http://www.liberation.fr/planete/2017/07/18/le-trumpcare-ne-passe-pas-au-senat-americain_1584595
Le Trumpcare ne passe pas au sénat américain
Deux nouveaux sénateurs républicains ont annoncé qu'ils voteront contre la réforme de l'assurance santé voulue par le président américain. Le Trumpcare a du plomb dans l'aile.
Mitch Mac Connell n'a pas réussi à résoudre son rubik's cube. Le leader de la majorité républicaine au sénat des Etats Unis avait comparé au célèbre casse-tête multicolore la négociation pour tenter de mettre d'accord la majorité républicaine de la chambre haute sur la réforme de la santé. Déjà mal engagé, le vote de ce texte, surnommé le Trumpcare, a été condamné, au moins temporairement, par la défection de deux sénateurs républicains supplémentaires, Lundi 17 Juillet 2017, Mike Lee, sénateur républicain de l'Utah, et Jerry Moran, sénateur républicain du Kansas. C'est un gros revers pour le président Donald Trump qui avait promis, pendant toute la campagne, d'abroger l'Obamacare, la réforme de l'assurance santé de son prédécesseur, dès le premier jour de sa présidence.
Pour voter ce texte, le camp républicain avait en effet besoin de la majorité, soit au moins cinquante voix sur les cinquante deux sièges qu'il possède au sénat, plus celle du vice-président Mike Pence pour faire pencher la balance en cas d'égalité. Or, avant même les déclarations du Lundi 17 Juillet 2017, deux autres sénateurs du Great Old Party (GOP) avaient déjà annoncé qu'ils s'opposaient à l'examen même du texte, Susan Collins, sénatrice républicaine du Maine, et Rand Paul, sénateur républicain du Kentucky. Le vote de la loi, qui devait avoir lieu ces jours-ci, a été annulé. Lundi 17 Juillet 2017, Mitch Mac Connell a reconnu son échec par un curieux euphémisme, « l'effort pour abroger et remplacer l'Obamacare et ses défaillances ne sera pas couronné de succès ».
De son vrai nom « Better Care Reconciliation Act », la proposition de loi républicaine avait été votée, difficilement déjà, à la chambre des représentants au mois de mai 2017. Promesse de campagne de Donald Trump et cheval de bataille des républicains depuis près de sept ans, elle devait abroger et remplacer l'Affordable Care Act (ACA).
Cette réforme emblématique de la présidence de Barack Obama avait permis à vingt millions d'américains, auparavant sans aucune protection sociale, de souscrire une assurance santé.
L'Obamacare avait conduit à deux changements majeurs. C'était d'abord l'interdiction aux assureurs privés de faire payer plus cher, voire de refuser de couvrir des américains avec des antécédents médicaux, les pre-existing conditions, les cancers, l'hypertension et la dépression, ce qui était l'usage, laissant des millions d'individus sans assurance santé. L'ACA avait également permis d'étendre Medicaid aux américains juste au-dessus du seuil de pauvreté. Ce programme, cofinancé par l'état fédéral et les états, fournit aujourd'hui une assurance maladie à plus de soixante dix millions d'américains, individus et familles, aux faibles revenus.
Si seulement quatre sénateurs républicains ont affiché ouvertement leur opposition au texte, de nombreux autres ont exprimé, au moins, leur malaise. A l’instar de John Mac Cain, sénateur républicain de l'Arizona, dont la convalescence, il s’est fait opérer Vendredi 14 Juillet 2017 d’un caillot sanguin, avait déjà repoussé l’examen du Trumpcare.
Le camp républicain a désormais deux solutions. Soit réécrire une énième version du texte, ce qui semble fortement compromis au vu des tiraillements internes. Soit tenter une réforme a minima pour corriger les défauts de l'Obamacare, qui pourrait éventuellement remporter des voix démocrates. Donald Trump, lui, a passé ses nerfs sur Twitter, comme à son habitude, « les républicains devraient simplement abroger cette faillite de l'Obamacare dès maintenant et travailler à une nouvelle loi santé qui partirait d'une page blanche. Les démocrates seraient avec nous ».
