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10 mai 2022 2 10 /05 /mai /2022 11:48

 

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/07/un-scrutin-historique-pour-toute-l-irlande_6125187_3210.html

 

Un scrutin historique pour toute l’Irlande

Le succès du parti nationaliste irlandais Sinn Fein, lors des élections à l'assemblée locale d’Irlande du Nord, illustre une nouvelle fois l’irresponsabilité des promoteurs du Brexit.

En 1921, les britanniques ont partagé l’île d’Irlande et ils ont tracé les frontières de l’Irlande du Nord de façon à y assurer une majorité protestante et unioniste, c’est-à-dire partisane du maintien au sein de la couronne britannique. Depuis lors, l’exécutif mis en place à Belfast a toujours été contrôlé par un parti unioniste. C’est dire si le qualificatif d’historique n’est pas excessif pour décrire la victoire du Sinn Fein, Jeudi 5 Mai 2022, aux élections à l’assemblée locale d’Irlande du Nord. Depuis sa fondation en 1905, la raison d’être du parti nationaliste irlandais est l’indépendance de la totalité de l’île vis-à-vis de Londres. L’organisation, qui milite de fait pour la dissolution de l’Irlande du Nord, accède au pouvoir dans ladite province.

Ce basculement apparaît d’autant plus inouï qu’il est indirectement lié à un événement souhaité et défendu par l’actuel pouvoir britannique, le Brexit. Le divorce d’avec l’Union Européenne, qui avait été rejeté au référendum de 2016 par cinquante-six pour cent des électeurs nord-irlandais, a enclenché un mouvement d’éloignement de la Grande-Bretagne, marqué par l’essor des échanges entre les deux parties de l’île, au détriment des échanges avec la Grande-Bretagne.

Le séisme est d’autant plus fort que le Sinn Fein a longtemps été la vitrine politique légale de l’Irish Republican Army (IRA), impliquée dans les violences durant les trente années de la guerre civile qui, à partir de 1969, a fait plus de trois mille cinq cent morts. Depuis l’accord de paix de 1998 qui a instauré un partage du pouvoir, l’exécutif local était entre les mains des partis unionistes, le Sinn Fein se contentant du poste au pouvoir équivalent mais moins prestigieux de premier ministre adjoint. La situation inverse va désormais prévaloir.

La victoire électorale du Sinn Fein signe le succès de la mue d’une organisation sulfureuse devenue un parti de gauche mobilisé sur les questions sociales qui a rompu avec son europhobie et qui voit le Brexit comme un accélérateur de sa revendication centrale de la réunification de l’Irlande. Elle traduit d’autre part la déconfiture du Democratic Unionist Party (DUP) jusqu’ici majoritaire, favorable au Brexit, dont l’intransigeance et les errements ont sapé la popularité.

Pour Boris Johnson, le défi est double. A court terme, l’exécutif nord-irlandais, déjà dysfonctionnel, risque d’être paralysé par le refus du DUP de jouer les seconds rôles derrière le Sinn Fein et l’impasse du jeu démocratique pourrait favoriser les tensions. Mais le premier ministre britannique, affaibli par le revers qu’il subit simultanément aux élections locales dans le reste du pays, par le scandale des fêtes arrosées pendant le confinement et par les difficultés économiques, va devoir gérer les conséquences de la victoire, à Belfast, d’un parti qui a aussi le vent en poupe dans le sud de l’île et qui prévoit un référendum sur la réunification de l’Irlande, autrement dit l’amputation du Royaume-Uni, dans les cinq à dix ans à venir.

Pareille perspective est loin d’être évidente. La réunification reste une revendication minoritaire en Irlande du Nord et les citoyens de la République d’Irlande, bien que majoritairement favorables, se méfient de son coût.

Surtout, il s’agit d’un dessein lourd de menaces de violences. Le succès du Sinn Fein illustre d’abord, une nouvelle fois, l’irresponsabilité des promoteurs du Brexit. Boris Johnson, leader du Parti Conservateur britannique, voué au maintien d’une Irlande du Nord britannique, pourrait être l’homme qui en aura favorisé la perte pour le royaume.

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10 mai 2022 2 10 /05 /mai /2022 08:55

 

 

https://www.huffingtonpost.fr/entry/legislatives-taha-bouhafs-jette-leponge-a-venissieux-confirme-corbiere_fr_627a01ede4b0b7c8f08878b8

 

Taha Bouhafs jette l'éponge à Vénissieux, confirme Alexis Corbière

Après plusieurs polémiques, le journaliste militant Taha Bouhafs, investi dans le Rhône du côté de Vénissieux, a décidé de renoncer à se présenter.

Après un tweet relativement clair de Taha Bouhafs concernant son renoncement à se présenter aux élections législatives du mois de juin 2022 dans le Rhône, Alexis Corbière a déploré les circonstances ayant conduit à cet abandon.

« J’ai été soutenu, pas assez pour tenir, mais assez pour être reconnaissant », après des jours à subir les attaques d’adversaires politiques, mais aussi de membres de la Nouvelle Union Populaire dont le communiste Fabien Roussel, le journaliste Taha Bouhafs, investi par la Nouvelle Union Populaire dans la quatorzième circonscription du Rhône, a finalement décidé de jeter l’éponge.

C’est ce qu’annonce le jeune homme dans un message publié sur son compte Twitter dans la nuit du Lundi 9 Mai au Mardi 10 Mai 2022, où il justifie son choix par la tempête d’attaques sans précédent qu’il encaisse depuis que son nom circule pour être candidat aux prochaines élections législatives du mois de juin 2022.

« Tous les jours une nouvelle calomnie, une nouvelle insulte, une nouvelle menace de mort et une nouvelle accusation, j’aurais aimé tenir bon, mais j’ai acquis la certitude que, aux yeux de beaucoup, je n’ai pas le droit d’exister politiquement », une situation qu’il dénonce, demandant à ceux qui l’ont soutenu dans cette brève candidature de ne pas baisser les bras, « continuez à vous battre. Pour ma part, j’ai essayé, mais je n’y arrive plus ».

Un message qu’il faut effectivement interpréter comme un renoncement à se présenter aux élections législatives à Vénissieux, a confirmé Alexis Corbière, figure majeure du Mouvement de la France Insoumise (MFI). Le député du MFI dit prendre acte de la décision de Taha Bouhafs et il demande qu’elle soit respectée, rejetant au passage toute pression qui aurait pu être mise pour pousser au renoncement le jeune candidat.

« Tout cela est un grand constat d’échec », regrette l’actuel député de Seine-Saint-Denis, élargissant son analyse au-delà du cas personnel du journaliste. « Ce que nous voulons faire, c’est que l’assemblée nationale soit le lieu où se rassemblent des femmes et des hommes à l’image de toute la richesse de notre peuple », a-t-il expliqué, évoquant notamment la candidature de Rachel Keke, porte-parole des femmes de ménage en lutte contre ACCOR à l’hôtel Ibis des Batignolles et investie par la Nouvelle Union Populaire dans le Val-de-Marne.

« Le cas de Taha Bouhafs était aussi l’exemple de ces jeunes issus de milieux sociaux défavorisés, dans des quartiers populaires, qui s’engagent et qui parfois ne sont pas parfaits dans cet engagement », a-t-il encore déploré au sujet de ce manque de diversité au sein des représentants du peuple.

« Nombre de personnes n’étant pas parfaites ne subissent pas, en raison de ces imperfections, de procès médiatique. C’est cela qui m’a fait de la peine », a ajouté Alexis Corbière, fustigeant le traitement particulièrement dur réservé à son désormais ancien-candidat dans la circonscription de Vénissieux.

Un registre sur lequel l’a rejoint un autre cadre du MFI, François Ruffin, invité au même moment de France Info. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est tout ce qu’il n’y a pas à l’assemblée nationale, zéro ouvrier et zéro maçon », a-t-il insisté, avant de reconnaître un droit à l’erreur à Taha Bouhafs, attaqué pour plusieurs écarts passés et notamment pour une condamnation judiciaire pour avoir insulté une syndicaliste policière.

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a lui aussi regretté les circonstances de l’abandon de Taha Bouhafs. « Je m’en veux de ne pas avoir su le réconforter autant que nécessaire », a-t-il écrit sur Twitter, assurant qu’une meute s’est acharnée contre l’éphémère candidat de la Nouvelle Union Populaire. Il comprend la décision de son protégé, « à vingt-cinq ans, c’est lourd de vivre avec des menaces de mort et des mises en cause publiques quotidiennes ».

Partant de son constat sur le manque de représentativité des députés, Alexis Corbière a quant à lui tenu à marteler la nécessité de valoriser la Nouvelle Union Populaire qui est en train de naître, une manière de rappeler à l’ordre Fabien Roussel, qui s’était clairement opposé au choix de Taha Bouhafs comme candidat dans le Rhône, lui préférant l’élue communiste Michèle Picard et arguant pour ce faire de la condamnation pour injure raciale reçue par le journaliste.

« J’invite chacun à ce que l’on n’exacerbe pas ce qui ici ou là est un frottement », a-t-il demandé, avant de chercher à apaiser les tensions. Le signe que, au-delà des déclarations d’unité, celle-ci demande encore à devenir réalité en plusieurs endroits du pays.

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 18:05

 

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/08/novaia-gazeta-europe-raconte-dix-ans-de-repression-contre-les-manifestations-d-hostilite-au-regime-de-poutine_6125247_3210.html

 

Novaïa Gazeta Europe raconte dix ans de répression en Russie contre les manifestations contre Vladimir Poutine

Les tribunaux russes ont ouvert soixante mille procédures contre les manifestants depuis 2012, selon l’enquête du journal indépendant russe, dont une partie de la rédaction a été contrainte à l’exil après l’invasion de l’Ukraine. Le Monde marque sa solidarité en publiant plusieurs de ses articles.

Novaïa Gazeta, le journal mythique de Dmitri Mouratov, Prix Nobel de la paix en 2021, et d’Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006, a dû arrêter sa parution le 28 mars 2022, alors qu’une nouvelle chape de plomb s’abattait contre les derniers médias indépendants russes, du fait de la guerre menée par Moscou en Ukraine.

Depuis, une partie de cette rédaction courageuse qui a pris le chemin de l’exil tente de continuer à faire vivre Novaïa Gazeta, à travers le média Novaïa Gazeta. Europe. Ce journal écrit sur la Russie, l’Ukraine et l’Europe, en russe et en anglais, et il entend poursuivre son travail d’enquête et d’information sur tout ce qui se passe en Russie et en relation avec la Russie.

Il y a quelques jours, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta Europe, Kirill Martynov, a lancé un appel à la presse européenne, « nous ne pouvons plus publier de journal dans notre pays. Nous vous demandons de nous aider à publier et à diffuser à travers l’Europe quelques-uns de nos articles à l’occasion du Lundi 9 Mai 2022, date à laquelle Vladimir Poutine préside le traditionnel défilé militaire célébrant la victoire de la Russie contre le nazisme ».

Le Monde a immédiatement décidé de répondre présent et il accueille avec fierté les écrits de ses confrères, qui y ont adjoint un texte d’Anna Politkovskaïa, écrit le 6 mai 2004, trois jours avant le défilé militaire de la Place Rouge du 9 mai 2004, par solidarité et soutien au journalisme et aux équipes de Novaïa Gazeta.

La guerre en Ukraine a provoqué des manifestations de masse dans toute la Russie. Jeudi 24 Février 2022, premier jour des combats, près de deux mille personnes ont été arrêtées par la police. Un mois plus tard, parallèlement aux rassemblements de rue, toute rhétorique contre la guerre est devenue hors la loi. L’amende maximale pour dissidence est passée à cent mille roubles et la récidive est, désormais, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison.

Depuis le début du mois d’avril 2022, après l’introduction dans le code administratif d’une notion de responsabilité pour dénigrement des forces armées de la Fédération de Russie, l’enquête n’a plus besoin de prouver que la manifestation n’était pas coordonnée avec les autorités ou qu’elle menaçait la santé des citoyens pour arrêter les participants, tout citoyen russe peut dorénavant être condamné à une amende pour avoir simplement attaché un ruban sur son balcon ou critiqué, à bas bruit, une décision du pouvoir avec un collègue ou un proche.

