5 Juillet 2019, le Réseau contre la Répression, pour la Libération des Détenus d’Opinion et pour les Libertés Démocratiques (RRLDOLD) a rendu public un communiqué, où il dénonce « une journée historique qui a malheureusement été entachée par les nombreuses atteintes aux libertés, perpétrées par le pouvoir, contre le peuple algérien, alors qu’au moins trente six de nos concitoyens, dont l’unique tort est d’avoir brandi l’emblème amazigh, le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, l’un des plus illustres acteurs de la révolution anticoloniale, et des militants et des personnalités politiques ayant à cœur de défendre leur pays et de dénoncer l’oppression, sont toujours emprisonnés, dans l’opacité la plus totale ».

S’agissant des violences infligées par des policiers déchaînés contre deux manifestants à terre, le RRLDOLD assure qu’il se réserve le droit de poursuivre en justice ces agents et leur hiérarchie. Le collectif a invité dans la foulée les citoyens victimes d’une agression de la part des forces de police « à se rapprocher de nous via notre page et si possible avec tous les documents filmés ou photographiques pouvant appuyer ces témoignages ».

A noter que la Direction Générale de la Sureté Nationale (DGSN) a annoncé, de son côté, l’ouverture d’une enquête sur l’affaire des citoyens tabassés, affirmant que le chef de la police, Abdelkader Kara Bouhedba, a instruit à cet effet l’Inspection Générale de la Sûreté Nationale (IGSN) en insistant sur « l’impératif d’enquêter sur les faits et de situer les responsabilités afin que toutes les mesures prévues par la loi soient prises ».

Parmi les autres actions de solidarité à retenir, une marche est prévue Lundi 8 Juillet 2019 à Ifri-Ouzellaguen, à l’appel du Collectif des Citoyens d’Awzellaguen (CCA), pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion, pour exiger l’arrêt de toutes les procédures et de toutes les poursuites judiciaires engagées contre ces derniers et pour dénoncer la campagne de dénigrement des symboles de la révolution algérienne entre 1954 et 1962.

Il faut savoir qu’un enfant de la ville figure parmi les détenus. Il s’agit de Khaled Oudihat, dit Tahar, arrêté le 21 juin 2019 à Alger. Signalons également la pétition initiée par le collectif Liberté Dignité Citoyenneté (LDC), « par solidarité avec les prisonniers d’opinion arrêtés pour délit d’emblème amazigh, plusieurs citoyens, écrivains, professeurs, médecins, journalistes et artistes, demandent au procureur général d’Alger de les inculper pour atteinte à l’unité nationale », écrit Arezki Aït Larbi, l’un des principaux animateurs de ce collectif, avant de préciser que « cette lettre ouverte, initiée par le collectif LDC, vise à gripper la machine judiciaire en multipliant le nombre des détenus volontaires ».

Parmi les premiers signataires de cette pétition, il y a Mohamed Harbi, Boualem Sansal, Omar Belhouchet, Fadéla Chitour-Boumendjel, Khaoula Taleb Ibrahimi, Djamel Zenati, Mohamed Ali Allalou ou encore Sid Ahmed Semiane.

Ils écrivent que « leur procès sera également le nôtre. Pour avoir participé aux mêmes manifestations que les détenus que vous vous apprêtez à sacrifier pour sauver un régime délinquant, pour avoir déployé le même emblème amazigh et par solidarité avec les victimes de la répression et de l’arbitraire, les signataires demandent à être inculpés pour atteinte à l’unité nationale ». Une page Facebook a été créée pour ceux qui souhaitent se joindre aux signataires de cette pétition.

Interrogée, en marge de la manifestation des étudiants du Mardi 2 Juillet 2019, à propos du moment autoritaire que nous traversons, la politiste Louisa Dris-Aït Hamadouche répondait que « cette crispation autoritaire se traduit par des interpellations, des intimidations et des mises sous mandat de dépôt, y compris de personnalités très emblématiques. Je pense que, en regardant cela dans le temps long du soulèvement depuis le Vendredi 22 Février 2019, nous remarquons que ce n’est pas la première fois qu’il y a une crispation sécuritaire. Celle-ci peut s’inscrire dans une relation de rapport de forces. Dès lors, cette séquence peut exprimer l’idée que chacun des protagonistes est en train de conforter son rapport de forces dans le but d’obtenir le maximum de ce qui peut s’obtenir en cas de négociation. Les intimidations peuvent montrer que le pouvoir politique ne se sent pas invulnérable face à la pérennisation du soulèvement. Cela peut aussi être l’expression d’une incapacité à trouver des solutions politiques à des revendications qui, elles, sont politiques. Je crois que nous sommes dans une configuration dans laquelle nous avons la carotte et le bâton en même temps, la proposition de dialogue, d’un côté, et une crispation autoritaire de l’autre. Il est difficile de savoir dans quelle direction le rapport de forces évoluera. A l’heure actuelle, nous ne savons pas si les mesures de répression sont tactiques ou bien stratégiques ».

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 17:21

 

 

https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N249287

 

Le conservateur Kyrikos Mitsotakis nouveau premier ministre grec (Reuters)

Le leader de la Nouvelle Démocratie, Kyrikos Mitsotakis, a prêté serment Lundi 8 Juillet 2019 comme nouveau premier ministre grec, au lendemain de la nette victoire de sa formation aux élections législatives qui tourne la page de l’ère d’Alexis Tsipras.