Le leader de la majorité républicaine au sénat a également proposé d'abroger purement et simplement l’ACA. Une mesure qui n’a quasiment aucune chance de passer, tant elle laisserait des millions d'américains sans couverture santé et les marchés des assurances dans la tourmente.
Les raisons de l'opposition des républicains au texte de Mitch Mac Connell sont très diverses. Pour les plus conservateurs d'entre eux, qui considèrent que l'état fédéral n'a pas à interférer dans les affaires des états et que le coût des subventions pour financer les assurances est trop élevé, le Trumpcare ne va pas assez loin. Pour d'autres, il s'agit de corriger les variations des montants des franchises pour les assurés, notamment ceux des classes moyennes. Les républicains plus modérés, eux, sont surtout effrayés par la baisse drastique des financements consacrés à Medicaid, qui laisserait des millions d'américains sans protection santé. Selon les estimations du Congressional Budget Office (CBO), une agence indépendante qui mesure les impacts des textes en discussion au congrès, le Trumpcare conduirait à une coupe franche de sept cent soixante douze milliards de dollars pour Medicaid d'ici 2026, soit la perte de leur couverture santé pour au moins quatorze millions d'américains.
L'Obamacare n'échappe pourtant pas à la critique. Les républicains qui refusent de donner leur voix au Trumpcare ne s'opposent pas, loin de là, à une réforme en profondeur de l'héritage du précédent président américain. « Les critiques se sont majoritairement portées sur la volatilité du marché des assurances pour la santé », décrypte Matthew Fiedler, chercheur au Center for Health Policy de la Brookings Institution, think tank basé à Washington District of Columbia, et ancien membre du conseil économique de la précédente administration.
« Avec les plans plus généreux créés par l’ACA, permettant à beaucoup plus d’américains d’être couverts, le prix des franchises s’est retrouvé plus élevé pour certaines catégories de personnes qui l'ont légitimement mal vécu. En parallèle, les assureurs, qui manquaient de visibilité à l'époque, ont établi des franchises trop basses. Leur réévaluation à la hausse était inévitable et forcément désagréable », reconnaît cet économiste de la santé qui a conseillé Barack Obama à la Maison Blanche, « mais les républicains se sont servi de cette agitation des marchés de l’assurance pour nourrir leur critique, qui est avant tout idéologique, par principe, ils n’aiment pas l’idée que l’état fédéral soit aussi intrusif dans la gestion des états ».
Figure de la droite du parti républicain, Ted Cruz avait réussi, la semaine dernière, à imposer un amendement qui a contribué à creuser encore plus profondément le fossé entre les deux extrêmes du parti.
Le sénateur du Texas, tête de gondole du mouvement ultra conservateur Tea Party, propose en effet de permettre aux assureurs d'offrir des plans low cost, en parallèle à d'autres qui conserveraient les obligations de l'ACA. « Une telle mesure conduirait forcément les américains les plus jeunes ou en bonne santé à aller vers les plans moins chers », déplore Matthew Fiedler, « cela créerait de fait deux marchés d'assurance en parallèle et cela ferait mécaniquement grimper le prix des franchises pour ceux qui ont le plus besoin d'une assurance santé ».
La décision des deux sénateurs républicains, Lundi 17 Juillet 2017, est intervenue après une intense journée de mobilisation des sénateurs contre Donald Trump pour défendre l’Obamacare dans tout le pays.
« Les débats autour du démantèlement de l'ACA ont permis de mieux faire comprendre les acquis de cette réforme », affirme, réjoui, Matthew Fiedler, « l’ironie dans tout cela est que plus les républicains veulent l'abroger, plus l’Obamacare devient populaire auprès des américains ».