Un manifestant ayant dessiné le symbole de la paix sur un bout de papier a ainsi été arrêté, avant même d’avoir pu déplier sa feuille. Un employé d’une école de sport, dont la conversation a été enregistrée par la concierge de l’établissement, a été embarqué après avoir demandé d’enlever les panneaux recouverts de la lettre Z, le nouveau symbole de la Russie conquérante. Un chauffeur de minibus a directement emmené une passagère au poste de police. La retraitée, à qui les policiers ont dressé un procès-verbal pour trouble à l’ordre public, avait demandé de retirer cet emblème patriotique de la cabine du conducteur.

A Saint-Pétersbourg un habitant a été condamné à une amende de trente mille roubles pour avoir brandi une affiche sur laquelle on pouvait lire que « la guerre a apporté tant de chagrin qu’il est impossible de l’oublier. Il n’y a pas de pardon pour ceux qui, une fois de plus, préparent des plans agressifs ». Ces mots avaient été prononcés par le président Vladimir Poutine, lors du défilé du jour de la victoire du 9 mai 2021.

En dix ans, soixante mille procédures judiciaires ont été ouvertes contre des opposants ou des voix critiques, dont seize mille au cours des deux derniers mois, selon le calcul de la rédaction de Novaïa Gazeta Europe, effectué à partir de la base de données des tribunaux russes. Rien que pour avoir écrit ou prononcé « non à la guerre », les russes ont passé, au total et en additionnant les peines, deux années et six mois en détention. Trop souvent, les forces de l’ordre ont, par ailleurs, pris l’habitude d’établir plusieurs procès-verbaux pour une seule et même personne. Les charges les plus fréquentes étant une inculpation pour désobéissance aux forces de l’ordre, une autre pour participation à une action non autorisée et une troisième pour avoir discrédité l’armée. La multiplication des charges contrevient à l’interdiction constitutionnelle d’établir une double peine pour une seule et même infraction.

« Quelle que soit la pancarte avec laquelle vous faites votre action, votre présence tombe sous le coup d’une violation des restrictions liées au coronavirus », explique Pavel Tchikov, responsable de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) de juristes Agora, « si la pancarte comporte en plus un slogan contre la guerre, c’est un motif pour une deuxième procédure ».

Lorsqu’un policier a le temps et l’envie de couper trois bâtons, faire d’un coup trois affaires, il peut établir trois procès-verbaux. En règle générale et si l’objectif est d’arrêter un grand nombre de personnes, le motif le plus utilisé est celui de la désobéissance à un agent de police, c’est-à-dire l’article dix-neuf du code administratif, qui est extrêmement facile à appliquer pour une interpellation.

Depuis Jeudi 24 Février 2022, l’amende moyenne pour une prise de position contre la guerre a quasi triplé. Enfreindre l’interdiction de dénigrer l’armée est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à cent mille roubles, environ mille cinq cent euros, le double du salaire moyen russe. Au total, le montant des sommes infligées aux opposants à la guerre s’élève aujourd’hui à cent millions de roubles, trente-trois millions de roubles pour les moscovites et dix millions de roubles pour les résidents de Saint-Pétersbourg.

Selon Pavel Tchikov, la géographie des manifestations contre la guerre fait écho à celle des manifestations de soutien à Alexeï Navalny en 2021, le Caucase du Nord est resté silencieux, tandis que, à Saint-Pétersbourg, les opposants à la guerre sont descendus dans la rue quasi quotidiennement peu après le déclenchement de l’offensive.

Depuis le début du mois de mars 2022, une opinion contre la guerre est susceptible non seulement de déclencher une amende, mais aussi une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison ferme, voire jusqu’à quinze ans de prison ferme, si l’enquête établit que la situation pouvait entraîner des conséquences socialement dangereuses. Deux semaines après l’entrée en vigueur de l’interdiction de diffuser de fausses informations contre les forces armées, trois russes ont fait l’objet d’une procédure pénale pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux.

Ces deux derniers mois, les tribunaux russes ont presque battu le record du nombre de procédures lancées contre des contestataires et des dissidents. Après les manifestations de soutien à Alexeï Navalny, les tribunaux avaient reçu un nombre sans précédent d’infractions avec quarante mille jugements, rien qu’en 2021. Pour avoir discrédité l’armée, les russes ont déjà payé sept millions cinq cent mille roubles à l’état depuis la fin du mois de février 2022.

Toutefois, le durcissement des lois répressives a commencé bien avant, précisément dix ans avant l’invasion de l’Ukraine.

Avant le rassemblement de la place Bolotnaya du 6 mai 2012, où des dizaines de milliers de russes s’étaient retrouvés à quelques centaines de mètres du Kremlin pour protester contre les fraudes électorales et la victoire de Vladimir Poutine, les amendes ne dépassaient pas deux mille roubles et les arrestations n’étaient juridiquement possibles qu’à proximité des installations de stockage nucléaire. Les choses vont radicalement changer à la suite des mobilisations post-électorales.

Plus de trente personnes ont été impliquées dans des procédures pénales après les affrontements contre la police de la Place Bolotnaya, un lieu depuis devenu l’un des symboles de l’ère de Vladimir Poutine. Dès le 10 mai 2012, un projet visant à renforcer les règles relatives aux rassemblements et rédigé par le député Alexandre Sidyakin, de Russie Unie, le parti présidentiel, est soumis à la Douma. Au mois de juin 2012, un mois plus tard, Vladimir Poutine promulgue la loi. Celle-ci est validée par le Conseil de la Fédération, la chambre haute du parlement russe, en cinquante minutes.

Ce texte fait passer l’amende pour participation à un rassemblement, article vingt du code administratif, de deux mille à vingt mille roubles et il y ajoute une peine de Travail d’Intérêt Général (TIG). L’auteur de ce serrage de vis a expliqué que cet alourdissement de peine était dû au fait que « les manifestants de la Place Bolotnaya ont endommagé l’asphalte de la place, ils ont piétiné la pelouse à Tchistie Proudi et, à Astrakhan, ils ont cassé des lampadaires, ils ont cassé des poubelles et ils ont retourné des bancs ». Avant cette loi, le travail obligatoire n’était envisagé que pour des infractions pénales.

Des amendements du mois de juin 2012 concernent non seulement les actions individuelles et les rassemblements, mais aussi les flashmobs, les réunions spontanées et d’autres happenings qui n’étaient pas, auparavant, ciblés par la loi fédérale. L’article vingt, qui prévoit jusqu’à trente jours d’arrestation pour présence massive de citoyens dans des lieux publics, a été ajouté au code administratif.

L’article vingt est le plus populaire à Saint-Pétersbourg où, comme l’explique l’avocat indépendant Ivan Pavlov, « la police a appris à copier les procès-verbaux pour de tels cas, car il est plus facile de préparer des preuves de la présence massive de citoyens que de déterminer à chaque fois si telle ou telle affiche discrédite les forces armées russes ».

Au mois de février, Andrei Baryshev, de Russie Unie, a proposé de supprimer cet article du code administratif, en déclarant que « l’appliquer montre l’absurdité de cette norme, qui permet aux forces de l’ordre d’agir à leur propre discrétion ». Son projet de loi n’a pas été approuvé. Rien qu’au cours des six derniers mois, les amendes au titre de l’article vingt se sont élevées à plus de sept millions de roubles.

Après les manifestations dans tout le pays contre l’annexion de la Crimée, en 2014, le député Alexandre Sidyakin a de nouveau proposé de durcir les règles relatives aux rassemblements de protestations. Le cas d’infractions répétées a été retenu, comme le fait de participer à un rassemblement et de bloquer la circulation des voitures ou des piétons. Le prix de l’amende a été porté à un million de roubles et la durée maximale de détention a été portée à trente jours.

Parmi les amendements votés en 2014 figure la criminalisation en cas d’une troisième violation des règles de rassemblement public ou d’action individuelle, l’article deux cent douze du code pénal, plus connu sous le nom d’article d’Ildar Dadine, du nom d’Ildar Dadine, premier condamné par cette loi. Le dernier cas recensé, celui de Vyacheslav Yegorov, purge sa peine dans une colonie pénitentiaire pour avoir protesté contre l’évacuation des ordures de la capitale vers la banlieue de Moscou.

« La censure militaire a réellement été introduite en Russie », estime Ivan Pavlov, « il n’y a rien de comparable dans l’histoire de la Russie moderne. Il n’y a tout simplement pas eu de précédents de ce type. L’exemple le plus proche provient des périodes les plus sombres de l’histoire soviétique, lorsque les soviétiques étaient privés de leurs droits fondamentaux, y compris le droit d’exprimer leur opinion ».

La lutte des régions contre l’épidémie de coronavirus est également devenue un nouveau prétexte pour réprimer les protestations. Le 5 mars 2020, le maire de Moscou, Sergei Sobianine, a été le premier à signer un décret introduisant un mode d’alerte élevé. Suivant l’exemple de la capitale, des mesures similaires ont été introduites par les maires et les gouverneurs dans tout le pays. Moins d’un mois plus tard, le premier avril 2020, l’article vingt du code administratif, non-respect des règles de conduite lors de l’introduction d’un régime de haute alerte, est entré en vigueur, interdisant toute action publique pour plusieurs années.

Au mois d’avril 2020, le canal Police Ombudsman de la messagerie Telegram a publié les messages audio d’une employée du département du ministère de l’intérieur de Novossibirsk, qui exigeait que ses subordonnés respectent le plan de dénonciation des contrevenants à la quarantaine, « nous travaillons jusqu’à ce que nous ayons une dizaine de procès-verbaux de chaque district. Si nous n’avons pas de résultat à 17 heures, nous continuerons à travailler jusqu’à avoir le nombre d’amendes demandées ».

Dans certaines régions, les lois locales viennent s’ajouter aux règles adoptées par les instances supérieures. A Saint-Pétersbourg, d’après l’avocat des droits humains Alexandre Peredruk, membre d’Apologia of Protest, un projet qui défend le droit de manifester pacifiquement en Russie, les participants aux actions individuelles sont très souvent inculpés en vertu de l’article huit de la loi municipale, qui interdit tout événement public.

Peu avant le vote des amendements constitutionnels, à l’été 2020, les rassemblements sont tombés dans la catégorie des infractions pénales. L’article deux cent trente-six du code pénal qui, avant la pandémie, concernait les violations des règles sanitaires, est devenu un moyen de répression politique, modifié le premier avril 2020, le texte vise toute personne représentant une menace de contamination.

L’interdiction des rassemblements a été levée cette année dans presque toutes les régions. Toutefois, la pratique consistant à détenir des manifestants pour avoir enfreint le régime de haute alerte persiste. « Les restrictions adoptées au mois de mars 2020 sont encore utilisées pour réprimer les rassemblements pacifiques et plus personne ne s’intéresse à la situation réelle de la pandémie depuis longtemps », dit Ivan Pavlov, « Saint-Pétersbourg dispose toujours d’un règlement qui interdit tout événement public, sauf permission exceptionnelle accordée par les instances sanitaires. A Moscou, où une interdiction similaire existe également, rien n’est venu empêcher le rassemblement du 18 mars 2022 en soutien à la guerre en Ukraine ».

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 17:22

 

 

https://www.ensemble-mouvement.com/?p=3733

 

Une délégation d’Ensemble en Ukraine

Une délégation de vingt-six participants de dix pays européens s’est rendue en Ukraine du Mardi 3 Mai au Vendredi 6 Mai 2022 à la rencontre du mouvement social, féministe et syndical d’Ukraine et en coordination avec le Réseau Européen de Solidarité avec l’Ukraine (RESU).

Deux des participants français nous en font un compte rendu express, Laurence Boffet, conseillère municipale du premier arrondissement de Lyon, vice-présidente de la métropole de Lyon et militante d’Ensemble, et Roland Mérieux, de l’Equipe d’Animation Nationale (EAN) d’Ensemble.