« C’est aujourd’hui que commence le travail, nous saurons saisir l’occasion », a-t-il déclaré lors d’une cérémonie organisée au palais présidentiel en présence de représentants du clergé orthodoxe avant d’être reçu par Alexis Tsipras, son prédécesseur et leader de SYRIZA.

La Nouvelle Démocratie a obtenu Dimanche 7 Juillet 2019 quarante pour cent des voix et elle disposera de cent cinquante huit députés, sur les trois cent sièges que compte le parlement monocaméral grec, devant SYRIZA, qui a obtenu trente deux pour cent des voix et quatre vingt six députés.

En troisième position viennent les socialistes de la coalition KINAL, avec huit pour cent des suffrages, soit vingt deux députés. Le parti communiste grec (KKE) a obtenu cinq pour cent des voix et quinze députés. Les nationalistes de Solution Grecque ont obtenu quatre pour cent des voix et dix députés. Le parti de l’ancien ministre des finances Yannis Varoufakis a obtenu trois pour cent des voix et neuf députés.

Sur le marché obligataire, le rendement des obligations grecques à dix ans a perdu jusqu’à quatorze points de base Lundi 8 Juillet 2019 en début de matinée pour inscrire un nouveau plus bas historique à deux pour cent. Il était remonté à 2,1 % Lundi 8 Juillet 2019 vers 11 heures, ramenant sa baisse à cinq points de base.

« Il faut noter que la dette souveraine grecque s’échange à des niveaux de rendements correspondant à une notation en catégorie d’investissement », commente Markus Allenspach, directeur de la recherche taux fixe de la banque suisse Julius Bär, dans une note, « ce qui signifie que le marché intègre de multiples évolutions positives à partir de maintenant ».

Peter Chatwell, responsable de stratégies taux chez Mizuho, explique de son côté la remontée des rendements par le fait que le programme de Nouvelle Démocratie risque de creuser le déficit public.

Depuis le début de l’année, le rendement à dix ans a diminué de plus de deux cent points de base. Il avait culminé à plus de quarante pour cent au plus fort de la crise grecque en 2011 et en 2012.

Le scrutin était normalement prévu au mois d’octobre 2019 mais Alexis Tsipras a tiré les conclusions de la défaite de sa formation face à la droite aux élections européennes de la fin du mois de mai 2019 en convoquant des élections législatives anticipées.

Parti issu de la gauche radicale, SYRIZA est arrivé au pouvoir en 2015, alors que le pays était depuis des années confronté à une grave crise économique qui entraînait un douloureux programme d’austérité contrôlé par le Fonds Monétaire International (FMI) et l’Union Européenne.

Une fois au pouvoir, Alexis Tsipras a dû accepter un nouveau plan d’austérité pour que la Grèce échappe à la banqueroute. Nombre de ses électeurs ne lui ont pas pardonné.

Kyriakos Mitsotakis, ancien banquier de cinquante et un ans passé par Harvard, appartient à une dynastie politique de la droite grecque. Il a pris la direction de la Nouvelle Démocratie au début de l’année 2016.

Son père Constantin Mitsotakis a été premier ministre de 1990 à 1993 et sa soeur, Dora Bakoyiannis, a été ministre des affaires étrangères de 2006 à 2009.

Il a promis un bond en avant, la relance et des emplois, plus de sécurité et moins de bureaucratie, ainsi que des discussions franches avec l’Union Européenne pour alléger le fardeau de son pays.

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7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 16:09

 

 

https://www.change.org/p/xistor-donnons-une-chance-à-la-paix

 

Artisans de la Paix a lancé cette pétition adressée à Emmanuel Macron, président de la république française.

Donnons toutes ses chances à la paix

Libérez Frédéric Xistor Haramboure

Depuis plusieurs années, au Pays Basque, la société civile, appuyée par des représentants politiques de tous bords, est engagée dans un processus qui veut tourner définitivement la page de quatre vingt ans de violences et de souffrances.

La dissolution d'Euskadi Ta Askatasuna (ETA) a été un moment essentiel dans ce processus qui n’est pas achevé.

Ainsi, Vendredi 5 Juillet 2019, alors que le Tribunal d’Application des Peines (TAP) de Paris a accordé la libération conditionnelle à Frédéric Haramboure incarcéré depuis trente ans, il est éligible à la libération conditionnelle depuis le mois d'avril 2008, le parquet antiterroriste a immédiatement interjeté appel de cette décision. Frédéric Xistor Haramboure reste donc en prison.

Rien ne peut justifier cette obstination à maintenir en détention un homme ayant déjà purgé trente ans de prison, à l’état de santé précaire et remplissant toutes les conditions nécessaires à sa mise en liberté conditionnelle.

Nous regardons la décision du parquet comme une volonté délibérée d’ignorer le processus de paix en cours. Soutenir que la mise en liberté de Xistor Haramboure serait de nature à permettre à ETA de renaître relève au mieux de l’ignorance et au pire d’un désir de vengeance dissimulé derrière des arguments fallacieux.

Alors que le processus de rapprochement des prisonniers est actuellement bloqué et que nombre d’entre eux sont encore maintenus sous le statut de Détenus Particulièrement Signalés (DPS), sans aucune raison, cette décision du parquet peut au contraire raviver les rancœurs et les souffrances de tous.

