Audition cruciale pour Brett Kavanaugh devant une commission du sénat des Etats Unis (Reuters)
Christine Blasey Ford a raconté en détail Jeudi 27 Septembre 2018 devant la commission des affaires judiciaires du sénat à Washington l'agression sexuelle dont elle dit avoir été victime de la part de Brett Kavanaugh, candidat choisi par Donald Trump pour siéger à la cour suprême.
Ses déclarations pourraient déterminer si le juge conservateur désigné au mois de juillet 2018 par le président américain sera ou non confirmé à son poste. Brett Kavanaugh témoignera à la suite de son accusatrice. Un vote de confirmation de la commission est attendu Vendredi 28 Septembre 2018.
L'enjeu est de taille car les juges de la cour suprême sont nommés à vie et l'arrivée de Brett Kavanaugh pourrait faire pencher encore plus à droite cette instance essentielle pour l'orientation sociétale des Etats-Unis et déjà majoritairement conservatrice.
L'affaire passionne les américains et accentue la polarisation politique du pays. Elle intervient en outre dans le contexte prégnant du mouvement né il y a pratiquement un an des premières accusations contre le producteur hollywoodien Harvey Weinstein.
L'audience, retransmise en direct à la télévision, a commencé Jeudi 27 Septembre 2018 à 10 heures du matin.
Christine Blasey Ford, qui n'était jamais apparue en public auparavant, s'est assise en face des sénateurs, souriant nerveusement, entourée de ses avocats.
« Je suis ici aujourd'hui non parce que je le veux. Je suis terrorisée. Je suis ici parce que je crois qu'il est de mon devoir civique de vous dire ce qui s'est produit lorsque Brett Kavanaugh et moi étions au lycée », a déclaré Christine Blasey Ford, la voix brisée par l'émotion.
Elle a ensuite refait le récit de son agression devant les sénateurs, affirmant que Brett Kavanaugh l'avait agressée et qu’il avait cherché à la dévêtir lors d'une fête, alors qu'ils étaient tous deux lycéens dans le Maryland, en 1982. Brett Kavanaugh avait dix sept ans et Christine Blasey Ford avait quinze ans.
« Brett Kavanaugh m'a tripotée et a cherché à enlever mes habits. Il avait du mal parce qu'il était très saoul et parce que je portais un maillot de bain à une pièce sous mes vêtements. J'ai cru qu'il allait me violer. J'ai essayé de crier à l'aide », a dit Christine Blasey Ford, ajoutant que Brett Kavanaugh et un ami à lui riaient comme des ivrognes pendant l'agression. Elle a ajouté que Brett Kavanaugh lui avait plaqué sa main sur la bouche pour l'empêcher de crier.
Au sénateur démocrate Richard Durbin lui demandant plus tard d'estimer avec quel degré de certitude elle était persuadé que son agresseur était Brett Kavanaugh, elle a répondu qu’elle était certaine à cent pour cent.
A l'ouverture de l'audience, le président de la commission judiciaire, le républicain Chuck Grassley, avait souhaité que l'audition soit confortable et digne pour les deux témoins.
Le magistrat, qui dément les accusations de Christine Blasey Ford et qui est visé par d'autres femmes, également pour agressions sexuelles, ne devait pas assister à la déposition de Christine Blasey Ford.
Chuck Grassley a critiqué le cirque médiatique autour de l'affaire et les derniers jours vécus par ses deux protagonistes.
« Ce qu'ils ont enduré doit être considéré par nous tous comme inacceptable et comme un pauvre reflet de l'état de civilité dans notre démocratie », a déclaré le sénateur de l'Iowa, « je veux donc vous présenter mes excuses à tous les deux pour la manière dont vous avez été traités ».
S'exprimant après Chuck Grassley, Dianne Feinstein, la démocrate de plus haut rang de la commission, a remercié Christine Blasey Ford de venir témoigner, regrettant également que le Federal Bureau of Investigation (FBI) n'ait pas enquêté sur toutes les allégations contre Brett Kavanaugh.
La majorité républicaine de la commission judiciaire, composée uniquement d'hommes, a demandé à Rachel Mitchell, une procureure spécialisée dans les délits à caractère sexuel, d'interroger Christine Blasey Ford.
« La première chose qui m'a frappée dans vos déclarations est que vous étiez terrorisée. Et je veux juste vous faire savoir que j'en suis très désolée. Ce n'est pas juste », a déclaré Rachel Mitchell. Les sénateurs démocrates ont choisi eux de poser eux-mêmes leurs propres questions.
Le chef de la minorité démocrate au sénat, Chuck Schumer, et l'ensemble des démocrates siégeant à la commission judiciaire ont appelé Brett Kavanaugh à renoncer à la cour suprême, à la lumière des accusations lancées contre lui par quatre femmes.
La commission judiciaire doit procéder Vendredi 28 Septembre 2018 à un vote de confirmation et, si Brett Kavanaugh franchit avec succès cette étape, le sénat se prononcera en séance plénière en début de semaine prochaine.
Les nominations à la cour suprême doivent impérativement être confirmées par le sénat et les républicains ne contrôlent que cinquante et un des cent sièges du sénat, si bien qu'il suffirait de deux défections dans les rangs du parti républicain pour faire échouer Brett Kavanaugh. Or, certains élus républicains modérés n'ont toujours pas fait connaître leur position.
Deux autres femmes, Deborah Ramirez et Julie Swetnick, l'accusent aussi d'agression sexuelle, mais il n'est pas prévu qu'elles témoignent devant le sénat. Enfin, la chaîne National Broadcasting Company (NBC) a annoncé Mercredi 26 Septembre 2018 que la commission judiciaire enquêtait sur une quatrième accusation d'inconduite portée contre Brett Kavanaugh. Le nom de cette quatrième accusatrice n'a pas été divulgué.
Pour Donald Trump, qui a lui aussi été visé par des allégations d'inconduite sexuelle, les accusations portées contre son candidat relèvent d'une arnaque du parti démocrate.
« Je suis une personne indépendante et je ne suis pas un pion », a répondu Christine Blasey Ford en réponse aux accusations de manipulation.