Nous sommes arrivés à Lviv Mercredi 4 Mai 2022. Laurence Boffet ainsi que les parlementaires présents dans la délégation ont rencontré Mercredi 4 Mai 2022 le parti Razem de la gauche radicale polonaise, qui a obtenu environ sept pour cent des voix aux dernières élections législatives polonaises et six députés, puis des associations qui tiennent une maison des solidarités à la frontière polonaise. Ensuite, nous avons rencontré des humanitaires polonais, des anciens musiciens organisateurs de festivals reconvertis en convoyeurs de tout, médicaments, repas et réfugiés. En lien avec les camarades du Mouvement Social Ukrainien (MSU) qui militent pour un socialisme démocratique, nous avons rencontré, Jeudi 5 Mai et Vendredi 6 Mai 2022, des représentants syndicaux, en particulier du rail, des services publics, de la santé et des mineurs, des militants écologistes, féministes et homosexuels.

La délégation européenne du RESU comprend des parlementaires polonais, suisses, danois et finlandais, issus des partis rouges et verts, ainsi que des représentants des mouvements français, britanniques, belges et catalans, de solidarité.

Du côté français, sont présents dans la délégation des militants du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Catherine Samary et Olivier Besancenot, un militant de Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS), Patrick Farbiaz, une militante de la Fondation Frantz Fanon Internationale, Mireille Fanon-Mendes France, et deux militants d’Ensemble, Laurence Boffet et Roland Mérieux.

La matinée du Jeudi 5 Mai 2022 à Lviv a été consacrée à une rencontre avec les responsables du MSU. Ils nous ont présenté leurs activités, en particulier sur les questions sociales et démocratiques que leur mouvement tente de mettre en œuvre et leur vision de la situation politique dans leur pays en état de guerre, soutien au président Volodymyr Zelensky et son gouvernement, bien que très critique sur les questions sociales et écologiques.

Plusieurs membres de la délégation européenne étaient présents, des parlementaires danois, finlandais et polonais, des militants des partis politiques suisses, catalans, britanniques et français, et des militants argentins d’Izquierda Socialista, qui revenaient de Kiev.

Une déclaration commune est en cours de rédaction reprenant les larges convergences évoquées toute la matinée du Jeudi 5 Mai 2022, déclaration proche de celle du texte du RESU avec un point complémentaire majeur pour eux, l’adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union Européenne.

L’après-midi du Jeudi 5 Mai 2022 a été consacrée à des interventions et à des échanges avec les syndicats ukrainiens, qui se retrouvent essentiellement dans deux grandes confédérations, la confédération des syndicats libres d’Ukraine (KVPU) et la fédération des syndicats de l’Ukraine (FPU). Des représentants des différents secteurs d’activité sont intervenus, des syndicalistes de la construction, des transports, du rail et de la santé, avec la présence d’un syndicat nouveau et indépendant des deux confédérations qui défend les travailleurs pauvres de la santé, des mines et de l’énergie nucléaire. Nous avons eu une description détaillée des luttes sociales avant la guerre pour les hausses de salaires et contre les conséquences du néolibéralisme sur les secteurs publics ou la santé, qui nous ont rappelé les nôtres.

Les syndicats sont tournés vers l’aide concrète aux travailleurs ukrainiens victimes de la dérégulation en ces temps de guerre, licenciements, non-paiement des salaires voire travail gratuit et maintien de la sécurité et des infrastructures dans les transports ou le nucléaire. La question écologique a aussi été abordée par certains syndicats.

Le troisième et le dernier jour, Vendredi 6 Mai 2022, à Lviv, a été consacré à des rencontres avec des mouvements féministes, écologiques, solidaires et libertaires.

Vendredi 6 Mai 2022 dans la matinée, une première réunion s’est tenue entre les femmes de la délégation européenne et des représentantes de trois petites organisations ukrainiennes féministes, intersectionnelles et homosexuelles. Un groupe de travail spécifique sur ces questions a commencé dans le RESU en lien avec ces groupes féministes.

Ces groupes féministes ukrainiens se focalisent en particulier sur l’entraide aux femmes qui ont cruellement besoin de soutien immédiat sur le plan financier, psychologique et politique. Plusieurs contacts très concrets ont été pris lors de cette rencontre pouvant permettre ultérieurement de créer des ponts avec les ukrainiennes de Lyon, mais aussi avec des mouvements féministes au plan national qui voudront les aider.

La matinée du Vendredi 6 Mai 2022 s’est poursuivie avec la présentation des actions de ces mouvements féministes et d’entraide entre femmes.

Plusieurs centaines de milliers de femmes se retrouvent seules avec leurs enfants, avec ou sans travail, exilées en Pologne ou déplacées dans leur propre pays, l’Ukraine, elles ont besoin d’une prise en charge au niveau de l’éducation de leurs enfants, du travail, du logement, des soins médicaux et d’accès à l’avortement, que ce soit en Pologne, qui l’interdit, mais aussi en Ukraine, où l’avortement est autorisé, mais de plus en plus difficile à pratiquer.

Au cours de l’après-midi du Vendredi 6 Mai 2022, d’autres présentations ont été faites par des représentants des mouvements écologistes, qui sont favorables aux sanctions et qui se concentrent en particulier sur une demande d’embargo du pétrole et du gaz russe en exigeant qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres énergies fossiles. Un appel en ce sens est en train de circuler auprès des parlementaires du monde entier. Cet appel est ouvert à tous les élus, y compris locaux.

Par ailleurs une représentante d’un mouvement homosexuel a décrit les actions de solidarité mises en place pour tous à partir d’une coopérative gérée avant la guerre. Selon eux, une des justifications de la guerre avancée par les russes est la défense des valeurs traditionnelles chrétiennes citées par leur collectif et, par conséquent, la lutte contre la domination homosexuelle sur l’Ukraine comme sur l’ensemble de l’Europe, le président Volodimir Zelenski étant même accusé d’être gay. Par ailleurs, la société ukrainienne est assez conservatrice et la guerre renforce les valeurs viriles. Ce collectif défend la visibilité de la communauté homosexuelle, y compris dans l’armée, il travaille au consensus et il prône une démarche non violente.

Un représentant des droits des roms est également intervenu, leur mouvement est très structuré, car les roms en Ukraine sont parmi les plus discriminés d’Europe. Leur défense avait démarré bien avant la guerre. Ils profitent du fait que l’Ukraine demande son adhésion rapide à l’Union Européenne pour exiger l’accélération de l’agenda des années 2020 qui prévoit une amélioration du traitement du peuple rom demandé par l’Europe à tous les pays adhérents.

Les associations roms disposaient déjà avant la guerre de réseaux européens efficaces qu’ils mettent maintenant à disposition de tous les ukrainiens. Malgré le racisme en Ukraine, leur représentant reconnaît que l’aide spontanée des ukrainiens a concerné aussi les roms, malgré des cas de maltraitance de la police, comme par exemple à Lviv. Dans cette ville, un cas de violence policière médiatisé a même été utilisé par les russes pour faire croire à des attaques contre les russophones d’Ukraine.

D’autres actions humanitaires ont également été présentées en association avec les mouvements libertaires. Ces réseaux sont a priori efficaces en terme de logistique de l’ouest vers l’est de l’Ukraine, mais aussi dans les zones sous occupation ou les zones de guerre. Partout ailleurs, ils proposent aussi des abris, des hébergements et des lieux de stockage. Des actions du côté de la défense territoriale ukrainienne sont également prises en charge par ces mouvements. Ils demandent des soutiens financiers, mais aussi de l’aide pour le soutien psychologique et pour répondre aux revendications des femmes qui peuvent aussi être réalisées depuis l’étranger.

Une représentante de ces mouvements nous a expliqué la question des trafics d’êtres humains, dans le cadre du travail forcé ou de l’exploitation sexuelle. L’Ukraine était déjà une grande pourvoyeuse de travail forcé, cela s’est bien sûr renforcé depuis le début du conflit.

Durant cette dernière journée de conférence, des interventions de nos camarades parlementaires polonais, danois et finnois, ont entrecoupé les différents exposés des militants et activistes ukrainiens.

En conclusion de ces deux journées, une déclaration a été proposée par Vitalii Dudin au nom du MSU à la délégation européenne. Ce texte a été approuvé à main levée.

Pour information, les parlementaires intervenants étaient Soren Sondergaard de l’Alliance Rouge et Verte du Danemark, Veronika Honkasalo de l’Alliance de Gauche de Finlande et Paulina Matysiak de Razem de Pologne.

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 16:39

 

 

https://lanticapitaliste.org/opinions/international/autodetermination-et-guerre-en-ukraine

https://www.dissentmagazine.org/online_articles/self-determination-and-the-war-in-ukraine

 

Autodétermination et guerre en Ukraine

Par Taras Bilous, militant du Mouvement Socialiste d’Ukraine (MSU)

Mercredi 4 Mai 2022

Nous ne pouvons pas savoir comment l'Ukraine évoluera après la guerre, mais nous savons que les conséquences seront terribles si la Russie gagne.

Il y a deux mois, lorsque j'ai écrit « une lettre à la gauche occidentale depuis Kiev », j'espérais que le choc de l'invasion russe et les voix de la gauche ukrainienne pousseraient les militants de la gauche occidentale à reconsidérer leur approche. Malheureusement, trop nombreux ont été ceux qui ne l'ont pas fait. Dans leurs analyses de la guerre, les ukrainiens ne sont que des victimes ayant besoin d'une aide humanitaire et ils ne sont pas des sujets avec des souhaits qui devraient être respectés.

Bien sûr, cela ne s'applique pas à tous les partis de gauche, loin s'en faut. Les partis de la gauche scandinave ainsi que ceux d'Europe de l'Est ont écouté les ukrainiens et ils ont soutenu les livraisons d'armes à l'Ukraine. Certains progrès ont lieu parmi les socialistes des Etats Unis. Mais malheureusement, même une déclaration commune des socialistes ukrainiens et russes n'a pu convaincre assez de personnes pour soutenir l'aide militaire. Permettez-moi d'essayer de m'adresser à la gauche une fois de plus.

Commençons par répondre à une question courante, « pourquoi l'Ukraine fait-elle l'objet d'une telle attention et d'une telle aide alors que d'autres conflits armés dans le monde n’en bénéficient pas ». Tout d'abord, les conséquences potentielles de la guerre ne sont-elles pas une raison suffisante pour y accorder plus d'attention ? À quand remonte la dernière fois que le monde a été aussi près de la menace d'une guerre nucléaire ? Deuxièmement, je suis d'accord pour dire que les autres conflits ne font pas l'objet d'une attention suffisante. Comme je l'ai déjà écrit, le fait que l'Europe ait tellement mieux traité les réfugiés ukrainiens que leurs homologues syriens et afghans est dû au racisme. C'est le moment de critiquer les politiques migratoires et de souligner que l'aide apportée aux réfugiés ukrainiens devrait être fournie à tous les réfugiés.

Je me souviens d'un autre conflit armé où une partie de la gauche avait des amis et leur accordait une attention démesurée par rapport aux autres conflits armés, le Rojava.

L'Ukraine n'est pas le Rojava et nous pourrions énumérer de nombreuses dénonciations concernant les politiques intérieure et étrangère de Volodimir Zelensky. L'Ukraine n'est même pas une démocratie libérale classique. Chaque nouveau président tente de concentrer le plus de pouvoir possible par des mécanismes informels, le parlement adopte des lois anticonstitutionnelles et les droits et les libertés des citoyens sont souvent violés. Même pendant la guerre, le gouvernement ukrainien a adopté une loi restreignant les droits du travail. À cet égard, le pays n'est pas très différent du reste de l'Europe de l'Est.