Cette situation est en contradiction avec les propos récents tenus par le président de la république, « le Pays Basque est pour moi un exemple, quand je regarde ces dernières années, de résolution d’un conflit et de sortie des armes. Le devoir de l'état est d’accompagner le mouvement. Nous ne devons pas faire bégayer l'histoire, il faut l’accompagner ».

Nous demandons solennellement que l'état mette ses actes en conformité avec ses déclarations. Donnons toutes ses chances à la paix.

Premiers signataires

Michel Berhocoirigoin, Txetx Etcheverry et Michel Tubiana

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7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 15:54

 

 

https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1U026K-OFRTP

 

Prison ferme requise dans le dossier des suicides à France Télécom (Reuters)

Pour la première fois pour une entreprise de cette taille, le ministère public a requis Vendredi 5 Juillet 2019 de la prison ferme pour harcèlement moral et complicité contre sept anciens dirigeants de France Télécom, devenue Orange en 2013, qui a connu une vague de suicides de salariés entre le mois d'avril 2008 et le mois de juin 2010.

Un an de prison assorti de quinze mille euros d’amende a ainsi été requis contre l’ancien Président Directeur Général (PDG) Didier Lombard, soixante dix sept ans, de son ancien Directeur des Ressources Humaines (DRH) Olivier Barberot, soixante quatre ans, et de l'ancien directeur des opérations pour la France, Louis-Pierre Wenes, soixante dix ans, jugés pour harcèlement moral.

Hasard du calendrier judiciaire, le successeur de Didier Lombard, Stéphane Richard, saura Mardi 9 Juillet 2019 s’il est condamné dans l’affaire de l’arbitrage en faveur de l’homme d’affaire Bernard Tapie dans son contentieux avec Le Crédit Lyonnais (LCL), l’actuel PDG d’Orange était alors directeur de cabinet de la ministre de l'économie et des finances de l’époque, Christine Lagarde.

Le ministère public a par ailleurs demandé huit mois de prison et dix mille euros d’amende contre quatre autres anciens dirigeants jugés pour complicité, ainsi qu’une amende de soixante quinze mille euros contre France Télécom en tant que personne morale.

« Les peines encourues à l’époque sont tellement faibles qu’il faut demander le maximum », a dit une des deux procureures, Brigitte Pesquié, qui a requis la publication du futur jugement.

Ce procès, inédit à cette échelle, est celui du crash plan mis en oeuvre par l’opérateur historique français de télécommunications entre 2006 et 2010 pour réduire en trois ans ses effectifs de vingt deux mille personnes et pour transférer dix mille autres personnes.

L’accusation reproche à l’entreprise et ses anciens dirigeants d’avoir instauré une politique visant par toutes sortes de moyens à déstabiliser les salariés afin de les contraindre à partir. L’ordonnance de renvoi en correctionnelle a retenu le cas de trente neuf victimes, dont dix huit suicides et treize tentatives de suicide en deux ans.

Mais Brigitte Pesquié a souligné que cela concernait un nombre énorme de personnes, bien au-delà de ces trente neuf cas. « Votre tribunal va juger des chauffards du travail, qui ont abusé de leur autorité et qui ont agi pratiquement en bande organisée », a-t-elle déclaré à l’adresse de la cour.

Les parties civiles se sont déclarées satisfaites de ce réquisitoire malgré la modestie relative des peines demandées.

« C’est sans commune mesure avec l’ampleur des souffrances qui ont été provoquées », a ainsi dit Sylvie Topaloff, avocate du Syndicat Unitaire et Démocratique (SUD), « je ne dis pas qu’il s’agit du procès des suicides, car la souffrance est allée bien au-delà ».

L’un des avocats des prévenus, Patrick Maisonneuve, a en revanche estimé que les procureurs n’avaient pas apporté la preuve de leur responsabilité pénale personnelle.

La première procureure à parler, Françoise Benezech, avait rappelé que les managers de France Télécom étaient notamment formés à l’époque à l’utilisation de la méthode du sepuku management visant à culpabiliser des collaborateurs pour les inciter à démissionner, le mot sepuku désigne le suicide rituel japonais familièrement connu sous le nom d’hara kiri.

La magistrate, qui n’a pas hésité à parler de banalisation du mal, a reproché aux prévenus de s’être inscrits dans une logique financière et elle a émis l’espoir que ce dossier de cent mille pages ferait jurisprudence.

« Le but de ce procès n’est pas de porter un jugement de valeur moral sur vos personnes », a-t-elle dit à l’adresse des prévenus, « c’est de démontrer que l’infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d’entreprise et par l’organisation du travail ».

Des dizaines de témoins, experts et anciens salariés de France Télécom ou proches d’employés qui se sont suicidés ont été entendus à la barre pendant deux mois.

Ils ont raconté les réorganisations multiples, les mutations forcées, les contrôles tatillons, la surcharge ou au contraire l’absence de travail et les pressions de toutes sortes.

L’inspectrice du travail auteure du signalement à l’origine du procès, Sylvia Catala, a accablé l’ancienne direction. « On demandait au salarié de se trouver un poste après lui avoir signifié que son poste était supprimé », a-t-elle notamment dit. Elle a également assuré n’avoir jamais rencontré tant de témoignages écrits de mal-être au travail et elle a déploré que les alertes n’aient pas été suivies d’effet.

