Emmanuel Macron désormais confronté au problème corse (Reuters)
Autonomie, pouvoir législatif, reconnaissance du peuple corse et amnistie des prisonniers politiques, l'écrasante victoire des nationalistes aux élections territoriales du Dimanche 3 Décembre 2017 en Corse oblige Emmanuel Macron à se plonger dans ce dossier difficile.
« Pas de commentaire avant le second tour », répond l’Elysée, Lundi 4 Décembre 2017, au lendemain de ce choc d'une ampleur inattendue.
Mais le deuxième tour du Dimanche 10 Décembre 2017 ne peut que confirmer le succès au premier tour de la liste des nationalistes Pour la Corse, conduite par Gilles Simeoni, avec quarante cinq pour cent des votes exprimés, soit cinquante quatre mille deux cent onze voix, un record.
« Nous souhaitons que Paris accepte enfin d'ouvrir le dialogue avec la Corse », a demandé le président sortant du conseil exécutif de Corse.
« Pour nous, il existe un peuple corse et ce peuple corse doit être reconnu », a-t-il précisé, ajoutant qu'il voulait « construire une solution politique avec le gouvernement ».
Son allié Jean-Guy Talamoni évoque l'indépendance possible de l'île, mais comme un objectif très lointain.
« Si les corses veulent majoritairement l'indépendance, dans dix ans ou dans quinze ans, personne ne pourra s'y opposer », a-t-il expliqué sur France Inter.
Mais les nationalistes qui, dans les quatre années à venir, dirigeront l'assemblée de Corse, institution qui englobera le 2 janvier 2018 l'actuelle collectivité territoriale et les deux conseils départementaux, ont d'autres priorités.
« Nous avons remporté la bataille des idées nationalistes qui ont pénétré la société corse », a dit à Reuters Gilles Simeoni, président de l'exécutif sortant et futur « roi de Corse » qui veut une « autonomie de plein droit et de plein exercice ».
Il dément toute revendication d'indépendance, doctrine politique qui était avancée par la liste nationaliste dissidente Core in Fronte et que les électeurs n'ont pas soutenue, puisqu'elle n'est pas qualifiée pour le second tour.
L'autonomie signifie pour lui l'obtention d'un statut conférant un pouvoir législatif à la Corse tout en conservant à l’état ses prérogatives régaliennes.
Gilles Simeoni remet également sur la table la reconnaissance du peuple corse, formulée par le statut de Pierre Joxe de 1991, mais censurée par le conseil constitutionnel, la construction d'un statut fiscal dérogatoire, l'établissement d'un statut de résident corse pour l'accession à la propriété et l’officialité de la langue corse.
Enfin l'amnistie des prisonniers politiques, condamnés par la justice contre le terrorisme ou en attente de jugement, soit une vingtaine de personnes, est demandée.
Parmi eux, les trois membres du commando qui a tué Claude Erignac, condamnés à perpétuité mais sans peine de sûreté, pour l'assassinat du préfet de Corse en 1998 à Ajaccio.
« Par principe, nous ne devons pas exclure les crimes de sang de cette amnistie, de plus deux d'entre eux sont conditionnables depuis six mois et Yvan Colonna le sera dans trois ans, il faut appliquer le droit », dit Gilles Simeoni.
Ce dernier fut l'un des avocats d'Yvan Colonna, mais il a également été le premier nationaliste, en tant que président de l'exécutif, à participer à la cérémonie annuelle d'hommage au préfet Claude Erignac à Ajaccio.
Pour arriver à être incontournable, l'homme fort des autonomistes a bénéficié d'une forte abstention de quarante huit pour cent des inscrits, mais surtout d'un effondrement des partis classiques qui régnaient sur des baronnies électorales le plus souvent héréditaires.
Il n'aura fallu qu'une année aux nationalistes, à partir de 2014, pour trouver le chemin de l'union, tourner le dos à la violence politique, le Front de Libération Nationale Corse (FLNC) a annoncé sa démilitarisation au mois de juin 2014, et ravir l'assemblée de Corse au sortant Paul Giacobbi.
Ce dernier, élu en 2010 en réunissant la gauche et pressenti un temps ministre par François Hollande, a été condamné par la justice dans une affaire de détournement de fonds publics alors qu'il présidait le conseil général de Haute-Corse.
Lors des élections législatives du mois de juin 2017, les nationalistes, forts de l'union entre indépendantistes et autonomistes, ont d'ailleurs raté de peu le grand chelem dans l'île et ils ont porté trois députés sur quatre à l’assemblée nationale.
Les divisions de la droite ne lui ont pas permis de concurrencer les autonomistes lors de ces territoriales.
Les listes du libéral régionaliste Jean-Martin Mondoloni et de la légitimiste Valérie Bozzi, soutenue par les Républicains, passent en effet péniblement ensemble la barre des trente trois mille voix.
La gauche républicaine n'a pas été représentée puisque la liste Andà per Dumane, conduite par Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio, s'est ralliée à la République En Marche (REM), parti qui ne prend pas dans l'île, malgré les visites pendant la campagne électorale des secrétaires d’état Christophe Castaner et Marlène Schiappa.
Quant au Parti Communiste Français (PCF) et au Mouvement de la France Insoumise (MFI), ils ne siégeront pas dans l'hémicycle pour la première fois depuis 1982, après avoir refusé l'union avec les macronistes, tandis que le Front National disparaît des radars territoriaux.