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Certains volets de la loi contre l'immigration peuvent se retravailler, estime Emmanuel Macron
L'adoption du texte de la loi contre l’immigration, Mardi 19 Décembre 2023, a déclenché une crise ouverte dans le camp d’Emmanuel Macron. Plusieurs députés de la majorité ont voté contre et Aurélien Rousseau, ministre de la santé, a démissionné.
Après l'adoption, Mardi 19 Décembre 2023, dans la douleur, de la loi contre l’immigration portée par le gouvernement, la majorité présidentielle vit une crise ouverte dans ses rangs. Malgré les déclarations de la première ministre Elisabeth Borne, Mercredi 20 Décembre 2023 sur France Inter, qui nie toute crise dans son camp, le texte contre l’immigration suscite un profond malaise chez les députés de la Renaissance, notamment en raison du soutien de dernière minute au texte par le Rassemblement National, qui s'est déclaré vainqueur idéologique de la séquence.
Après l'interview de la première ministre, Mercredi 20 Décembre 2023 dans la matinée, Emmanuel Macron s'exprimera Mercredi 20 Décembre 2023 dans la soirée dans une émission de la cinquième chaîne de la télévision française, signe qu'il y a bien un incendie à éteindre.
À l'issue du conseil des ministres, qui s'est tenu Mercredi 20 Décembre 2023 en fin de matinée, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a annoncé qu'Emmanuel Macron, en personne, saisira le conseil constitutionnel, Mercredi 20 Décembre 2023. Il s'agit de demander au conseil constitutionnel de statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi à la constitution, a précisé le ministre, alors que la crise politique est ouverte dans la majorité. La première ministre Élisabeth Borne a reconnu Mercredi 20 Décembre 2023 dans la matinée que certaines mesures étaient inconstitutionnelles et que le texte serait amené à évoluer.
« Il y a dans cette loi des choses que nous n'aimons pas, mais qui ne nous déshonorent pas. Pour certaines des mesures, nous réinterrogerons celles-ci dans un avenir proche », a déclaré Olivier Véran, ajoutant que ce texte n'avait rien à voir avec la préférence nationale et dénonçant une véritable escroquerie du Rassemblement National.
Le ministre de la santé avait confié au Monde, Mardi 19 Décembre 2023 en début de soirée, que « ma décision ne fait aucun doute. Si le texte est voté, je pars ». C'est désormais chose faite, Aurélien Rousseau a démissionné du gouvernement, a confirmé mercredi Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, à l'issue du conseil des ministres, Mercredi 20 Décembre 2023. La ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo assurera l'intérim au ministère de la santé.
De son côté, la ministre de la culture Rima Abdul Malak a démenti sur son compte Instagram des rumeurs de démission la concernant à la suite de l'adoption du projet de loi controversé sur l'immigration, « contrairement aux rumeurs qui ont circulé, je n'ai pas envisagé de démissionner du gouvernement. Ma détermination à poursuivre mes combats est totale. Au nom des larmes de mes parents quittant leur Liban natal et au nom de cette France qu'ils ont choisie pour sa devise de liberté, d’égalité et de fraternité, que je ne cesserai jamais de défendre et de servir, vous me trouverez encore rue de Valois tant que le président de la république et la première ministre m'accorderont leur confiance prête à poursuivre ces justes combats ».
Face aux critiques virulentes de la gauche, des associations et d'une partie de sa majorité, contre ce texte marqué à droite, Elisabeth Borne, profondément humaniste, a assuré que « j’ai veillé à ce que ce texte respecte nos valeurs. J’ai le sentiment du devoir accompli, après l'adoption de mesures utiles, efficaces et attendues par nos concitoyens. Je ne tiens pas compte des voix du Rassemblement National, puisque le texte, voté à l'Assemblée Nationale par trois cent quarante-neuf voix contre cent quatre-vingt-six voix, aurait pu être adopté sans les quatre-vingt-huit voix du Rassemblement National qui a fait le coucou. Des mesures de la loi sont probablement contraires à la constitution et le texte sera amené à évoluer. Je n’exclue pas de revenir sur certaines dispositions, comme les Aides Personnalisées au Logement (APL), qui ont cristallisé les derniers débats ».
Quelques heures avant le vote, plusieurs ministres défavorables au texte ont mis leur démission dans la balance avant de se réunir avec d'autres tenants de ce même courant, dont le ministre des transports Clément Beaune, le ministre du logement Patrice Vergriete et la ministre de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau.
Plusieurs figures de la majorité ne cachaient pas Mercredi 20 Décembre 2023 dans la matinée leur gêne, accentuée par le ralliement de Marine Le Pen à ce texte qui a pour but de faciliter les expulsions des migrants illégaux et de rendre moins attractif pour les étrangers le système de protection sociale français. Le président de la commission des lois, Sacha Houlié, qui a voté contre le texte, a dit sur Radio-Télévision Luxembourg (RTL) qu’il a un peu la gueule de bois, car cette loi contre l’immigration n'est pas le projet de la majorité et qu’elle comprend une trentaine de mesures inconstitutionnelles.