Cela signifie-t-il que les ukrainiens devraient abandonner la lutte ? Pour moi, la réponse est évidente. J’ai décidé de m'engager dans les forces de la défense territoriale au début de la guerre. Mais je suis loin d'être le seul. Des anarchistes d'Ukraine, de Biélorussie et même certains de Russie, se battent actuellement avec la défense territoriale ou lui apportent leur aide. Ils n'aiment pas Volodimir Zelensky ni l’état ukrainien, ils ont été arrêtés à plusieurs reprises par la police lors de manifestations, comme je l'ai été, et certains anarchistes étrangers ont été confrontés à des tentatives d'expulsion par les services spéciaux. Mais nous sommes quand même entrés en guerre. Vous pouvez penser que ce ne sont pas de vrais anarchistes ou vous pouvez envisager l'idée que nous savons quelque chose sur l'Europe de l'Est que vous ne comprenez pas.

Je suis socialiste et je ne pense pas que nous devons défendre notre pays dans n’importe quelle guerre défensive. Une telle décision devrait dépendre de l'analyse faite par les participants de la nature sociale de la guerre, des sentiments de la population, du contexte général et des conséquences éventuelles des différentes issues. Si l'Ukraine était dirigée par une junte fasciste et que la situation était celle présentée par la propagande russe, je condamnerais quand même l'invasion, mais je ne rejoindrais pas l'armée.

Mener une lutte partisane indépendante serait plus approprié. Il y a d'autres invasions, comme celle des États-Unis en Afghanistan ou en Irak, qui devraient être condamnées, mais aurait-il été juste de se battre pour les régimes des talibans ou de Saddam Hussein ? J'en doute. La démocratie ukrainienne, loin d'être parfaite, mérite d'être protégée du régime para fasciste de Vladimir Poutine.

Je sais que nombreux sont ceux qui n'apprécient pas cette analyse. Après 2014, lorsqu'il est devenu populaire en Ukraine de qualifier Vladimir Poutine de fasciste, j'ai critiqué ce point de vue. Mais ces dernières années, le régime de Vladimir Poutine est devenu de plus en plus autoritaire, conservateur et nationaliste, et, après la défaite du mouvement contre la guerre, sa transformation a atteint un nouveau palier. Des intellectuels de gauche russes, comme par exemple Greg Yudin et Ilya Budraitskis, affirment que le pays se dirige vers le fascisme.

Dans de nombreux conflits armés, il est juste d'en appeler à la diplomatie et au compromis. Souvent, dans le cas de conflits ethniques, les internationalistes ne doivent pas prendre parti. Mais cette guerre ne se présente pas ainsi. Contrairement à la guerre de 2014 dans le Donbass, qui était compliquée, la nature de la guerre actuelle est en fait simple. La Russie mène une guerre impérialiste agressive. L’Ukraine mène une guerre populaire de libération.

Nous ne pouvons pas savoir comment l'Ukraine se développera après la guerre, cela dépend d'une pléthore de facteurs. Mais nous pouvons dire avec certitude que ce n'est que si l'Ukraine gagne qu'il y a une chance de changement progressiste. Si la Russie gagne, les conséquences seront terribles. C'est la principale raison pour soutenir la résistance ukrainienne, y compris avec une aide militaire.

Certains lecteurs pourraient vouloir poser une autre question. Qu'en est-il de l'extrême droite ukrainienne ? Dans les débats les plus raisonnables sur ce sujet, certains insistent toujours sur le faible soutien électoral de l'extrême droite et son manque de représentation au parlement, tandis que d’autres soulignent que, en raison de l'infiltration des forces de l'ordre et de la participation active aux manifestations de rue, l'extrême droite a eu une influence disproportionnée sur la politique ukrainienne. Ces deux affirmations sont vraies, mais il y a un fait important que les deux parties ignorent généralement, c’est que l'influence disproportionnée de l'extrême droite était fondée en grande partie sur la faiblesse de la société civile et de l’état et qu’elle n’était pas fondée sur sa propre puissance.

La présence de l'extrême droite se fait sentir dans toute l'Europe de l'Est, mais la dynamique est différente dans chacun des pays. À la fin des années 2000, l'extrême droite russe a semé la terreur dans les rues, attentats à la bombe, pogroms et autres attaques meurtrières. Après l'émeute de la Place du Manège en 2010, l’état russe a commencé à riposter et les membres de l'extrême droite russe ont fui le pays ou ont été emprisonnés. Certains ont trouvé refuge en Ukraine, qui était un endroit sûr, notamment parce que l'appareil répressif de l’état ukrainien est beaucoup plus faible. La faiblesse relative de l’état a également été la principale raison du succès des manifestations de masse en Ukraine par rapport à la Biélorussie, où les manifestants ont été confrontés à la détention arbitraire et à la torture, ou au Kazakhstan, où les forces de sécurité soutenues par la Russie ont mené une répression meurtrière.

Ces dernières années, le pouvoir de l'extrême droite en Ukraine a affronté de nouveaux défis. Depuis la révolution de la Place Maïdan en 2014, le développement de la société civile libérale a modifié l'équilibre des forces dans la rue. Jusqu'à récemment, il n'y avait pas toujours une ligne claire entre l'extrême droite et les autres forces politiques. Mais cela change aussi progressivement grâce à l'essor des mouvements pour les droits des femmes et des homosexuels, qui s'opposent aux militants d’extrême-droite. Enfin, grâce à la campagne contre l'expulsion de l'anarchiste biélorusse Alexei Bolenkov et à la protection du quartier de Podil contre l'extrême droite à Kiev en 2021, nous avons assisté à une réapparition du mouvement antifasciste dans les rues.

Depuis 2014, l'extrême droite a compensé ses échecs électoraux en renforçant sa présence dans la rue et en consolidant son alliance avec les libéraux, constituée pendant les années de lutte contre le régime de Viktor Ianoukovitch. Mais cette alliance a commencé à s'effondrer progressivement après l'arrivée au pouvoir de Volodimir Zelensky, en 2019. L'extrême droite, en particulier le mouvement Azov, était en crise et, après la démission du ministre de l'intérieur Arsen Avakov, qui était considéré comme le patron d'Azov, l'appareil d’état a commencé à les traiter avec plus de distance.

Bien sûr, la guerre a tout changé et la suite des événements dépend de nombreux facteurs. La participation de l'extrême droite ukrainienne à la guerre actuelle est moins perceptible qu'en 2014, à l’exception notable du régiment Azov. Mais tous les combattants d'Azov ne sont pas d'extrême droite et, en tant que parties intégrantes de la Garde Nationale et des forces armées, ils exécutent les ordres du haut commandement. Azov ne représente qu'une petite partie de la résistance ukrainienne. Par conséquent, il n'y a aucune raison de supposer que la guerre actuelle fera monter l'extrême droite autant que la guerre du Donbass.

La principale menace pour les citoyens ukrainiens n'est pas l'extrême droite ukrainienne, mais les occupants russes. Ce qui inclut les groupes qui ont souvent été attaqués par l'extrême droite ces dernières années, comme les roms ou les homosexuels, qui sont également actifs dans la résistance ukrainienne. Cela vaut également pour les habitants du Donbass. La propagande russe a hypocritement utilisé les habitants du Donbass pour justifier l'invasion, accusant l'Ukraine de génocide, alors que l'armée russe rase les villes de la région. Alors que les ukrainiens rejoignent d'immenses files d'attente pour s'enrôler dans la défense territoriale en Ukraine, dans la partie du Donbass contrôlée par la Russie, les hommes sont interpelés dans la rue, enrôlés de force et envoyés au combat, sans formation, comme de la chair à canon.

Un autre argument courant utilisé contre la résistance ukrainienne est qu'il s'agit d'une guerre par procuration entre l'Occident et la Russie. Tout conflit militaire est à plusieurs niveaux et l'une des composantes de la confrontation actuelle est un conflit inter-impérialiste. Mais si cela suffit pour parler de guerre par procuration, presque tous les conflits armés dans le monde seraient des guerres par procuration. Au lieu de se disputer sur ce terme, il est plus important d'analyser le degré de dépendance de l'Ukraine vis-à-vis de l'Occident et de comprendre les objectifs des deux camps impérialistes.

L'Ukraine est bien moins un substitut de l’Occident que les kurdes syriens n'étaient des substituts des États-Unis pendant leur lutte héroïque contre l’État Islamique, mais les substituts ne sont pas des marionnettes, ce sont des acteurs locaux qui reçoivent un soutien militaire d'autres états. Les premiers comme les seconds ont leurs propres intérêts, qui peuvent ne coïncider que partiellement.

Tout comme les militants de gauche ont soutenu les combattants du Rojava, malgré le fait que les kurdes syriens reçoivent une aide militaire des Etats Unis, les militants de gauche devraient soutenir le peuple ukrainien. La politique socialiste en matière de conflits armés devrait être basée sur l'analyse de la situation sur le terrain plutôt que sur le fait qu'une puissance impériale soutient un côté ou l'autre.

Ces derniers mois, certains gauchistes ont utilisé l'histoire de la première guerre mondiale pour affirmer que les socialistes ne devraient soutenir aucun des deux camps dans les conflits inter-impérialistes. Mais la seconde guerre mondiale était également un conflit inter-impérialiste. Cela ne signifie pas qu'aucun des deux camps n'aurait dû être soutenu dans cette guerre, car le conflit inter-impérialiste n'était qu'une dimension de cette guerre.

Dans un article précédent, j'ai rappelé que de nombreux représentants des mouvements anticolonialistes n'ont pas voulu se battre pour leurs colonisateurs pendant la seconde guerre mondiale et l'un des leaders du Congrès National Indien, Chandra Bose, a même collaboré avec l'Allemagne nazie. Mais il faut également citer les paroles de Jawaharlal Nehru, dans le conflit entre le fascisme et la démocratie, nous devons nos placer sans équivoque du côté de cette dernière. Il convient également de mentionner que le plus cohérent des dirigeants du Congrès National Indien à soutenir la guerre des alliés était Manabendra Nath Roy, son membre le plus à gauche. Bien sûr, cela ne signifie pas que Manabendra Nath Roy a soudainement commencé à soutenir l'impérialisme britannique. De même, soutenir la lutte contre l'impérialisme russe n'implique pas un soutien à l'impérialisme américain.

Bien sûr, la situation actuelle en Ukraine est différente. La participation directe d'autres états à la guerre ne fera qu'aggraver la situation. Mais les socialistes devraient soutenir la pression économique contre la Russie et exiger des sanctions plus sévères et des embargos contre le pétrole et le gaz russe. Bon nombre des sanctions actuellement instaurées visent à affaiblir l'industrie militaire russe et ainsi à entraver la capacité de la Russie à poursuivre le combat. Les gauchistes devraient également soutenir les sanctions contre les importations de pétrole et de gaz en provenance de Russie, ce qui augmentera encore la pression économique contre Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre.

Les États-Unis ont peut-être reçu une leçon en se couvrant de honte en Irak et en Afghanistan. La Russie doit maintenant recevoir une leçon elle aussi et plus elle sera dure, mieux ce sera. Les défaites à la suite d’une guerre ont plusieurs fois provoqué des révolutions, y compris en Russie. Après que la Russie a perdu la guerre de Crimée en 1856, le servage a finalement été aboli dans l'empire russe. La première révolution russe de 1905 a eu lieu peu après la défaite de la Russie dans la guerre russo-japonaise. Une défaite contre l'Ukraine pourrait déclencher une nouvelle révolution. Si Vladimir Poutine reste au pouvoir, un changement progressiste en Russie et dans la plupart des états post-soviétiques est presque impossible.

Les états occidentaux partagent la responsabilité de cette guerre. Le problème est que de nombreux militants de la gauche radicale critiquent ces états pour de mauvaises raisons. Au lieu de critiquer la fourniture d'armes à l'Ukraine, ils devraient dénoncer le fait que, même après l'annexion de la Crimée et l'invasion du Donbass, les pays de l'Union Européenne ont continué à vendre des armes à la Russie. Ce n'est qu'un exemple. La responsabilité de cette décision incombe aux gouvernements occidentaux et elle n’incombe pas à la gauche mais, plutôt que d'essayer d’améliorer la situation, une grande partie de la gauche essaie bêtement de rendre les choses encore pires.