Les sept anciens dirigeants ont pour leur part maintenu tout au long du procès leur ligne de défense, niant leur responsabilité dans la vague de suicides ou de dépressions et défendant les plans Next et Act de réduction de la masse salariale au nom des contraintes économiques qui pesaient alors sur l’entreprise.

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7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 15:33

 

 

https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1U208R-OFRTP

 

Un bateau humanitaire avec des migrants accoste à Lampedusa (Reuters)

Un navire de l'association humanitaire Mediterranea, qui récupère les migrants en mer, a accosté Samedi 6 Juillet 2019 dans le port sicilien de Lampedusa, malgré l'interdiction qui lui avait été faite d'entrer dans les eaux italiennes.

Il a accosté au même quai que le Sea-Watch, entré de force à Lampedusa voici une semaine après avoir attendu en mer plus de deux semaines avec à son bord quarante et un migrants secourus au large de la Libye.

La police italienne a ordonné Samedi 6 Juillet 2019 la saisie du navire et l’ouverture d’une enquête contre son capitaine. Les migrants ont été débarqués dans la nuit du Samedi 6 Juillet au Dimanche 7 Juillet 2019.

Le navire Alex de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Mediterranea, qui a lui aussi quarante et un migrants à son bord, avait décliné une offre d’accueil émise par Malte au motif que ce long trajet serait trop dangereux pour les passagers.

« Les migrants doivent pouvoir débarquer tout de suite et recevoir des soins », a déclaré Mediterranea sur Twitter.

Mais le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, qui a interdit aux navires de secours de mouiller sans autorisation dans les ports italiens, a assuré que Rome ne cédera pas au chantage.

« Je ne donne pas d’autorisation à des personnes qui feignent d’ignorer le droit italien et qui aident des passeurs à débarquer », a déclaré Matteo Salvini, par ailleurs vice-président du conseil italien et leader de la Ligue du Nord, une formation d’extrême droite qui gouverne en coalition avec le Mouvement Cinq Etoiles (MCE). Les forces armées sont prêtes à intervenir, a-t-il ajouté.

Le bateau Alex a été escorté jusqu’à Lampedusa par un navire et un patrouilleur de la marine italienne, sans que les migrants soient autorisés à quitter le bateau humanitaire. Des dizaines de policiers étaient déployés sur le quai.

« J’ai honte de ce que j’entends, mais ma grande joie, c’est de voir que ces personnes sont en sécurité », a déclaré Alessandra Sciurba, porte-parole de Mediterranea.

Le ministre allemand de l’intérieur, Horst Seehofer, a demandé à Matteo Salvini, qui est son homologue italien, de revenir sur la fermeture des ports italiens aux navires acheminant des migrants.

Horst Seehofer a déclaré travailler avec la commission européenne à la recherche de solutions pour régler le sort des personnes à bord de l’Alex et de l’Alan Kurdi, un autre navire d’une ONG qui se trouve actuellement près des eaux territoriales italiennes mais qui n’a pas non plus obtenu l’autorisation d’y pénétrer.

« Nous ne pouvons pas permettre que des bateaux avec des personnes que nous avons secourus soient laissés à la dérive en Méditerranée pendant des semaines, parce qu’ils ne trouvent pas de port », écrit Horst Seehofer dans une lettre à Matteo Salvini, « nous devons trouver rapidement des solutions au niveau européen, dans un esprit de responsabilité et de solidarité commune ».

Matteo Salvini a répondu dans une vidéo sur Facebook qu’il était hors de question qu’il change de politique.

« Cher gouvernement allemand, je ne rouvre pas les ports. S’il y a quoi que ce soit, nous ferons monter les migrants à bord d’un véhicule et nous les conduirons à l’ambassade d’Allemagne », dit-il dans cette vidéo.

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7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 15:14

 

 

https://aplutsoc.org/2019/07/07/discussion-classe-ouvriere-proletariat-dans-quel-etat-sont-ils/

 

Classe ouvrière et prolétariat, dans quel état sont-ils ?

Par Vincent Présumey

Samedi 6 Juillet 2019

Pierre Salvaing nous a adressé un article dont le titre est « éléments de discussion », publié également sur le blog de Bernard Fischer et sur le site du Club Politique Bastille (CPB), qui pour partie réagit à des remarques d’un précédent article d’Arguments Pour la Lutte Sociale (APLS) dont le titre était « luttes des classes en France, où en sommes-nous ». Nous poursuivons ici cette discussion importante, portant sur l’état des troupes, en quelque sorte.

Cet article avait été assumé par la rédaction d’APLS, mais en m’identifiant comme son auteur, Pierre Salvaing avait deviné juste. Ce n’était sans doute pas difficile dans la mesure où doit y transparaître mon fameux optimisme, j’y reviendrai. Je ne crois pas être si optimiste, mais en effet il me semble utile de prendre le contre-pied d’un certain pessimisme. Dans sa « note à propos du résultat des élections européennes en France », Pierre Salvaing estimait que « la classe ouvrière a été considérablement affaiblie tant quantitativement que qualitativement, au niveau de sa conscience de classe ». Dans « éléments de discussion », il précise que « quand j’écris classe ouvrière, je n’écris pas prolétariat, catégorie plus large qui englobe la classe productrice de valeur et de plus-value ».

