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Emmanuel Macron nous fait la guerre et sa police aussi
« Nous sommes en guerre », a répété inlassablement Emmanuel Macron dans son discours du 16 mars 2020, très inspiré de l'appel du 18 juin de Charles de Gaulle. En relançant l'invocation de l'esprit de résistance contre l'ennemi, déjà utilisé depuis les attentats terroristes de 2015, ce discours avait surtout comme but de forcer les français à se ranger derrière ce nous, sous peine d'être soupçonnés de dissidence et de s'exposer à diverses formes de répression.
En effet, depuis cette guerre déclarée au coronavirus, nous avons vu se succéder des mesures attentatoires aux libertés, attestations, couvre-feux et passeport sanitaire, qui ont été adoptées dans le cadre d'un état d'urgence régulièrement prolongé sans réel débat démocratique.
Déclarer un pays en guerre permet ainsi d'habituer les citoyens à voir leurs libertés rognées, avec comme corollaire l'adoption de mesures d'exception qui peuvent se retrouver banalisées et introduites dans la loi commune.
La particularité de ce type de guerre est d’être menée contre des ennemis de l'intérieur. Dès lors, c'est chaque citoyen qui devient suspect et tout mouvement de contestation peut être accusé, à la discrétion des décideurs, de nuire à la sécurité du pays.
De fait, les guerres lancées contre les ennemis de l'intérieur ne manquent pas. Il y a la guerre contre les chômeurs de la réforme qui démolit l'assurance chômage du mois d'octobre 2021. Il y a la guerre contre l'islamisme ressemblant davantage à une guerre menée contre les musulmans à la lecture de la loi contre le séparatisme du mois d'août 2021. Il y a la guerre contre les jeunes des quartiers pauvres, les manifestants, les Gilets Jaunes, les migrants, les teufeurs, les féministes et les écologistes radicaux, en application de la loi de sécurité globale du mois de mai 2021.
Une guerre contre les ennemis de l'intérieur justifie de surveiller et de contrôler les suspects, c'est-à-dire toute la population, et de réprimer la part la moins docile de cette population. En attestent la loi de renseignement du mois de juillet 2021 et la loi relative aux drones en cours d'adoption. Une guerre de ce type nécessite la constitution et la formation de l'armée des forces de l'ordre. En témoigne la visite d'Emmanuel Macron à Montpellier pendant laquelle il n'a pas hésité à qualifier d'école de guerre la nouvelle académie de police qui y serait créée. Mais à qui donc la police est-elle censée faire la guerre ?
Cela se traduit aussi concrètement par une évolution des tenues et des équipements des forces de l'ordre qui ressemblent à des soldats suréquipés. Elles incarnent des êtres inhumains surpuissants contre les civils que les forces de l'ordre croisent et qu'elles sont censées protéger. Leurs armures virilistes les inciteraient-elles à se défaire de toute humanité ? Cette militarisation de la police contribue notamment à faire régner la peur pour dissuader toute contestation sociale de l'ordre établi et des nouveaux choix politiques.
De fait, et sauf rare exception, l’armement des forces de l'ordre ne cesse d’augmenter. Pour bénéficier de réductions dans les transports publics lors de leurs déplacements privés, que sont en train de perdre les cheminots, les policiers sont maintenant tenus d’avoir sur eux leur arme de service. En parallèle, l’usage des armes policières mutilantes, faussement présentées comme non-létales, s’étend. C’est au tour des surveillants des prisons de Lyon de disposer de Lanceurs de Balles de Défense (LBD) depuis la fin de l'année 2020 et de certaines polices municipales comme à Angers depuis le mois de novembre 2021.
L'industrie de l'armement est, nous le savons, l'un des fleurons français. Toutes les catégories d'armement sont concernées, des sous-marins aux LBD. Tandis que les ventes d'armes meurtrières à d'autres pays en conflit sont régulièrement contestées, l'exportation des armes dites non-létales est moins connue. La carte et le dossier établis par Maxime Reynié donnent à voir cette influence française qui s'étend notamment en Afrique et au Moyen-Orient.