Les ukrainiens savent bien que la guerre est terrible. Ce n'est pas notre première guerre. Nous avons vécu dans les conditions d'un conflit larvé dans le Donbass depuis des années. Nous subissons des pertes importantes dans cette guerre, et nous continuerons à souffrir si la guerre s'éternise. C'est à nous de décider quels sacrifices nous sommes prêts à faire pour gagner et quels compromis nous devons faire pour arrêter la mort et la destruction. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement américain est d'accord avec cela, alors qu'une grande partie de la gauche préfère adopter une approche plus impériale, en exigeant que l'Occident décide pour nous.

Jusqu'à présent, le Kremlin n'a pas été disposé à faire de sérieuses concessions. Il attend que nous nous rendions. Mais les ukrainiens n'accepteront pas la reconnaissance de ses conquêtes territoriales. Certains affirment que fournir des armes à l'Ukraine prolongera la guerre et faisant plus de victimes. En fait, c'est le manque d’armes qui provoquera cela. L'Ukraine peut gagner et la victoire de l'Ukraine est ce que la gauche internationale devrait défendre. Si la Russie gagne, cela créera un précédent pour le redécoupage forcé des frontières des états et cela poussera le monde vers une troisième guerre mondiale.

Je suis devenu socialiste en grande partie sous l'influence de la guerre dans le Donbass et en prenant conscience que seul le dépassement du capitalisme nous donnera une chance de vivre dans un monde sans guerre. Mais nous ne réaliserons jamais cet avenir si nous choisissons la non-résistance à l'intervention impérialiste. Si la gauche n'adopte pas une position correcte sur cette guerre, elle se discréditera, elle se marginalisera et nous devrons travailler pendant longtemps pour surmonter les conséquences d’une telle absurdité.

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 12:22

 

 

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Dans la société mobilisée, l'union à gauche fait aussi des perdants

Par Mathilde Goanec

Jeudi 5 Mai 2022

Alors que les officiels des partis se réjouissent des accords conclus à gauche, d’autres militants serrent les dents, voyant leur campagne pour les élections législatives emportée dans la grande lessiveuse de l’union. C’est le cas notamment de candidats des quartiers populaires ou activistes de la société civile, dont certains pensent à se présenter malgré tout.

Sanaa Saitouli y a cru, aux sirènes de l’union. Depuis Cergy, où elle est candidate sur la dixième circonscription du Val-d’Oise, elle a même jugé que cette nouvelle ère qui semblait s’ouvrir à gauche était géniale. Une semaine de tractations plus tard, cette activiste locale de quarante ans, ancienne élue municipale, enfant du quartier de Croix-Petit, voit l’investiture lui échapper a priori au profit du sortant Aurélien Taché, député élu en 2017 sous les couleurs de la majorité présidentielle, revenu depuis vers la gauche de l’hémicycle.

« Je prends acte de ce qui vient de se passer », explique Sanaa Saitouli, qui maintiendra sa candidature face au candidat investi par la Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale (NUPES), « je suis une femme racisée, je viens d’un quartier, je suis mère de famille et je représente tout ce qui est super compliqué pour tout le monde. Je me présente quand mêm, parce que j’estime être la seule liste de gauche légitime ».

Plus profondément et au-delà de sa personne, la militante s’interroge sur les blocages structurels du monde politique pour intégrer des profils similaires au sien. « Nous avons l’impression que nous pourrons faire tout ce que nous voulons, nous serons toujours mis de côté. J’ai fait tout ce travail de formation de terrain, sur une ligne politique claire, et cela ne suffit jamais. J’ai une boule dans le ventre. Je n’ai pas la gueule de l’emploi. Je n’ai pas les codes, mais c’est quoi les codes en fait ». L’aventure législative dans de telles conditions ne fera donc pas dévier Sanaa Saitouli de son mantra, « ce qui est fait pour nous sans nous sera fait contre nous ».

Même amertume à Argenteuil, où le candidat Mehdi Lallaoui, réalisateur et écrivain, enfant du pays, pourrait maintenir sa candidature face à un candidat de la Nouvelle Union Populaire, ou chez Aly Diouara du collectif Seine-Saint-Denis au Cœur, « le Mouvement de la France Insoumise (MFI) a gagné sa troisième place grâce aux quartiers populaires et maintenant il leur tourne le dos. » Le jeune homme prévient, « en préférant une alliance avec le Parti Socialiste, qui a voté la loi séparatisme, il va y avoir des dissidents partout ».

Pour les militants des quartiers populaires, membres du collectif On s’en Mêle, ayant soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon au premier tour des élections présidentielles, autant par adhésion que pragmatisme, la même inquiétude face au mécano électoral est en train de monter. Il reste des miettes pour certaines personnalités historiques des luttes dans les quartiers, une énième instrumentalisation des militants et surtout de l’électorat, qui fait craindre un désengagement pour les élections législatives.

« Il y a une cinquantaine de circonscriptions réservées pour le Parti Communiste Français (PCF), soixante-dix pour le Parti Socialiste, une centaine pour Europe Ecologie Les Verts (EELV) et le reste pour le MFI », rappelle Omar Slaouti, militant antiraciste, qui a assisté pour On s’en Mêle aux négociations de ces derniers jours, « nous n’avons pas été gourmands, nous avons demandé à sécuriser trois candidatures seulement à Vaulx-en-Velin, à Nanterre et à Toulouse, sur des candidatures issues du terrain ultra-légitimes, mais ce que nous voulons par-dessus tout, c’est garder une totale autonomie, à savoir soutenir aussi des candidatures qui ne seraient pas endossées dans le cadre de l’union. »

Omar Slaouti cherche néanmoins à éviter les caricatures un peu rapides, nées de la colère grandissante face à un scénario que les quartiers populaires connaissent trop bien, celui de figurer sur la photographie le temps du vote, pour retomber dans l’oubli au moment de la distribution des postes, « dans cette perspective d’union à gauche, il y a un contenu politique qui est porté, le blocage des prix, la lutte contre les discriminations, le partage des richesses et l’investissement dans l’école, c’est évidemment un programme qui nous contente et dans lequel nous nous retrouvons, ce n’est pas juste un accord d’appareils qui va se retourner contre les quartiers ».

« C’est tout le paradoxe de cette union. Elle ne peut pas se faire sans accord d’appareils mais, ce faisant, nous régressons sur les pratiques démocratiques de base », Kevin Vacher, candidat en campagne depuis des mois au nom du collectif Nos vies Nos voix dans la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône, militant local et respecté sur le mal-logement depuis le drame de la rue d’Aubagne, n’a cependant pas envie de se vivre en dissident, « nous nous sentons totalement appartenir à cette nouvelle union à gauche. Si nous avons poussé autant pour des candidatures citoyennes et si nous faisons le rassemblement à la base, ce n’est pas pour nous renier ensuite et nous ne sommes pas naïfs, cela passe aussi par des discussions entre partis ».

Mais face à lui, le MFI sort l’artillerie lourde, dans un territoire très populaire et acquis à la gauche. Il fut un temps question du retour de Jean-Luc Mélenchon sur la circonscription qui lui a permis d’accéder à l’assemblée nationale en 2017 et le nom de Manuel Bompard, directeur de campagne du candidat insoumis, circule désormais. « Sur les circonscriptions dites gelées, là où il a des sortants, nous attendons la décision des sortants, c'est la règle du MFI », rappelle Kevin Vacher, « nous avons proposé ma candidature en étant clair que nous nous sentions appartenir pleinement à l’Union Populaire. Depuis nous attendons, avec comme seul process celui de faire des courriers au national et de dire publiquement ce que nous en pensons. Il ne s’agit pas d’une discussion sur les personnes, même si nous préférons un candidat ancré à un parachuté. Ce qui importe, c’est que les expériences du terrain soient saisies comme de vrais chantiers politiques ».

Si pour le moment une sorte de concorde s’impose pour battre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la gauche et le MFI en particulier risquent d’avoir les oreilles qui sifflent à l’occasion de l’assemblée nationale des quartiers populaires, organisée Dimanche 8 Mai 2022 à Stains en Seine-Saint-Denis, afin de faire le bilan de l’initiative On s’en Mêle. Le collectif songe éventuellement à se constituer en force politique autonome.

Il serait cependant simplificateur de dire que les investitures vont se partager dans un pur huis clos partisan. « Nous avons au cours de ce mandat fortement tourné nos objectifs et nos préoccupations sur celles des quartiers populaires pour justement renouer avec ce socle sans lequel il n’y a pas de gauche, j’en suis persuadé », affirme le député du MFI Éric Coquerel, « là où ce n’est pas encore suffisant, c’est la représentation dans le cadre électoral. Je crois néanmoins que cette élection va marquer un progrès. Oui, il y aura des candidats issus de l’immigration sur une dizaine de circonscriptions gagnables ».

« Il est indispensable que des figures issues des quartiers populaires soient représentées, car nous voulons un groupe à l’image du peuple français », répond de son côté Paul Vannier, artisan des négociations pour le MFI, « avant d’engager les discussions avec les forces politiques, nous avons intégré à notre propre processus de désignation des candidatures issues des quartiers populaires ».

Beaucoup, affiliés au MFI, figurent en effet sur la ligne de départ, Carlos Martens Bilongo dans le Val-d’Oise, Nadège Abomangoli en Seine-Saint-Denis ou encore Mohamed Bensaada, militant historique de Marseille. « Pour Kevin Vacher, la proposition politique de nous rejoindre a été faite à de nombreuses reprises et il pouvait s’y reconnaître. Cela ne veut pas dire que nous serons opposés, mais que les principes nationaux valent partout, à Marseille aussi », dit Paul Vannier.

Entrés dans la danse plus récemment et pas forcément encartés, la femme de chambre et syndicaliste Rachel Kéké sera candidate dans le Val-de-Marne, Taha Bouhafs, infatigable militant contre les violences policières, sera candidat à Vénissieux près de Lyon et Kader Lahmar pourrait l'être à Vaux-en-Velin, à la demande explicite d’On s’en Mêle, précise le négociateur du MFI.

Les choses semblent également plutôt bien engagées pour quelques figures du mouvement social non partisan ayant rejoint le parlement populaire au cours de la campagne présidentielle de Jean Luc Mélenchon. Il y aura Aurélie Trouvé, ancienne porte-parole de l’Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC), il y aura l’inspecteur du travail Anthony Smith et il y aura l’avocate Caroline Mecary, qui ont des parcours citoyens et qui seront investies dans des circonscriptions gagnables, dit Paul Vannier. C’est également le cas d’Alma Dufour, figure du mouvement climat, candidate dans la quatrième circonscription de Seine-Maritime, près de Rouen.

« Je suis a priori validée », explique cette dernière, soutenue par le MFI, par EELV et par le PCF. Elle pourrait néanmoins trouver face à elle un candidat socialiste, l’accord national passant mal auprès des baronnies normandes, « il s’agit d’une circonscription gagnable mais avec du travail. C’est d’ailleurs pour cela que personne ne se bat pour l’avoir. Ici, le Rassemblement National est très fort, donc le combat est rude ».

Cet optimisme n’épuise pas la question de ces candidatures hors sérail, mises sur la sellette ou cannibalisées par les logiques d’appareil tout autant que par les revendications légitimes des militants de terrain dans les partis. « Quelle est la bonne méthode ? C’est la seule question qui vaille », dit Alma Dufour, « les logiques internes et externes s’affrontent dans chaque campagne. Il y a d’un côté, ce que le candidat incarne et représente aux yeux des électeurs et sa légitimité et il y a, de l’autre côté, la nécessité de faire vivre un groupe militant en interne et de le garder soudé. La logique interne, c’est finalement celle dont nous parlons le moins. Bien sûr il y a la volonté d’avoir des places pour les candidats qui ont fait le travail de terrain pour l’Union Populaire depuis des années, qui étaient là quand cela allait bien et quand cela n’allait pas bien. Donc les accords ne sont faciles à vivre pour personne ».