Il est sans doute utile de revenir sur ces termes. La classe ouvrière serait celle qui produit valeur et plus-value, le prolétariat aurait un sens plus large et l’engloberait. Implicitement, nous avons sans doute ici l’idée que le sujet révolutionnaire efficace devant être celui qui produit valeur et plus-value, est constitué par la seule classe ouvrière. Sans prétendre que telles sont les représentations de Pierre Salvaing, cette idée est souvent associée à des images, celles de l’ouvrier d’usine. A partir de là, il est commun de constater que ce type de l’ouvrier, réputé organisé et conscient, a régressé, tout du moins dans les pays anciennement industrialisés, et que le monde présent comporte un plus grand nombre, par exemple, d’ouvrières surexploitées dans les sweat-shops, de la frontière nord-mexicaine au Bangladesh. En France par contre, cette véritable classe ouvrière s’est raréfiée, bien qu’à la vérité l’ouvrier d’usine existe toujours, appelé par exemple opérateur, voir Stéphane Beaud et Michel Pialoux sur les usines Peugeot Société Anonyme (PSA), et un prolétariat plus vaste et mal délimité l’entourerait, avec sa conscience de classe bien plus faible.

Les Gilets Jaunes auraient manifesté cela, un mouvement de prolétaires, certes, et sur ce point je suis d’accord avec Pierre Salvaing par opposition par exemple au Parti Ouvrier Indépendant Démocratique (POID) qui a théorisé le fait que c’était un mouvement petit-bourgeois, dirigé par la petite-bourgeoisie, plus ou moins fascistoïde, mais d’une partie seulement du prolétariat, impuissant et peu conscient même si combatif, mal délimité du lumpen et de la petite-bourgeoisie paupérisée, donc un rassemblement hétérogène et surtout incapable d’entraîner la vraie classe ouvrière qui, bien qu’affaiblie dans sa quantité et dans sa qualité, semble demeurer le critère ultime pour jauger des perspectives d’un mouvement, est-elle là ou bien n’y est-elle pas ? Elle n’y était pas, donc tout cela pèse peu. Je résume, en la caricaturant sans doute, la position de Pierre Salvaing, qui n’est pas seulement la sienne mais qui est tout à fait commune parmi les militants formés dans le cadre politique et syndical de cette fameuse classe ouvrière consciente et organisée d’antan en voie de rétrécissement et d’avachissement.

Ce distinguo entre, d’une part, producteurs réels des marchandises capitalistes porteuses de la valeur et de la plus-value et, d’autre part, les autres travailleurs exploités est bien réel, mais il est fondé du point de vue du capital. Et encore, du point de vue du capital en général, non pas de tel ou tel capital particulier auquel indiffère le fait de savoir si la source de sa valorisation est un travail productif ou improductif de valeur et de plus-value, c’est-à-dire de savoir si l’exploitation de ses salariés contribue directement à la création sociale de valeur et de survaleur, ou si elle ne fait que lui donner un droit de tirage sur celle-ci au prorata de sa grandeur de capital rapportée au taux général de profit.

Du point de vue des travailleurs, il importe assez peu de savoir s’ils produisent directement valeur et plus-value ou non. Le rapport social décisif pour eux est la contrainte salariale et l’obligation de vendre leur force de travail pour vivre et exister socialement. Cette contrainte définit le prolétariat. La condition prolétarienne ne se réduit pas à la condition ouvrière. Les salariés des secteurs tels que la distribution, le tertiaire en général et les employés de l’état y compris contribuant à la reproduction de la force de travail et à la production des conditions générales de production du capital, ne créent certes pas de valeur et de plus-value, sauf que, s’ils cessaient de fonctionner pour le capital, cette création serait tarie.

Il devient d’ailleurs de plus en plus difficile de distinguer, non plus même entre tel et tel secteur économique, mais à l’intérieur même du travail d’un seul et même travailleur, ce qui est productif de valeur et de plus-value et ce qui ne l’est pas mais est néanmoins indispensable à la reproduction et à la circulation accélérée de celles-ci, donc à l’accumulation du capital. Déjà la grande industrie du temps de Karl Marx faisait du simple ouvrier un appendice du processus effectif de travail constitué par le capital constant, le système des machines, bien qu’appendice indispensable, contradictoirement, à ce mode de production là. Ceci s’est accentué avec l’informatisation, la mise en réseau et les économies d’échelle. Dans quelle mesure un informaticien, un agent de maintenance ou une femme de ménage, sont-ils productifs ou non de valeur et de survaleur ? Du propre point de vue socialement dominant, du point de vue du capital donc, le travail humain en général, non seulement dans l’industrie, l’agriculture, les mines, la pêche et les transports, mais dans la sphère devenue plus large de la circulation, de la gestion, des faux frais improductifs et de la reproduction sociale, est envisagé comme un coût qu’il faut toujours diminuer en l’exploitant toujours plus.