Le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure, a dénoncé une crise politique comme nous n’en avons pas connue depuis des années et un malaise général dans la majorité. Il juge inouï que des membres de la majorité expliquent qu'ils votent des sujets anticonstitutionnels, en semblant espérer une censure des dispositions les plus controversées, « c’est une grande première. Le travail qu'ils n'ont pas fait eux-mêmes, ils demandent au conseil constitutionnel de le faire. Je n'ai jamais vu cela. Le conseil constitutionnel n'est pas la lessiveuse des consciences. Cette loi est très grave. Pour la première fois, nous avons introduit dans la loi un principe pour lequel Jean-Marie Le Pen combattait depuis quarante ans, le principe de préférence nationale. Le combat contre cette loi réunira-t-il la gauche éparpillée ? Il y a une évidence, il s'est passé quelque chose et nous devons tous en prendre conscience ».
« Emmanuel Macron peut encore ne pas promulguer la loi contre l’immigration », a déclaré Sophie Binet, secrétaire générale de la Confédération Générale du Travail (CGT), Mercredi 20 Décembre 2023 sur France Culture, « j’appelle solennellement le président de la république à ne pas promulguer cette loi qui déshonore la France à l'international et qui rompt fondamentalement avec toutes les valeurs de la république. Je rappelle que le droit du sol est un acquis de la révolution française, le président de la république doit avoir un sursaut, il ne doit pas promulguer cette loi pour garantir la cohésion de sa majorité qui est en train d'exploser et il doit surtout garantir la cohésion du pays ».
Des départements dirigés par la gauche ont annoncé qu'ils n'appliqueraient pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA). Mercredi 20 Décembre 2023, le département du Lot a indiqué qu'il allait refuser d’appliquer la préférence nationale instituée selon lui par la loi contre l’immigration pour l'attribution de l’APA, selon un communiqué.
« Le département du Lot, fidèle à ses valeurs de solidarité, refuse et refusera d'appliquer le principe de la préférence nationale pour nos aînés », affirme dans ce texte Serge Rigal, président divers gauche du conseil départemental, qui propose de créer une nouvelle allocation d'autonomie universelle qui donnera exactement les mêmes droits aux lotois qui seraient exclus par cette loi.
Même position pour le Lot-et-Garonne et la Seine-Saint-Denis, dont son président, le socialiste Stéphane Troussel, a annoncé qu'il n'appliquera pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’APA. « Je mettrai tout en oeuvre pour que le département soit un bouclier républicain contre la préférence nationale. Tous les habitants de Seine-Saint-Denis méritent la solidarité et l'humanité, d’où qu'ils viennent. Nous continuerons de verser l'APA aux étrangers en situation régulière », a déclaré sur X le président du conseil départemental de ce territoire de banlieue parisienne qui compte une forte population issue de l'immigration.
Le département de la Gironde n'appliquera pas non plus cette mesure. Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental, estime que la loi contre l’immigration est une honte pour la république. Paris n'appliquera pas la loi contre l’immigration, a également annoncé la maire de Paris, Anne Hidalgo, Mercredi 20 Décembre 2023.
Parmi les nouvelles mesures ajoutées à la loi contre l’immigration dans l'accord trouvé entre la majorité et les Républicains, la mise en place d'une caution à déposer pour les étudiants étrangers demandant un titre de séjour visant à couvrir le coût d'éventuels frais d'éloignement ne passe pas auprès des présidents des universités. Mardi 19 Décembre 2023, avant l'adoption du projet de loi, une vingtaine d'entre eux ont jugé que le texte, et cette mesure en particulier, était indigne de notre pays, qu’il était contraire à l’esprit des Lumières et qu’il nuisait à l'ambition de l'enseignement supérieur.
Parmi les premiers signataires figurent notamment les présidents de plusieurs grandes universités parisiennes dont la Sorbonne, des universités d'Aix-Marseille, de Bordeaux, de Lyon, de Toulouse Jean-Jaurès et de Strasbourg, « comment accepter des mesures qui tendront à replier l'université française sur elle-même ? Appliquer de façon généralisée la majoration des droits d'inscription pour les étudiants extra-communautaires aurait un effet particulièrement délétère sur leur nombre, origine géographique et situation sociale, alors même que ces étudiants internationaux sont une richesse pour notre pays ».
Dans une tribune distincte, publiée par le Parisien et transmise à l'Agence France Presse (AFP), les directeurs généraux de trois grandes écoles de commerce, l’école des Hautes Etudes Commerciales (HEC), l’Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales (ESSEC) et l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP), dénoncent aussi des mesures qui menacent gravement la compétitivité internationale de la France et qui anéantiraient l'objectif gouvernemental de doubler le nombre d'étudiants internationaux d'ici 2027.