Arrivée il y a cinq mois en Seine-Maritime, Alma Dufour a fait la campagne présidentielle avec les militants locaux, « c’était aussi une prise de risque personnelle, au vu de mon parcours, de rejoindre ce mouvement. Mais bien sûr se pose ensuite la question de ce qu’il faut privilégier pour l’emporter, l’ancrage local ou le combat sur le fond ? Il n’y a pas de bonne réponse. Est-ce qu’il faut privilégier un militant normand ou quelqu’un qui travaille depuis des années sur la relocalisation industrielle, dans une perspective écologique ? Qu’est-ce que l’un et l’autre peuvent apporter au territoire ? Les places sont chères, donc ce sont des combats de légitimité constants ».

L’activiste pour le climat Lumir Lapray a été repêchée, elle aussi, par l’entremise des écologistes avec qui elle discute depuis des mois. La jeune femme a été formée au sein du projet des Investies et elle est soutenue par Quartier Général, collectif d’entraide et de soutien aux candidats activistes qui se présentent aux élections pour changer les pratiques politiques.

Lumir Lapray laboure depuis des mois la deuxième circonscription de l’Ain, entre Lyon et Genève, où elle a grandi et où elle vit, « EELV s’est battu pour que je garde la circonscription alors que je ne suis pas encartée, même si bien sûr EELV a aussi son intérêt à avoir une candidate du rural périurbain, ce qui lui manque. Par ailleurs, le territoire à droite depuis 1946 n’est pas donné ultra-gagnable ».

Depuis le mois de janvier 2022, son équipe de soixante-dix personnes, dont beaucoup de primo-militants, des jeunes, proches de la primaire populaire et d’anciens Gilets Jaunes, ont frappé à plus de sept mille portes pour convaincre, « si nous l’emportons à la fin, ce sera grâce à l’accord et j’en suis immensément reconnaissante, mais ce sera aussi grâce à notre travail acharné. L’union est le dernier truc qui déclenche l’envie chez les électeurs, le travail des militants de terrain reste primordial ».

Lumir Lapray n’est pas davantage dupe des jeux d’appareil et du sort réservé à certains de ses camarades du collectif Quartier Général, « ceux qui sont repêchés ont rejoint à temps le parlement du MFI et ils ont fait campagne pour le premier tour des élections présidentielles, ou ils se sont rappelés régulièrement au bon souvenir d’EELV ou du Parti Socialiste. Ici, nous n’avons pas fait publiquement le choix de soutenir un candidat plutôt qu’un autre pour ne pas fracturer notre collectif et les partis ont eu du mal à l’admettre, mais cette logique va pénaliser pour ces élections législatives les militants de terrain et valoriser ceux qui sont à Paris et qui ont le temps de ne faire que de la politique ».

Le bisontin Stéphane Ravacley, connu pour sa grève de la faim pour obtenir la régularisation de son apprenti, sera lui aussi soutenu par la Nouvelle Union Populaire sur la deuxième circonscription du Doubs, mais il observe avec quelques regrets la mécanique à l’œuvre pour la désignation des candidats, « ceux issus de la société civile, qui partent sans étiquette, en bavent plus que nous, car ils n’ont personne derrière eux et ils ont des monstres politiques devant eux. Moi, j’ai eu de la chance, c’est un parti qui est venu me chercher, mais les appareils ne doivent pas oublier pour quoi et au nom de quoi nous y allons ».

Bénévole au sein du collectif Quartier Général, l’ancienne directrice du site www.change.org et figure des activistes français Sarah Durieux ne voudrait pas que « le débat sur l’intégration de ces candidatures, en train d’enfler un peu partout à mesure que les investitures se confirment, s’arrête à des considérations seulement morales ou éthiques, pour simplement mettre de vrais candidats à l’assemblée nationale. Il s’agit pour les partis de travailler avec des personnes qui vont revisiter les méthodes démocratiques sur le terrain, pour faire venir les électeurs et les associer, tout au long d’un mandat, et donc pour permettre de recréer le lien manquant entre les mouvements sociaux et politiques ».

Cela passe notamment, explique Sarah Durieux, par une transformation du financement des partis, pour le moment soumis à la seule question électorale, mais également par une sorte de repositionnement des frontières de l’activisme, « il n’y a pas, d’une part, les méchants partis politiques et, d’autre part, les gentils militants, mais il y a une grande méfiance de part et d’autre. Le changement tient au fait d’assumer des lignes de clivages politiques claires pour les activistes, mais aussi de prendre au sérieux l’aspect délibératif chez les politiques. Nous n’y sommes pas encore ».

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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 17:27

 

 

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article62042

 

Où étiez-vous il y a huit ans et il y a dix-huit ans ?

Jeudi 7 Avril 2022

Où étiez-vous il y a huit ans ? C’est la question que brandit la propagande russe, pointant du doigt les bombardements et les tirs d’obus dans les régions de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Le conflit armé y a débuté en 2014 et il ne s’est guère arrêté depuis. Mais c’est une question qu’il vaut mieux adresser au Kremlin lui-même. Important Stories nous rappelle comment ce n’est pas il y a huit ans, mais c’est il y a dix-huit ans que le Kremlin a commencé à s’ingérer dans la politique ukrainienne, puis il a déclenché une guerre civile en Ukraine.

Vladimir Poutine n’a jamais perçu l’Ukraine comme un état indépendant. Une fois, bien avant ses discours historiosophiques actuels, lors d’une conversation avec le président américain George Bush, Vladimir Poutine a éclaté, « l’Ukraine n’est même pas un état, une partie de son territoire appartient à l’Europe de l’Est et une autre partie, importante, a été donnée par nous ».

« Il a toujours traité l’Ukraine comme la région de Tambov. Les présidents ukrainiens ne l’intéressaient guère. Ce sont des gouverneurs pour lui. C’est juste par erreur que nous les avons appelés président au lieu de gouverneur », a déclaré à propos de Vladimir Poutine le banquier en fuite Sergei Pougatchev, qui connaît bien le président russe.

Cette attitude envers le pays voisin s’est manifestée pour la première fois lors des élections présidentielles ukrainiennes de 2004, dans laquelle la Russie est directement intervenue. Avant la guerre, l’Ukraine était traditionnellement divisée dans ses tendances politiques entre l’Ouest et l’Est. Cette fois, l’Ouest avait voté pour Viktor Iouchtchenko, soutenu par l’Union Européenne et par les États-Unis, tandis que l’Est avait voté pour Viktor Ianoukovitch, soutenu par le président ukrainien sortant Leonid Koutchma et Vladimir Poutine.

Le Kremlin a envoyé une armée de technologues politiques en Ukraine pour aider Viktor Ianoukovitch. Il y avait, parmi eux, Gleb Pavlovsky, l’un des idéologues de Vladimir Poutine à l’époque, et Sergei Markov, qui se souvient que « nous avons toujours évoqué le fait que, en Ukraine, notre principal client et notre principal dirigeant est l’administration présidentielle russe », de même que Timofey Serhiytsev, qui écrit désormais des articles appelant au meurtre des nazis ukrainiens. L’élection s’est déroulée avec une tournée de stars russes, il y avait une publicité affichée à Moscou représentant Viktor Ianoukovitch, qui s’est rendu à la fête d’anniversaire de Vladimir Poutine avec Leonid Koutchma sous les caméras avant l’élection. Avant l’élection, Vladimir Poutine s’est personnellement rendu à Kiev et il a fait campagne pour Viktor Ianoukovitch.

Mais au lieu d’une victoire à Kiev, le premier Maidan s’est produit. Les résultats préliminaires de la Commission Electorale Centrale (CEC), qui donnaient la victoire à Viktor Ianoukovitch, divergeaient trop du sondage national de sortie, qui donnait la victoire à Viktor Iouchtchenko. Les manifestants sont sortis sur Khreshchatyk, ils ont monté des tentes et ils y sont restés jusqu’au mois de janvier 2005. D’après les souvenirs de Leonid Koutchma, Vladimir Poutine a laissé entendre qu’il fallait disperser l’opposition par la force, mais Leonid Koutchma a refusé. Le tribunal a prouvé qu’il y avait eu fraude et Viktor Iouchtchenko est devenu président au troisième tour.

Après la défaite, Gleb Pavlovsky est rentré en Russie et, selon ses propres termes, il a inventé le terme de menace orange, qui s’est ensuite transformé en révolution orange. Gleb Pavlovsky a expliqué plus tard que l’ensemble de l’équipe idéologique de l’administration de 2005 a participé à la création de cette notion, « la menace orange était un concept de menace, comme une contre-propagande défensive contre le président américain George Bush et son idée de répandre la démocratie ».

Viktor Ianoukovitch est devenu président en 2010 et il a promis de signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne. La principale partie substantielle de l’accord était un accord de libre-échange qui permettrait à l’Ukraine de s’intégrer progressivement dans l’espace économique européen, mais son message idéologique était bien plus important, l’accord symbolisait le choix européen ultime de l’Ukraine, l’Ukraine est l’Europe.

C’est pourquoi la Russie s’est catégoriquement opposée à la signature de l’accord et a utilisé toutes ses carottes et tous ses bâtons pour l’empêcher.

Le principal bâton a été le blocus douanier. La Russie a bloqué presque toutes les exportations ukrainiennes à la frontière et a déclaré qu’elle retirerait tous les avantages commerciaux à son voisin. « Avec la signature de l’accord, l’Ukraine perd son indépendance et cesse d’être pour nous non seulement un partenaire stratégique, mais même un partenaire à part entière », a averti le conseiller de Vladimir Poutine, Serge Glazyev, l’un des principaux stratèges du Kremlin en direction de l’Ukraine.

Serge Glazyev a ensuite proféré des menaces presque tous les jours, promettant à l’Ukraine divers problèmes si l’accord avec l’Union Européenne était conclu, « l’Ukraine perdrait un milliard cinq cent millions à deux milliards de dollars, Gazprom se retirerait de l’Ukraine, l’Ukraine deviendrait une colonie de l’Union Européenne, Bruxelles lui dicterait ce qu’elle doit faire et l’Ukraine serait inévitablement confrontée à un désastre financier et peut-être à la désintégration de son état ».

La principale carotte étant l’argent. La Russie a offert à l’Ukraine un total de quinze milliards de dollars en aide directe, prêts et préférences diverses. Le Kremlin a promis de baisser le prix du gaz, de financer plusieurs grands projets d’infrastructure et a tenté d’intéresser des hommes d’affaires proches de Viktor Ianoukovitch à participer à des projets extrêmement rentables.

En 2013, Viktor Ianoukovitch a baissé sa garde et il a accepté de reporter la signature, ne tenant absolument pas compte de l’indignation que cela provoquerait chez les ukrainiens. L’Ukraine a donc connu son deuxième Maïdan en 2014, qui s’est transformé en une révolution de la dignité. Viktor Ianoukovitch et son entourage ont fui en Russie, où ils l’ont placé dans une datcha du gouvernement à Bakovka. Il a acheté une ferme d’autruches quelque part dans la région de Krasnodar et il pratique l’élevage, dit un interlocuteur qui a travaillé pour le Kremlin pendant ces années.

Ayant perdu tout espoir de soumettre l’Ukraine par la pression et la corruption, le Kremlin a décidé de la briser. Ils ont commencé par la Crimée.

« Vous nous rendrez des comptes pour Sébastopol », cette célèbre réplique de film a toujours été populaire auprès d’une partie de l’élite russe. Par exemple, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, qui a proposé la construction d’un pont sur le détroit de Kertch en 1999, a toujours dit que la Crimée devait être rendue à la Russie, « la question de Sébastopol devrait être portée devant un tribunal international ».

« Lorsque j’ai été nommé en 2013, même à l’époque, il y avait une carte de l’empire russe accrochée dans la salle de réception du premier chef adjoint de l’administration présidentielle Vladislav Sourkov, sur laquelle la Crimée faisait partie de la Russie. Avant le référendum, nous nous sommes rendus en Crimée à plusieurs reprises, notamment pour discuter des questions liées à la préparation d’un accord sur la construction d’un corridor de transport à travers le détroit de Kerch. Pour le reste, réfléchissez par vous-même », a déclaré à la presse Boris Rapoport, ancien subordonné de Vladislav Sourkov, dont le nom figurait régulièrement dans les réunions du Kremlin sur l’Ukraine. Les plans pour rendre la Crimée au Kremlin ont toujours existé, confirme un interlocuteur au Kremlin.