La distinction entre le prolétariat et la classe ouvrière me paraît, au surplus, peu opératoire chez Karl Marx. Rappelons que, lorsqu’il se saisit de la catégorie de prolétariat, dans l’essai sur la philosophie du droit de Friedrich Hegel à la fin de l’année 1843, ce n’est même pas une classe, mais le résidu de toutes les anciennes classes, devenant la condition humaine de base en tant que dernier degré non pas tant de l’exploitation que de l’aliénation, ou privation de toute capacité d’existence autonome. D’une certaine façon, nous en arrivons aujourd’hui, à l’échelle mondiale, à une telle situation. Le premier livre du Capital envisage le prolétariat comme un tout, qui comporte aussi bien les ouvriers d’usine que l’armée de réserve, même si dans celle-ci certaines couches ne peuvent plus devenir productrices de capital.

Ces considérations ont, à mon avis, une forte importance politique. Car elles induisent qu’il n’y a aucune raison autre que la prise en compte de telle ou telle donnée historique plus ou moins contingente, aucune raison de fond ou aucune raison structurelle ni aucune raison existentielle, à ce que des secteurs du prolétariat non industriel, non classe ouvrière classique, y compris des secteurs qui n’arrivent pas, situation croissante, à vendre leur force de travail, d’où émergent des masses ubérisées et des sphères économiques informelles où circulent les miettes et les rebuts, il n’y a donc aucune raison fondamentale à ce que ces larges secteurs soient qualitativement, en matière de conscience de classe, moins affinés que la dite classe ouvrière classique.

Il peut y avoir des données historiques, disais-je, à savoir que les organisations ouvrières anciennes se sont moins intéressées à elles, voire les ont laissées de côté et rejetées, quitte à les voir surgir avec angoisse quand les unskilled labourers, ces masses de femmes, de déqualifiés, de migrants, de déshérités et de précaires, surgissent et veulent entrer dans les organisations, parfois, ou forment leurs propres organisations, d’autres fois, cas de plus en plus fréquent peut-être.

L’irruption des Gilets Jaunes le 17 novembre 2018 est, avec des particularités bien entendu, un tel cas de surgissement qui ne se dirige absolument pas vers les partis politiques issus du mouvement ouvrier et les refuse explicitement et qui ignore au départ les syndicats, sans forcément les rejeter, beaucoup d’évolutions s’étant produites à cet égard dans les semaines qui ont suivi. En outre, la part importante de pénétration de l’extrême-droite, de thèmes complotistes et, au début, de secteurs organisés de la petite bourgeoisie, mais très vite les organisations de petits patrons ont appelé à arrêter cela, a montré à quel danger de déviations réactionnaires la politique des directions syndicales et politiques issues du passé expose même les mouvements prolétariens. Ces aspects, de Philippe Martinez à Daniel Gluckstein, ont été saisis et surexposés pour isoler et calomnier ce mouvement de prolétaires, Philippe Martinez, étant à la tête de la principale organisation ouvrière existante dans ce pays, a dû, à cet égard, mettre par la suite plus d’eau dans son vin que Daniel Gluckstein. Mais justement, ces aspects n’ont pas eu le dessus. Par son mouvement propre, et bien malgré les dirigeants politiques et syndicaux qui les dénonçaient et les isolaient, contribuant ainsi à les livrer à ces dérives, le mouvement des Gilets Jaunes s’est développé d’une manière typiquement prolétarienne, je parle ici des semaines explosives du mois de novembre et du mois de décembre 2018.

Contrairement à une idée répandue, il a posé la question de la grève. Pas ouvertement dans son expression nationale qui soit n’existait pas, soit était attribuée médiatiquement à des individus confus. Mais dans les faits, sur les ronds-points se discutait partout le blocage du pays en arrêtant la production pour le Lundi 10 Décembre 2018. Il y aurait d’ailleurs lieu de réfléchir sur le fait que le regroupement sur un rond-point d’ouvriers et de quelques petits patrons proches d’eux, leur présence secondaire n’a pas toujours été une pression politique réactionnaire, d’une zone d’activité périurbaine était le substitut à la grève, non seulement parce que les syndicats sont peu présents parmi eux, mais aussi parce que les fédérations syndicales du privé ne travaillent guère sur les moyens de les réunir, et que la grève dans une seule Très Petite Entreprise (TPE) peut n’avoir guère de sens autre que de la faire fermer. Du coup tous se retrouver, de manière improvisée et spontanée au départ, sur un rond-point ou un parking, était la manière, non exprimée consciemment, de faire leur unité d’action.

De plus, les grèves dans les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ainsi que dans le secteur médico-social, qui ont de fait nourri ce mouvement, ont été à leur tour nourries par lui et elles ont connu une recrudescence au mois de décembre 2018, janvier et février 2019, prolongée dans les luttes actuelles du secteur de la santé, arrachant au passage des primes et des hausses limitées, mais moralement significatives, de salaires, dans de nombreuses entreprises et sites de production.

Plus encore, si ces faits se sont produits, c’est en raison du processus politique rapide de montée à Paris et de marche sur l’Élysée, visant à affronter le pouvoir exécutif directement avec l’idée confuse de le renverser et de le remplacer, culminant dans les émeutes parisiennes du Samedi 8 Décembre 2018. Ce que les Gilets Jaunes faisaient là, sans doute sans espoir réel d’y arriver et de déjeuner dans les ruines fumantes de l’Élysée, correspondait de fait à ce que les directions syndicales ont évité lors de tous les grands mouvements de lutte de classe des trois dernières décennies, en 1995, en 2003, en 2006, en 2010 et en 2016 notamment, la centralisation contre le pouvoir d’état au plus haut niveau.

