TEMOIGNAGE DE LA PLACE DE LA CONTRESCARPE
Vous trouverez ci dessous la première partie d'un long message de témoignage des événements de la Place de la Contrescarpe du premier mai 2018. Vous trouverez la totalité du message si vous consultez le site Paris Luttes Info à l'adresse ci dessous.
Bernard Fischer
https://paris-luttes.info/comment-la-pref-gonfle-les-10369
TEMOIGNAGE DE LA PLACE DE LA CONTRESCARPE
Comment la préfecture gonfle les chiffres des interpellations, réponse à travers un témoignage personnel.
Interpellé lors d’un rassemblement pacifiste, un apéritif post-manifestation, sur la place de la Contrescarpe, dans le Quartier Latin, je fais partie de ce chiffre, deux cent soixante seize interpellations lors des manifestations du premier mai 2018.
« Premier mai 2018, cent neuf personnes en Garde A Vue (GAV) après les violences en marge du cortège parisien. La manifestation a changé de tournure, bloquée par mille deux cent Black Blocs. Deux cent soixante-seize personnes ont été arrêtées en marge du défilé. Le premier ministre Edouard Philippe avait également condamné les violences et salué le professionnalisme des forces de l’ordre qui ont selon lui su répondre avec maîtrise à des actes d’une grande violence », c'est une citation du Monde.
Je reviens sur ce moment, après quelques semaines de recul, car il me paraît significatif de notre époque, de notre société et de cette importance du chiffre, dans ce monde financier, médiatique et politique, ces chiffres qui ne correspondent plus à rien, mise à part à de la communication.
Je pense aussi aux cent deux personnes interpellées, suite à l’occupation du lycée François Arago à Paris. Ces interpellations multiples et de plus en plus fréquentes doivent être expliquées.
Nous, les interpellés, n’étions pas les seuls à ne pas comprendre cette situation, les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) qui nous accompagnaient, eux-mêmes, reconnaissaient l’absurdité de la situation qu’ils étaient en train de créer, « nous ne faisons qu’exécuter, de toute façon, quand je vous vois, je sais très bien que vous n’êtes pas les casseurs ».
Nous savons bien que la police et l’armée ne sont pas formées pour comprendre mais pour exécuter. Nous, nous devons de comprendre.
Lors de la manifestation du premier mai 2018, l’intervention policière a été démesurée et dangereuse. Des centaines de gaz lacrymogène ont été jetés sur une foule compacte qui s’est retrouvée écrasé contre la grille du parc du Jardin des Plantes. Nous décidons, alors, de nous extirper de la foule pour rejoindre l’apéritif post-manifestation, appel pacifiste diffusé sur le site Paris Luttes Info, « puisque le premier mai sera aussi l’occasion de fêter dûment le cinquantenaire du mois de mai 1968, il serait judicieux de se retrouver dans le Quartier Latin. C’est pourquoi nous proposons de passer un moment convivial en partageant un apéritif sur la place de la Contrescarpe, à la fin de la manifestation, vers 18 heures ».
Nous arrivons sur la place vers 17 heures 30. Nous avons donc des bières et des chips, nous partageons nos différentes expériences sur le fiasco de cette manifestation. Il y a donc des manifestants, des touristes, des habitants et des passants. Nous étions une petite centaine, rassemblée sur cette place, assis par terre, autour de la fontaine.
Petit à petit, nous voyons le nombre de CRS augmenter. Ils sont très nombreux, bien plus nombreux que nous, je dirai cent cinquante environ. Ils encerclent entièrement la place, comme une belle ronde bleue autour de nous.
Nous restons là, un peu surpris, pourquoi cette ronde nous encercle, nous n’avons rien fait, rien à nous reprocher, nous ne voulons pas avoir peur, nous ne voulons pas nous écraser, nous restons là, en discutant, nous tentons d’en rire encore un peu et nous chantons « nasse is nice ». Maintenant, nous sommes une soixantaine dans la nasse. Tel un spectacle de rue, les touristes attablés aux terrasses observent, intrigués, l’opération qui débute.
Un par un, chacun est attrapé, fouillé et humilié publiquement, les CRS comme les manifestants. Je dirai même que c’est une France humiliée qui s’offre aux regards interrogés de nombreux touristes, la patrie des droits de l’homme, ce pays qui se permet tant de remarques aux autres pays.
J’entends une fille dire que « jamais je me ferai toucher pas des flics, je n’ai rien à me reprocher et je ne vois pas pourquoi je dois me faire palper devant tout le monde ». Évidemment, elle n’y coupera pas et elle fera partie de la cinquantaine d’interpellés pour rien.
Le moindre élément est un bon prétexte pour être embarqué, des gants, un casque de vélo noir, pas de pièce d’identité, un peu de contestation ou bien des tracts. Nous sommes une cinquantaine à vivre ce moment, des étudiants, des touristes italiens, un professeur d’université et des habitants du quartier. Nous nous demandons ce qu’ils vont faire de nous et nous continuons de prendre cette situation à la rigolade. Cette scène est absurde. Nous sommes ensuite escortés par une bonne centaine de CRS vers le Panthéon. La scène fait forcément réagir, nous entendons « libérez nos camarades ».