À en juger par les nombreuses lettres adressées au bureau de Vladislav Sourkov, l’annexion de la Crimée était préparée à l’avance. Trois mois avant qu’elle ne commence, Vladislav Sourkov recueillait déjà des informations sur l’organisation du système électoral en Crimée et à Sébastopol et, au mois de février 2014, il a reçu des estimations relatives au pont de Kerch. Les préparatifs de l’annexion de la Crimée ont commencé des mois avant que Viktor Ianoukovitch ne se réfugie à Moscou, en fait, depuis les premiers jours du mouvement de la Place Maïdan, convient un interlocuteur de Russie Unie qui a reçu les instructions pertinentes du Kremlin par le biais de la ligne du parti.

Outre Vladislav Sourkov, Serge Glazyev a également supervisé l’annexion de la Crimée. En 2014, les actions pro-russes en Crimée et en Ukraine continentale ont été payées avec des fonds russes et le gouvernement du dirigeant de Crimée, Sergueï Aksenov, a été formé avec la participation du cousin de Vladimir Poutine, Viktor Medvedchuk, un homme politique ukrainien et ancien chef de cabinet du président ukrainien Leonid Koutchma. Cela découle des enregistrements des conversations téléphoniques de Serge Glazyev avec le chef de l’institut russe des pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), Konstantin Zatulin, qui ont été présentés lors du procès pour trahison d’état de Viktor Ianoukovitch.

Lorsque des participants du mouvement de la Place Maidan ont été abattus à Kiev au mois de février 2014, le président du parlement de Crimée, Vladimir Konstantinov, a déclaré que, si la situation s’aggravait, il n’excluait pas que la Crimée fasse sécession de l’Ukraine. Pour protéger la péninsule, les cosaques qui, sur les instructions de Serge Glazev, ont coordonné les troubles lors des rassemblements à Simferopol du 27 février 2014, se sont unis. Au même moment, des barricades sont apparues devant les bâtiments du Conseil de Crimée et du Soviet Suprême, et dans la matinée, des hommes armés portant des uniformes verts non marqués sont entrés dans le parlement et ont accroché des drapeaux russes et de Crimée sur les bâtiments. Il s’agit des forces spéciales russes, qui seront communément appelées hommes verts, la propagande russe préfère le terme de personnes courtoises. Le président du conseil des ministres de Crimée, Anatoliy Mogilev, a essayé de négocier avec eux. Des députés ont été introduits dans le bâtiment et des militants pro-russes ont commencé à être amenés à l’intérieur. Les députés de Crimée ont donc voté en faveur d’un référendum sur le statut de la Crimée, ils ont démis leur premier ministre Anatoly Mohylyov et ils ont nommé le leader de l’Unité Russe, Serge Aksyonov, comme nouveau premier ministre.

Serge Aksyonov et Vladimir Konstantinov n’ont pas admis que des bâtiments gouvernementaux aient été saisis par l’armée russe. Vladimir Poutine a également menti, « regardez l’espace post-soviétique. Il y a beaucoup d’uniformes qui ressemblent à des uniformes militaires russes. Allez dans un magasin ici et vous pouvez acheter n’importe quel uniforme. Il s’agissait de forces d’autodéfense locales ».

Le 16 mars 2014, l’armée russe a contrôlé un référendum au cours duquel les habitants de la péninsule ont voté pour rejoindre la Russie.

Quelque temps plus tard, lorsqu’il est devenu évident que la majorité des russes approuvaient sans équivoque l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine a dit une partie de la vérité. « Derrière les forces d’autodéfense de Crimée se tenaient, bien sûr, nos militaires », a-t-il admis au mois d’avril 2014. Et un an plus tard, dans un film de propagande spécial, il a révélé qu’il avait donné l’ordre de commencer à travailler au retour de la Crimée à la Russie dès le matin du 23 février 2014, quatre jours avant que les soldats russes ne s’emparent du parlement. Vladimir Poutine a également admis qu’il avait personnellement dirigé l’opération spéciale visant à s’emparer de la Crimée, « notre avantage était le fait que je m’en sois occupé personnellement. Non pas parce que j’ai tout bien fait là-bas, mais parce que, lorsque les dirigeants de l’état le font, il est plus facile pour les exécutants de travailler ».

Mais la Russie n’a pas seulement revendiqué la Crimée. À en juger par les négociations interceptées, le plan du Kremlin était de miner tout le sud et l’est de l’Ukraine et de forcer les parlements locaux à accepter les appels lancés à la Russie pour les annexer. Le jour où les hommes verts ont saisi les bâtiments administratifs en Crimée, Konstantin Zatulin a demandé à Serge Glaziev de l’argent pour Kharkiv et Odessa, « tout est déjà consommé. Nous avons déjà épuisé toutes les munitions. Nous avons besoin d’environ trente à cinquante personnes, rapidement. Pas seulement pour cela. Les marcheurs sont arrivés. Nous avons discuté de Kharkiv et d’Odessa et nous devons les libérer. J’ai reçu l’instruction directe de la direction de soulever les ukrainiens, où nous pouvons. Nous devons les faire descendre dans la rue et nous devons faire comme nous l’avons fait à Kharkiv, conformément au modèle, le plus rapidement possible ».

À l’époque, à Kharkiv, des militants organisaient des rassemblements pro-russes et tentaient de décréter une République Populaire de Kharkiv. L’organisation pro-russe Oplot, créée en 2010, était responsable de l’action contre Maidan sur place, avec un financement dont ont parlé Serge Glaziev et Konstantin Zatulin, ainsi que le gouverneur pro-russe Mikhail Dobkin. Au mois de mars 2014, les participants au rassemblement contre Maidan à Kharkiv ont pris d’assaut le bâtiment de l’administration régionale et plantant un drapeau russe sur le toit.

C’est ainsi que le projet Novorossiya a commencé. Le projet n’a jamais eu un seul auteur, affirme un interlocuteur qui travaillait pour le Kremlin à l’époque. Dans le même temps, Vladislav Sourkov, Serge Glazyev, Viktor Medvedchuk et les oligarques qui leur sont proches, ainsi que le FSB et le bloc économique du gouvernement, y ont participé.

La correspondance ouverte du subordonné de Vladislav Sourkov, Boris Rapoport, contenait des détails opérationnels sur l’organisation de manifestations populaires à Kharkiv, à Odessa, à Kherson et dans d’autres villes. Après la prise de contrôle de l’administration régionale de Kharkiv, le conseil des ministres s’est réuni d’urgence à Kiev et a adopté un plan d’action pour faire face aux tentatives de déstabilisation de la situation dans l’est de l’Ukraine. C’est ainsi que le ministre ukrainien de l’intérieur Arsen Avakov s’est retrouvé à Kharkiv et que l’administration a été reprise d’assaut par les forces spéciales de la région de Vinnytsia. Les grands hommes d’affaires Igor Kolomoisky et Serhiy Taruta ont été nommés gouverneurs des régions de Dnipropetrovsk et de Donetsk. L’agitation a été éteinte et certains de leurs participants ont fini derrière les barreaux, par exemple, Pavel Goubarev, qui s’est autoproclamé gouverneur populaire de l’oblast de Donetsk et a prôné la sécession de la région de l’Ukraine.

Le Kremlin n’a vraiment réussi qu’à mettre le feu au Donbass. Le 12 avril 2014, des hommes armés dirigés par Igor Strelkov Girkin s’emparent de Slavyansk et la guerre commence. Igor Strelkov avait sélectionné des personnes pour une mission dans le Donbass depuis les événements de Crimée. « Il a rassemblé un groupe de cinquante-deux personnes de Kiev, de Kharkov, d’Odessa et de Crimée », a déclaré Aleksandr Zhuchkovsky, qui a aidé l’unité d’Igor Strelkov. Ils se sont rendus à Slavyansk où un groupe d’habitants soutenait activement la Russie.

Igor Strelkov a fait l’éloge de son rôle dans ces événements, « j’ai appuyé sur la gâchette de la guerre après tout. Si notre unité n’avait pas traversé la frontière, tout aurait fini comme à Kharkov et à Odessa. Il y aurait eu quelques dizaines de personnes tuées, brûlées et arrêtées, et cela aurait été la fin de tout cela. Le volant de la guerre, qui se poursuit encore aujourd’hui, a été mis en mouvement par notre unité ».

Igor Strelkov a connu plusieurs guerres et il se décrit comme un ancien officier du FSB. Dans la vie civile, il a travaillé pour l’homme d’affaire orthodoxe Konstantin Malofeev, dont les fonds ont ensuite ouvertement parrainé les républiques non reconnues.

Pendant près de trois mois, Slavyansk, sous le contrôle d’Igor Strelkov, a été le principal avant-poste des militants et un centre de rassemblement pour ceux qui décidaient de rejoindre les séparatistes pro-russes. La loi martiale a été imposée dans la ville et Igor Strelkov a introduit la peine de mort. Il a admis qu’il aurait été impossible d’obtenir un succès par la seule milice s’il n’y avait pas eu l’aide militaire de Moscou.

Au final, seules certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk, où des républiques du même nom ont été proclamées après un référendum au mois de mai 2014, ont réussi à prendre le pouvoir.

Le premier ministre de la République Populaire de Donetsk était un citoyen russe, l’analyste politique Aleksandr Boroday, un employé de longue date de Konstantin Malofeev. Les principales nominations de personnel dans la république ont été approuvées à Moscou, selon des conversations interceptées entre Aleksandr Boroday et Vladislav Sourkov. Il en ressort également que des documents clés, tels que l’acte constitutionnel de la Novorossiya, étaient en cours de préparation à Moscou. Vladislav Sourkov est certain qu’une autre version du texte a été envoyée à la république, « mes vaillants assistants se sont embrouillés. Nous serons là pour vous demander de revoter une version plus douce, parce que nous n’en avons pas besoin. Nous ne ferions qu’augmenter le désordre là-bas. Je vous demanderai de revoter plus tard. Pas de bruit, pas de poussière, revotez et c’est tout ».

« Ne vous faites pas d’illusions. Le Kremlin connaît le véritable visage des dirigeants des républiques non reconnues. Ils ne restent à leur place que tant qu’ils font preuve d’un soutien total. Ils peuvent être réprimandés à la vitesse de l’éclair, tout le monde à Donetsk devrait s’en souvenir », c’est ainsi qu’un interlocuteur proche de l’administration présidentielle a décrit la situation.

Selon les interlocuteurs d’Important Stories au Kremlin, après la publication, le 3 avril 2022, des preuves des crimes militaires russes à Boutcha, le chaos a régné dans l’administration présidentielle pendant une demi-journée, puis les médias se sont déchaînés pour nier les événements, « à l’intérieur, tout le monde a commencé à discuter du fait que cela se terminerait au tribunal ».

Tous les responsables interrogés par Important Stories estiment que Vladimir Poutine a décidé d’aller jusqu’au bout dans cette guerre et qu’il ne se retirera pas sans un trophée. Il veut au minimum reprendre les régions de Donetsk et de Louhansk, il veut au minimum le sud-est de l’Ukraine.

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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 16:24

 

 

https://www.infomigrants.net/fr/post/40334/grece--439-ans-de-prison-pour-trois-survivants-dun-naufrage-accuses-detre-des-passeurs

 

Quatre cent trente-neuf ans de prison pour trois survivants d'un naufrage accusés d'être des passeurs

C'est une pratique courante de la justice grecque, qui a frappé fort Jeudi 5 Mai 2022, trois migrants ont été condamnés à de très lourdes peines de prison pour avoir facilité l'entrée illégale d'exilés sur le territoire grec. Ils faisaient partie des survivants d'un important naufrage, survenu au mois de décembre 2021. À eux trois, leurs peines accumulées représentent quatre cent trente-neuf années de prison. Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) dénoncent, une nouvelle fois, un procès à charge.