Même si à la fin du mois de décembre 2018, la jeunesse commençait à entrer en mouvement, les manifestations pour le climat ont à leur tour pris la suite de ce bref épisode, quelques mois plus tard, cette mobilisation explosive de secteurs prolétariens jusque-là non organisés ou peu organisés, n’a pas débouché sur une grève générale, d’une part parce qu’un tel objectif demeurait très confus et inexprimé parmi ses participants, d’autre part et surtout parce que les directions syndicales ont d’abord agi pour l’isoler puis, ne pouvant s’y opposer frontalement, même si la thématique selon laquelle « ce sont des fascistes » a fait bien du mal, faisant au surplus le jeu des fascistes authentiques, ont appelé à des journées d’action fixées très longtemps à l’avance au moment même où, littéralement, le pays flambait. Néanmoins cette explosion prolétarienne, d’autant plus forte et en même temps d’autant plus confuse qu’elle avait secoué un couvercle qui étouffait ses participants depuis longtemps, a affaibli le pouvoir exécutif, posé les questions politiques de fond, dessiné la perspective de la grève tous ensemble et, plus nettement encore et c’est là le plus important, de la montée tous ensemble contre l’exécutif.

Ce n’est pas rien. Et c’est pour cela que j’ai, nous en avons discuté à APLS, évité de parler de crise révolutionnaire à l’instar de la caractérisation fréquente des événements du mois de mai 1968, mais j’ai choisi d’employer l’expression de crise prérévolutionnaire pour marquer le fait que des secteurs massifs se sont spontanément embrasés et ont tenté, à leur façon et confusion, de monter à l’assaut du ciel.

Une telle expression ne signifie pas que l’on est un optimiste endiablé en train de sauter sur sa chaise comme un cabri. Elle n’induit pas que, après le moment prérévolutionnaire, la révolution doit nécessairement s’ensuivre. Elle n’oublie pas par exemple que, après la crise prérévolutionnaire des occupations d’usines en Italie du Nord en 1920, mais limitée, elle, à la bonne vieille classe ouvrière, les larges masses de l’Italie du Sud et de l’agriculture de l’Italie du Nord ayant été maintenues en dehors de la lutte par leurs organisations, c’est la contre-révolution fasciste, la vraie, qui est arrivée. Cette caractérisation raterait son but si elle ne servait qu’à s’enthousiasmer, ou inversement à être dénigrée comme optimisme excessif. Elle n’a d’utilité que pour mesurer le degré de crise de l’état bourgeois en France conjugué à la recherche, jusque-là impuissante mais non sans expériences ni conséquences, de l’affrontement central par de larges couches du prolétariat.

En matière de conscience, le gilet jaune, disons par exemple une jeune femme travailleuse précaire, qui découvre et constitue en même temps un collectif social, où l’on discute et lutte, la discussion ne consistant pas en débats standardisés dans des assemblées générales ni de réunions syndicales, mais en sujets individuels qui se racontent, se découvrent et par là même se grandissent et prennent plus de confiance, première étape qui a dû se produire aux origines du mouvement ouvrier et des soviets, qui n’a jamais voté, qui fait connaissance avec les syndicats, qui veut aller chercher Emmanuel Macron et qui, lorsqu’on lui demande qui aura le pouvoir une fois Emmanuel Macron chassé, répond « nous », cette jeune femme gilet jaune a-t-elle une conscience de classe de qualité supérieure ou inférieure à celle du métallurgiste syndiqué depuis quarante ans, préretraité, qui a toujours voté et qui connaît, lui, l’Internationale et le drapeau rouge, sans compter quelques croyances étranges sur l’ancienne union soviétique et autres dont notre jeune femme gilet jaune n’a guère entendue parler, ou bien à celle du fonctionnaire syndicaliste tranquille sur sa situation sociale mais inquiet de celle de ses enfants, consciencieux, connaissant histoire et références, très inquiet du complotisme des Gilets Jaunes, se demandant dans son sommeil troublé s’il a bien fait ou non de voter pour Emmanuel Macron au second tour en 2017 ?

S’il serait tout à fait erroné de s’imaginer qu’une conscience révolutionnaire de qualité supérieure apparaîtrait dans les rangs que fréquente notre jeune femme gilet jaune et illusoire d’oublier sa volatilité, illustrée par exemple dans la manière dont les lettres magiques du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) ont pris une place hypertrophiée une fois qu’avait été faite la démonstration de la volonté de prise de l’Élysée, mais sans l’avoir pris, il n’est pas moins erroné et illusoire de cultiver l’idée d’une vertu supérieure que porterait en elle la classe ouvrière normale et classique. Et, dans le moment historique précis de la crise pré-révolutionnaire du mois de novembre et du mois de décembre 2018, ce sont bien les prolétaires confus en Gilets Jaunes qui, dans l’action, et par conséquent aussi au point de vue de l’organisation, à ce moment là, étaient les plus avancés.