La France peut d'ailleurs se targuer d'héberger deux des congrès mondiaux les plus prestigieux dans le domaine, Eurosatory et Milipol. Ce dernier, consacré à la sureté et à la sécurité, s'est tenu du 19 octobre au 22 octobre 2021 à Villepinte. En 2019, il avait accueilli mille quatre vingt neuf exposants, cent soixante sept délégations et vingt six stands commercialisant des armes dites à létalité réduite, un vrai succès. Parmi les nouveautés de 2021, Street Press mentionne une arme non-létale, Byrma Max, d'origine sud-africaine, envoyant des balles chargées d'un mélange de poivre et de de gaz lacrymogène. Grâce à l'impact cinétique et à l'effet irritant du mélange, la victime peut alors être immobilisée pendant une quinzaine de minutes. Elle sera bientôt dans les rues.
Les armes policières mutilantes contribuent à la dynamique de militarisation des polices nationales et des polices municipales. Contrairement aux discours des autorités et des constructeurs, les armes mutilantes ne diminuent pas l'usage des armes à feu. Au contraire, leur usage décomplexe les tirs par armes létales. Par ailleurs, que ce soit en zone rurale, dans les Zones A Défendre (ZAD), à Bure, en centre-ville et dans les quartiers périphériques, y compris lors de veillées funéraires, l'utilisation régulière des armes mutilantes par la police provoque des scènes de guerre, nuages de gaz lacrymogènes, grenades, tirs tendus de balles de défense, tirs et explosions des Grenades à Main de Désencerclement (GMD) à l’utilisation massivement non-réglementaire, donnant lieu à des morts et à des mutilés.
Car évidemment, tout ce développement guerrier serait une farce grotesque et coûteuse d’un nouvel Ubu roi s’il n’y avait pas des conséquences concrètes et des victimes en chair et en os.
Inévitablement, la guerre et ses armes produisent des victimes, des gueules cassés et des vies brisées. Malgré les polémiques et les postures intenables qui visent à nier ces victimes et les violences policières, l’action de la police tue et la tendance n’est pas à la baisse. Elle mutile aussi, marquant à vie les victimes et traumatisant les témoins de ces violences, qu'ils en soient conscients ou qu'ils n'en soient pas conscients.
Le mois de novembre 2021 a ainsi commencé avec un jeune de quatorze ans, défiguré par un tir de LBD en réplique à des tirs de feux d’artifices à Argenteuil. Aussi, l’intervention policière brutale, avec tirs de grenades lacrymogènes et de LBD, lors de la free-party de Redon le 18 juin et le 19 juin 2021 a provoqué de nombreuses blessures dont une main arrachée.
Pire, les forces de l'ordre n’ont pas permis que les secours interviennent et le mutilé a été amené aux urgences par des particuliers. Refus de porter secours d’autant plus cynique que cette fête était un hommage à Steve Maia Caniço, mort par noyade lors d’une autre intervention policière pendant la fête de la musique à Nantes au mois de juin 2019 et dont les responsables commencent à peine à être jugés.
C'est un autre aspect de la guerre. La justice semble faire exception quand il s'agit de juger les soldats de l'ordre sur le terrain ou leurs supérieurs hiérarchiques. Aucune sanction administrative n'a été demandée contre le policier responsable du tir de grenade lacrymogène ayant tué Zined Redouane le 2 décembre 2018, malgré la reconstitution experte des faits. La famille de Rémi Fraisse, écologiste tué en 2014 par une grenade offensive, ne réussit pas à obtenir un procès complet, bien que la responsabilité de l'état commence à être reconnue.
Pour mettre fin à ce regain guerrier voulu par le pouvoir en place, pour que la liste des gueules cassées et des morts cesse de s'allonger et pour défendre nos libertés de circuler et de manifester, l'interdiction des armes policières mutilantes est et demeure une étape indispensable.