Trois exilés syriens, Abdallah, Kheiraldin et Mohamad, ont été condamnés, Jeudi 5 Mai 2022, à des peines très lourdes, représentant quatre cent trente-neuf années de prison accumulées, pour aide à l'entrée illégale sur le territoire grec. Tous trois se trouvaient sur une même embarcation, secourue après un naufrage au large de l'île de Paros, au mois de décembre 2021.

L'un d'eux a été condamné à cent quatre-vingt-sept ans de prison en tant que capitaine de l'embarcation et les deux autres ont été condamnés à cent vingt-six ans de prison chacun en tant qu’assistant et que mécanicien, relate l'ONG allemande Borderline Europe.

« Malgré le fait que la cour ait reconnu qu'ils n'étaient pas des passeurs agissant pour en tirer profit et qu'elle ait abandonné la charge de participation à une organisation criminelle, ces trois pères de famille ont quand même été condamnés pour avoir facilité l'entrée illégale sur le territoire grec », dénonce l'ONG sur Twitter.

Les trois hommes comptaient parmi les survivants d'un important naufrage survenu le 24 décembre 2021. À bord de leur embarcation se trouvaient plus de quatre-vingt ressortissants syriens et turcs. Après une dizaine d'heures, les mauvaises conditions météorologiques avaient endommagé les moteurs. Dix-huit personnes ont perdu la vie dans le naufrage, au large de l'île de Paros.

Les gardes côtes grecs ont ensuite cherché à déterminer les responsabilités, en interrogeant les rescapés au sujet des pilotes de l'embarcation. « Les survivants ont témoigné que ce voyage coûtait entre sept mille et dix mille euros par passager. Certains avaient vendu toutes leurs possessions pour pouvoir se le payer », détaille Borderline Europe, qui a mené une reconstitution dans les détails de cette traversée.

Abdallah et Mohamad étaient âgés de trente-deux ans au moment des faits et ils sont, tous les deux, pères de quatre enfants. Kheiraldin avait trente-neuf ans et il a deux enfants. Aucun des trois hommes n'avaient pu réunir une telle somme. « Cependant, ils avaient des connaissances en mécanique qu'ils pouvaient offrir en guise de paiement. Par conséquent, ils ont accepté de réaliser des tâches de pilotage en contrepartie d'un prix plus bas », explique l'ONG dans sa reconstitution.

Dans leur défense, les trois syriens ont témoigné avoir finalement refusé de conduire l'embarcation, jugée bien trop surchargée. « Ils ont été forcés par les passeurs turcs de prendre le contrôle du bateau, sous la menace d'une arme », affirmait l'un de leurs avocats, Alexandros Georgoulis, « tous ont rapporté avoir été détenus dans une maison par des trafiquants turcs armés, jusqu'au départ de l'embarcation ».

L'ONG précise que le fait que des exilés pilotent leur embarcation est une pratique courante sur cette route maritime. Certains le font en contrepartie d'une somme moindre et d'autres y sont forcés, par les passeurs, au moment de l'embarquement.

« Au cours du procès, des proches ont confirmé leurs dires. Un expert a expliqué que ce ne sont pas les passeurs mais les migrants qui doivent diriger le bateau. Le témoin à charge, un officier de la police portuaire, ne s'est pas présenté », a décrit Borderline Europe en direct du tribunal.

Les réactions de la société civile et des ONG ayant suivi le procès ne se sont pas faites attendre. Dimitri Choulis, avocat spécialisé dans le droit des demandeurs d'asile a critiqué la folie des lois draconiennes de l'Europe forteresse, « nous avons besoin d'un changement de législation. Demander l'asile n'est pas un crime ».

« Condamnés à quatre cent trente-neuf ans de prison pour avoir tenté de fuir vers l'Europe, pour avoir échappé à un naufrage et pour avoir voulu construire leur avenir », a martelé le réseau citoyen d'aide aux migrants Alarm Phone sur Twitter.

En Grèce, ce type de condamnation n'est pas rare. C'est même une pratique répandue de la justice, documentée notamment dans un rapport conjoint de trois ONG, paru à la fin de l’année 2020.

À l'heure actuelle, deux mille demandeurs d'asile sont enfermés dans les prisons du pays pour trafic illégal de migrants. Tous ont été condamnés à de lourdes peines après avoir été reconnus coupables d'avoir conduit les canots dans lesquels ils se trouvaient. En plus d'être accusés d'avoir joué le rôle de passeurs, la justice leur incombe parfois la responsabilité des morts survenues au cours de la traversée.

Dans le cas précis des trois hommes, les peines sont particulièrement lourdes. Il existe cependant d'autres cas similaires. Celui de Mohamad Hanad Abdi, par exemple, ce somalien âgé de vingt-sept ans avait été condamné à cent quarante-six ans de prison, au mois de mai 2021.

Du fait de la régularité de ces procès, les exilés condamnés pour un tel motif représentent la deuxième plus grande catégorie de détenus en Grèce.

Au mois de décembre 2022 aura lieu le procès en appel de deux hommes, condamnés chacun à cinquante ans de prison. Comme dans le cas des trois de Paros, les juges n'avaient pas retenu la version du garde-côte qui les accusait d'avoir mis en danger les autres occupants, mais ils avaient ajouté le motif d'aide à l’entrée illégale.

« Ils sont accusés d’être des passeurs, mais cette accusation n’est basée sur rien. Le témoignage du garde-côte sur lequel s’appuyait toute la procédure ne parlait même pas de cela. Ils sont innocentés sur la mise en danger d’autrui mais derrière on rajoute une autre charge, cela n’a pas de sens », avait dit, au mois d’avril 2022, Marion Bouchetel, du Legal Center Lesbos, une ONG grecque qui assure la défense de l'un des deux hommes, auprès d'Info Migrants.

À l'origine, l'embarcation où se trouvaient Abdallah, Kheiraldin et Mohamad, devait poursuivre sa route jusqu'en Italie, en évitant de poser le pied en Grèce. « La question que cela pose, c'est pourquoi ils ne se sont pas arrêtés sur une île grecque, alors que le bateau coulait. De quoi étaient-ils effrayés », avait encore commenté leur avocat Alexandros Georgoulis, « cette question peut nous mener au véritable criminel, à savoir la forteresse Europe ».

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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 15:59

 

 

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/08/communique-unitaire-turquie-nous-condamnons-la-decision-politique-dans-le-proces-gezi-et-exigeons-la-liberation-immediate-de-lensemble-des-detenus/

 

Nous condamnons la décision politique dans le procès du parc Gezi et nous exigeons la libération immédiate de tous les détenus

Lundi 25 avril 2022, la justice turque a prononcé un verdict qui confirme un point de non-retour pour ce qui reste du système judiciaire en Turquie.

A l’issue du procès du parc Gezi, Osman Kavala, entrepreneur philanthrope, figure importante de la société civile et détenu depuis quatre ans malgré les décisions de la Cour Européenne des Droits Humains (CEDH) et de la Cour Constitutionnelle de Turquie, a été condamné à la perpétuité aggravée, la peine maximale, pour tentative de renversement du gouvernement.

Mucella Yapıcı, Cigdem Mater, Hakan Altinay, Mine Ozerden, Can Atalay, Tayfun Kahraman et Yigit Ali Ekmekci, ont tous été condamnés à dix-huit ans de réclusion. Il s’agit de représentants de la Plateforme de Solidarité Taksim crée lors des protestations qui avaient gagné l’ensemble du pays en 2013.

Cette plateforme regroupait des organisations professionnelles d’architectes, d’ingénieurs, d’avocats, d’artistes, de journalistes, de médecins, de syndicalistes et de représentants de diverses associations et partis politiques opposés au projet de destruction du parc Gezi.

Alors que, par deux fois déjà, l’accusation avait été déboutée et les accusés avaient été relaxés, cette fois-ci, les nouveaux juges n’ont même pris la peine d’étudier le dossier avant de prononcer ces sentences iniques.

L’un des trois juges, nommé en urgence au tribunal pénal, est un ancien candidat à la députation du parti de la justice et du développement (AKP), le parti de Recep Tayyip Erdogan.

Cette décision confirme la fin de l’état de droit en Turquie et elle porte un coup dévastateur à Osman Kavala, à ses coaccusés et à leurs familles, mais aussi à tous ceux qui croient en la justice et en l’importance des droits humains.

Cette décision intervient dans un contexte où la répression et l’intimidation du pouvoir en place s’accélèrent dans la perspective des élections générales turques prévues en 2023.

Ces dernières semaines, le député Garo Paylan a été accusé de trahison pour avoir soumis, pour la neuvième fois comme chaque 24 avril, une proposition de loi visant à reconnaître le génocide arménien. Cette année, toute commémoration du génocide a été interdite en Turquie. De même, une opération militaire baptisée Griffe du Tigre a été lancée contre les régions kurdes.

Les organisations signataires condamnent cette décision politique. Nous exigeons la libération immédiate des détenus. Nous demandons au gouvernement français et aux responsables européens d’interpeller leurs homologues turcs sur les exactions commises par le régime en place. Nous réaffirmons notre soutien et notre vigilance sans faille à toutes les forces progressistes de Turquie, qui résistent à l’autoritarisme, pour faire régner la démocratie.

Premiers signataires

Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l'Action citoyenne (ATTAC), Comité pour le Respect des Libertés et des Droits Humains en Tunisie (CRLDHT), Confédération Générale Autonome des Travailleurs en Algérie (CGATA), Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Front Unique des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP), Ligue des Droits Humains (LDH), Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), SOS Racisme, Confédération Générale du Travail (CGT), Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Union Syndicale Solidaire (USS), Ensemble, Europe Ecologie Les Verts (EELV), Générations, Mouvement de la France Insoumise (MFI), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Parti Communiste Français (PCF), Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS)

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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 15:23

 

 

https://europalestine.com/2022/05/05/teva-jen-veux-pas-victoire-a-la-cour-dappel-de-lyon/

 

Victoire à la cour d'appel de Lyon

Olivia Zémor, poursuivie depuis des années par le fabricant de médicaments génériques Teva et sa meute d’officines israéliennes en France, a été relaxée par la cour d'appel de Lyon, Jeudi 5 Mai 2022.

L’audience d’appel avait eu lieu au mois de janvier 2022, suite à une première relaxe prononcée en 2021. L’affaire concernait une action d’information du public devant une grande pharmacie de Lyon, organisée au mois de novembre 2016 par les militants du Collectif Palestine du Rhône.

C’est en sa qualité de directrice de publication du site d’Europalestine qu’Olivia Zemor avait été mise en examen, suite à une plainte du laboratoire israélien Teva, bientôt accompagné par le Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme (BNVCA) du fameux Sammy Ghozlan, et les deux entités de l’avocat d’extrême-droite et défenseur habituel des voyous de la Ligue de Défense Juive (LDJ), Gilles-William Goldnadel, à savoir les associations France-Israël et Avocats Sans Frontières.

La victoire obtenue Jeudi 5 Mai 2022 est un encouragement de plus à la poursuite de la campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre le régime de l’apartheid israélien. La cour d’appel de Lyon a ainsi jugé que le fait de dire que Teva finançait l’armée israélienne ne constituait en rien une diffamation, comme le prétendait le laboratoire pharmaceutique, et qu’il n’y avait de notre part aucun appel à la discrimination à raison de l’appartenance à la nation israélienne.

L’arrêt de la cour d’appel de Lyon intervient après l’arrêt historique de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du mois de juin 2020 qui a sanctionné l’état français et qui lui a même infligé une pénalité de cent mille euros, pour avoir injustement condamné des militants de Mulhouse.

Elle intervient aussi quelques jours après les décisions du conseil d’état, la juridiction administrative suprême en France, qui a suspendu des décrets du gouvernement d’Emmanuel Macron et de Gérald Darmanin ayant prononcé la dissolution de deux associations de défense des droits du peuple palestinien, le Collectif Palestine Vaincra (CPV) de Toulouse et le Comité Action Palestine (CAP) de Bordeaux.

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