Il n’y a strictement rien dans cette analyse qui contredise le fait que, comme l’écrit Pierre Salvaing et nous en sommes d’accord, « les limites de la spontanéité seront trouvées et la recherche d’une clarification théorique et politique rendue visible à un plus grand nombre ». Non seulement ces limites ont été trouvées, mais elles se sont heurtées, d’une manière d’ailleurs assez similaire au final à celles des mouvements de la classe ouvrière classique, à la politique des directions syndicales et des appareils hérités de l’histoire du siècle passé, aussi bien que des produits politiques nouveaux prétendant tout dépasser, comme par exemple le Mouvement de la France Insoumise (MFI).

Pierre Salvaing ajoute que « cela ne signifie pas, bien entendu, que d’autres mouvements, plus partiels, ne continuent à éclater et à se développer dans la classe ouvrière et le prolétariat, comme ceux que pointe notamment Vincent Présumey ». Il s’agit en l’occurrence du mouvement dit des urgences et de l’affrontement d’une petite partie des enseignants, mais adossée à la majorité du corps enseignant, contre Jean Michel Blanquer et le gouvernement au moment du baccalauréat. J’ai un peu l’impression que Pierre Salvaing veut dire ici qu’il y a bien entendu toujours des luttes, mais qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Je ne suis pas d’accord avec cette manière de saisir les choses. La lutte des classes vivante est faite d’événements et, en ce sens, il y a toujours du nouveau. Les urgences et les professeurs intègrent, à mon avis, ou, si l’on veut nuancer, cherchent à intégrer et à reprendre, la dimension d’affrontement central contre le pouvoir qui a été affirmée, justement, lors de la crise pré-révolutionnaire du mois de novembre et du mois de décembre 2018. De plus, ces mouvements cherchent à reprendre ceci par-dessus le recul apporté par les élections européennes, qui avaient cette fonction.

Il arrive à tout le monde d’être trop enthousiaste ou pas assez, selon les moments. Mais je crois que ce qui est pris, me concernant, pour de l’optimisme, consiste plutôt dans la méthode consistant à essayer, toujours, de dégager dans une situation les éléments sur lesquels s’appuyer pour aller de l’avant en proposant de construire et de regrouper sur une perspective politique conduisant à un affrontement central. C’est une vieille méthode, nous le savons, on pourrait prodiguer ici forces citations, de Vladimir Lénine, de Léon Trotsky et de Rosa Luxembourg, je m’en dispenserai. Elle n’ignore pas que nous sommes dans le vide concernant le parti, l’instrument politique collectif pour représenter le mouvement réel et lui permettre ainsi d’aller vers ce qu’il cherche, pensons-nous. Je ne vois pas comment procéder autrement pour contribuer ensemble à apporter une solution à ce problème.

Le simple constat répété du vide sidéral et de ce que, aussi puissants seront les mouvements existants, ils n’aboutiront à rien et ne serviront à rien tant que le vide ne sera pas comblé, est peut-être un point de passage psychologique obligé parfois, mais il risque plus de couper les jambes que d’entreprendre ce qui est, certes, un travail de Sisyphe, mais qui a tout le réel sur lequel prendre appui.

A propos de psychologie, une dernière remarque, Pierre Salvaing dessine une explication de ce qu’il prend pour mon optimisme en disant qu’il est « difficile d’accepter une situation nouvelle quand on doit une grande partie de son expérience à une autre situation, qui fut bien plus favorable ».

Il est politiquement intéressant de dire que cette explication socio-psychologique ne correspond pas à mon vécu personnel, comme on dit. J’ai en effet formé mon expérience dans une autre période qu’aujourd’hui, celle comprise entre la grève générale du mois de mai 1968 et la chute de l’union soviétique, en gros. Mais les issues me semblaient bouchées, peut-être parce que je ne suis pas de la génération immédiate du mois de mai 1968, mais d’un peu plus tard, la génération de 1978 en fait, pour faire référence à une date dont Pierre Salvaing souligne à juste titre la signification, bouchées par le stalinisme et la social-démocratie. L’union soviétique n’a pas été pour moi une perte. D’autre part, je ne crois pas, et c’est dommage, que le stalinisme soit mort avec elle. Donc je ne crois pas vivre une difficulté à accepter une situation nouvelle succédant à une autre qui lui aurait été de loin préférable, alors que cette dernière a de toute façon engendré la situation présente. Et je crois qu’il faut aussi prendre garde à la nostalgie, nostalgie des événements du mois de mai 1968, cela, on peut l’approuver, mais aussi, non pas seulement nostalgie de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) et de l’extrême-gauche d’antan, un monde de fous, pourtant, à certains égards, mais nostalgie de la bonne vieille classe bien encadrée par de puissants appareils et d’un monde clairement partagé entre des camps géostratégiques dont l’un était, illusoirement, censé être plus avancé sur la voie du progrès. Ce monde n’est plus et, franchement, en 2019 le mort n’a jusque-là que trop saisi le vif. C’est aussi cela la leçon des révolutions arabes et de celle qui arrive en Algérie et au Soudan.

Et cette bonne vieille classe ouvrière avec sa conscience qui la faisait répondre en rangs serrés aux appels de ses dirigeants n’est plus, elle non plus. Est-ce une perte ?

De toute façon, nous sommes dans ce monde réel qui brûle, à tous les sens du terme. Un monde où il y a le prolétariat, majorité de l’humanité à présent, contraint à lutter. Misons là-dessus. Ce n’est pas de l’optimisme. Pour la survie, nous n’avons pas le choix.

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